OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’avenir de la médecine en open source http://owni.fr/2012/07/03/lavenir-de-la-medecine-en-open-source/ http://owni.fr/2012/07/03/lavenir-de-la-medecine-en-open-source/#comments Tue, 03 Jul 2012 08:55:08 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=114580 The Economist traduit par Framasoft. Certains chercheurs prônent donc les techniques et modèles open source. Quitte à inquiéter quelques industriels.]]>

La technologie a fait faire à la santé d’extraordinaires progrès. Mais libre ou propriétaire ? Dans le domaine des appareils médicaux pilotés par des logiciels ce choix peut avoir de très lourdes conséquences.

Vulnérable

Les pompes SMART délivrent des médicaments parfaitement dosés pour chaque patient. Des défibrillateurs faciles à utiliser peuvent ramener des victimes d’attaque cardiaque d’entre les morts. Les pacemakers et cœurs artificiels maintiennent les gens en vie en s’assurant que la circulation sanguine se déroule sans problème. Les appareils médicaux sont une merveille du monde moderne.

Alors que ces appareils sont devenus de plus en plus efficients, ils deviennent cependant de plus en plus complexes. Plus de la moitié des appareils médicaux vendus aux États-Unis (le plus grand marché de la santé) s’appuient sur du logiciel, et souvent en grande quantité. Ainsi, le logiciel dans un pacemaker peut nécessiter plus de 80.000 lignes de code, une pompe à perfusion, 170.000 lignes et un scanner à IRM (Imagerie à Résonance Magnétique) plus de 7 millions de lignes.

Cette dépendance grandissante vis-à-vis du logiciel cause des problèmes bien connus de tous ceux qui ont déjà utilisé un ordinateur : bugs, plantages, et vulnérabilités face aux attaques. Les chercheurs de l’université de Patras en Grèce ont découvert qu’un appareil médical sur trois vendu aux États-Unis entre 1995 et 2005 a été rappelé pour défaillance du logiciel. Kevin Fu, professeur d’informatique à l’université du Massachusetts, estime que ce phénomène a affecté plus de 1,5 millions d’appareils individuels depuis 2002.

En avril, les chercheurs de la firme de sécurité informatique McAfee ont annoncé avoir découvert un moyen pour détourner une pompe à insuline installée dans le corps d’un patient en injectant l’équivalent de 45 jours de traitement d’un seul coup. Enfin, en 2008, Dr Fu et ses collègues ont publié un article détaillant la reprogrammation à distance d’un défibrillateur implanté.

Or, le dysfonctionnement du logiciel d’un appareil médical a des conséquences beaucoup plus désastreuses que d’avoir seulement à faire redémarrer votre ordinateur. Durant les années 1980, un bug dans le logiciel des machines de radiothérapie Therac-25 a provoqué une overdose de radiations administrées à plusieurs patients, en tuant au moins cinq.

L’ organisation américaine de l’alimentation et des médicaments, l’America’s Food and Drug Administration (FDA), s’est penchée sur le cas des pompes à perfusion qui ont causé près de 20.000 blessures graves et plus de 700 morts entre 2005 et 2009. Les erreurs logicielles étaient le problème le plus fréquemment cité. Si, par exemple, le programme buggé interprète plusieurs fois le même appui sur une touche, il peut administrer une surdose.

En plus des dysfonctionnements accidentels, les appareils médicaux sans fils ou connectés sont également vulnérables aux attaques de hackers malveillants. Dans le document de 2008 du Dr Fu et de ses collègues, il est prouvé qu’un défibrillateur automatique sous-cutané peut être reprogrammé à distance, bloquer une thérapie en cours, ou bien délivrer des chocs non attendus.

Le Dr Fu explique que lors des phases de test de leur logiciel, les fabricants d’appareils manquent de culture de la sécurité, culture que l’on peut trouver dans d’autres industries à haut risque, telle que l’aéronautique. Insup Lee, professeur d’Informatique à l’Université de Pennsylvanie, confirme :

Beaucoup de fabricants n’ont pas l’expertise ou la volonté d’utiliser les mises à jour ou les nouveaux outils offerts par l’informatique.

Personne ne peut évaluer avec certitude l’étendue réelle des dégâts. Les logiciels utilisés dans la majorité des appareils médicaux sont propriétaires et fermés. Cela empêche les firmes rivales de copier le code d’une autre entreprise, ou simplement de vérifier des infractions à la propriété intellectuelle. Mais cela rend aussi la tâche plus ardue pour les experts en sécurité.

La FDA, qui a le pouvoir de demander à voir le code source de chaque appareil qu’elle autorise sur le marché, ne le vérifie pas systématiquement, laissant aux constructeurs la liberté de valider leurs propres logiciels. Il y a deux ans, la FDA offrait gratuitement un logiciel “d’analyse statique” aux constructeurs de pompes à perfusion, dans l’espoir de réduire le nombre de morts et de blessés. Mais aucun constructeur n’a encore accepté l’offre de la FDA.

Plus stables et moins chères

Frustrés par le manque de coopération de la part des fabricants, certains chercheurs veulent maintenant rebooter l’industrie des appareils médicaux en utilisant les techniques et modèles open source. Dans les systèmes libres, le code source est librement partagé et peut être visionné et modifié par quiconque souhaitant savoir comment il fonctionne pour éventuellement en proposer une version améliorée.

En exposant la conception à plusieurs mains et à plusieurs paires de yeux, la théorie veut que cela conduise à des produits plus sûrs. Ce qui semble bien être le cas pour les logiciels bureautiques, où les bugs et les failles de sécurité dans les applications open source sont bien souvent corrigés beaucoup plus rapidement que dans les programmes commerciaux propriétaires.

Le projet d’une pompe à perfusion générique et ouverte (Generic Infusion Pump), un effort conjoint de l’Université de Pennsylvanie et de la FDA, reconsidère ces appareils à problèmes depuis la base. Les chercheurs commencent non pas par construire l’appareil ou écrire du code, mais par imaginer tout ce qui peut potentiellement mal fonctionner dans une pompe à perfusion. Les fabricants sont appelés à participer, et ils sont plusieurs à le faire, notamment vTitan, une start-up basée aux États-Unis et en Inde. Comme le souligne Peri Kasthuri, l’un de ses cofondateurs :

Pour un nouveau fabricant, c’est un bon départ.

En travaillant ensemble sur une plateforme open source, les fabricants peuvent construire des produits plus sûrs pour tout le monde, tout en gardant la possibilité d’ajouter des fonctionnalités pour se différencier de leur concurrents. Des modèles mathématiques de designs de pompes à perfusion (existantes ou originales) ont été testés vis à vis des dangers possibles, et les plus performantes ont été utilisées pour générer du code, qui a été installé dans une pompe à perfusion de seconde main achetée en ligne pour 20 dollars. Comme le confie Dave Arnez, un chercheur participant à ce projet :

Mon rêve est qu’un hôpital puisse finalement imprimer une pompe à perfusion utilisant une machine à prototypage rapide, qu’il y télécharge le logiciel open source et que l’appareil fonctionne en quelques heures.

L’initiative Open Source Medical Device de l’université Wisconsin-Madison est d’ambition comparable. Deux physiciens médicaux (NdT : appelés radiophysiciens ou physiciens d’hôpital), Rock Mackie et Surendra Prajapati, conçoivent ainsi une machine combinant la radiothérapie avec la tomographie haute résolution par ordinateur, et la tomographie par émission de positron.

Le but est de fournir, à faible coût, tout le nécessaire pour construire l’appareil à partir de zéro, en incluant les spécifications matérielles, le code source, les instructions d’assemblages, les pièces suggérées — et même des recommandations sur les lieux d’achat et les prix indicatifs. Comme le déclare le Dr Prajapati :

La machine devrait coûter environ le quart d’un scanner commercial, la rendant attractive pour les pays en voie de développement. Les appareils existants sont coûteux, autant à l’achat qu’à la maintenance (là ou les modèles libres sont plus durables NDLR). Si vous pouvez le construire vous-même, vous pouvez le réparer vous-même

Code source standardisé

Les appareils open source sont littéralement à la pointe de la science médicale. Un robot chirurgien open source nommé Raven, conçu à l’Université de Washington à Seattle fournit une plateforme d’expérimentation abordable aux chercheurs du monde entier en proposant de nouvelles techniques et technologies pour la chirurgie robotique.

Tous ces systèmes open source travaillent sur des problématiques diverses et variées de la médecine, mais ils ont tous un point commun : ils sont encore tous interdit à l’utilisation sur des patients humains vivants. En effet, pour être utilisés dans des centres cliniques, les appareils open source doivent suivre les mêmes longues et coûteuses procédures d’approbation de la FDA que n’importe quel autre appareil médical.

Les réglementations de la FDA n’imposent pas encore que les logiciels soient analysés contre les bugs, mais elles insistent sur le présence d’une documentation rigoureuse détaillant leur développement. Ce n’est pas toujours en adéquation avec la nature collaborative et souvent informelle du développement open source. Le coût élevé de la certification a forcé quelques projets open source à but non lucratif à modifier leur business model. Comme l’explique le Dr Mackie :

Dans les années 90, nous développions un excellent système de planning des traitements de radiothérapie et avions essayé de le donner aux autres cliniques, mais lorsque la FDA nous a suggéré de faire approuver notre logiciel, l’hôpital n’a pas voulu nous financer.

Il a fondé une société dérivée uniquement pour obtenir l’approbation de la FDA. Cela a pris quatre ans et a couté des millions de dollars. En conséquence, le logiciel a été vendu en tant qu’un traditionnel produit propriétaire fermé.

D’autres tentent de contourner totalement le système de régulation américain. Le robot chirurgical Raven (Corbeau) est destiné à la recherche sur les animaux et les cadavres, quant au scanner de l’Open Source Medical Device, il est conçu pour supporter des animaux de la taille des rats et des lapins. “Néanmoins, déclare le Dr Mackie, rien n’empêche de reprendre le design et de lui faire passer les procédures de certification dans un autre pays. Il est tout à fait envisageable que l’appareil soit utilisé sur des humains dans d’autres parties du monde où la régulation est moins stricte, avance-t-il. Nous espérons que dans un tel cas de figure, il sera suffisamment bien conçu pour ne blesser personne.”

Changer les règles

La FDA accepte progressivement l’ouverture. Le Programme d’interopérabilité des appareils médicaux Plug-and-Play, une initiative de 10 millions de dollars financé par le NIH (l’Institut National de la Santé) avec le support de la FDA, travaille à établir des standards ouverts pour interconnecter les appareils provenant de différents fabricants. Cela signifierait, par exemple, qu’un brassard de pression artérielle d’un certain fabricant pourrait commander à une pompe à perfusion d’un autre fabricant d’arrêter la délivrance de médicament s’il détecte que le patient souffre d’un effet indésirable.

Le framework de coordination des appareils médicaux (Medical Device Coordination Framework), en cours de développement par John Hatcliff à l’Université de l’État du Kansas, est plus intrigant encore. Il a pour but de construire une plateforme matérielle open source comprenant des éléments communs à beaucoup d’appareils médicaux, tels que les écrans, les boutons, les processeurs, les interfaces réseaux ainsi que les logiciels pour les piloter. En connectant différents capteurs ou actionneurs, ce cœur générique pourrait être transformé en des dizaines d’appareils médicaux différents, avec les fonctionnalités pertinentes programmées en tant qu’applications (ou apps) téléchargeables.

À terme, les appareils médicaux devraient évoluer vers des ensembles d’accessoires spécialisés (libres ou propriétaires), dont les composants primaires et les fonctionnalités de sécurité seraient gérés par une plateforme open source. La FDA travaille avec le Dr Hatcliff pour développer des processus de création et de validation des applications médicales critiques.

Dans le même temps, on tend à améliorer la sécurité globale et la fiabilité des logiciels dans les appareils médicaux. Le NIST (Institut national des États-Unis des normes et de la technologie) vient juste de recommander qu’une seule agence, probablement la FDA, soit responsable de l’approbation et de la vérification de la cyber-sécurité des appareils médicaux, et la FDA est en train de réévaluer ses capacités à gérer l’utilisation croissante de logiciels.

De tels changements ne peuvent plus attendre. Comme le dit le Dr Fu :

Quand un avion s’écrase, les gens le remarquent mais quand une ou deux personnes sont blessées par un appareil médical, ou même si des centaines sont blessées dans des régions différentes du pays, personne n’y fait attention.

Avec des appareils plus complexes, des hackers plus actifs et des patients plus curieux et impliqués, ouvrir le cœur caché de la technologie médicale prend vraiment ici tout son sens.


Article initialement traduit et publié sur Framasoft et paru dans  The Economist sous le titre “When code can kill or cure”
Photos et illustrations sous licence creative commons par YanivG, Czar et Gwen Vanhee

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Naissance d’un mythe de la bidouille http://owni.fr/2011/12/16/arduino-naissance-mythe-bidouille/ http://owni.fr/2011/12/16/arduino-naissance-mythe-bidouille/#comments Fri, 16 Dec 2011 18:01:18 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=90471 Arduino

L’histoire retiendra que c’est dans un bar d’une petite ville du nord de l’Italie qu’est né le projet Arduino qui, de manière totalement inattendue, est en train de révolutionner le domaine de l’électronique à l’échelle mondiale, puisque pour la première fois tout le monde peut vraiment s’y essayer et découvrir qu’il aime ça !

L’histoire retiendra également que rien de tout ceci n’aurait été possible sans le choix initial des licences libres qui a conditionné non seulement son bas prix et sa massive diffusion mais également son approche et son état d’esprit.

Acteur et non consommateur, on retrouve ici le goût de comprendre, créer et faire des choses ensemble. Concepts simple et plein de bon sens mais que notre époqu’Apple a fortement tendance à oublier.

PS : Ceci est la troisième traduction de suite initiée sur Twitter/Identica et réalisée dans un Framapad. Je remercie vivement tous les volontaires qui ont bossé dur hier soir pour arriver à un résultat d’un étonnante qualité quand on pense que les invitations sont ouvertes à tout le monde. On se donne rendez-vous, on communique, on se met d’accord sur tel ou tel passage via le chat intégré… au final on passe un moment ponctuel et commun agréable tout en travaillant (bénévolement). Je reste fasciné par le dynamisme et la bienveillance des gens et par la capacité d’Internet à favoriser cela. Si vous voulez vous aussi participer aux prochaines, il suffit de me suivre sur Twitter ou Identica avec le hashtag (que je viens d’inventer) « #EnFrSprint ».

La genèse d’Arduino

The making of Arduino

David Kushner – Octobre 2011 – Spectrum
(Traduction Framalang : Yoha, Keyln, Fab et Luc)

Ou comment cinq amis ont conçu la petite carte électronique qui a bouleversé le monde du DIY (Do It Yourself – Faites-le vous-même).

La pittoresque ville d’Ivrea, qui chevauche la rivière bleue-verte Dora Baltea au nord de l’Italie, est connue pour ses rois déchus. En l’an 1002, le roi Arduin (Arduino en italien) devint le seigneur du pays, pour être détrôné par Henri II d’Allemagne, deux ans plus tard. Aujourd’hui, le Bar di Re Arduino, un bar dans une rue pavée de la ville, honore sa mémoire, et c’est là qu’un nouveau roi inattendu naquit.

C’est en l’honneur de ce bar où Massimo Banzi a pour habitude d’étancher sa soif que fut nommé le projet électronique Arduino (dont il est le cofondateur). Arduino est une carte microcontrôleur à bas prix qui permet — même aux novices — de faire des choses époustouflantes. Vous pouvez connecter l’Arduino à toutes sortes de capteurs, lampes, moteurs, et autres appareils, et vous servir d’un logiciel facile à appréhender pour programmer le comportement de votre création. Vous pouvez construire un affichage interactif, ou un robot mobile, puis en partager les plans avec le monde entier en les postant sur Internet.

Sorti en 2005 comme un modeste outil pour les étudiants de Banzi à l’Interaction Design Institute Ivrea (IDII), Arduino a initié une révolution DIY dans l’électronique à l’échelle mondiale. Vous pouvez acheter une carte Arduino pour seulement 30 dollars ou vous construire la vôtre à partir de rien : tous les schémas électroniques et le code source sont disponibles gratuitement sous des licences libres. Le résultat en est qu’Arduino est devenu le projet le plus influent de son époque dans le monde du matériel libre.

Le couteau suisse rêvé devenu réalité

La petite carte est désormais devenu le couteau suisse de nombreux artistes, passionnés, étudiants, et tous ceux qui rêvaient d’un tel gadget. Plus de 250 000 cartes Arduino ont été vendues à travers le monde — sans compter celles construites à la maison. “Cela a permis aux gens de faire des choses qu’ils n’auraient pas pu faire autrement”, explique David A. Mellis, ancien étudiant à l’IDII et diplômé au MIT Media Lab, actuellement développeur en chef de la partie logicielle d’Arduino.

On trouve des alcootests, des cubes à DEL, des systèmes de domotique, des afficheurs Twitter et même des kits d’analyse ADN basés sur Arduino. Il y a des soirées Arduino et des clubs Arduino. Google a récemment publié un kit de développement basé sur Arduino pour ses smartphones Android. Comme le dit Dale Dougherty, l’éditeur et rédacteur du magazine Make, la bible des créateurs passionnés. Arduino est devenu “la partie intelligente dans les projets créatifs”.

Mais Arduino n’est pas qu’un projet open source ayant pour but de rendre la technologie plus accessible. C’est aussi une startup conduite par Banzi et un groupe d’amis, qui fait face à un challenge que même leur carte magique ne peut résoudre : comment survivre au succès et s’élargir. Banzi m’explique :

Nous devons passer à l’étape suivante, et devenir une entreprise établie.

arduino gps

Arduino a soulevé un autre défi formidable : comment apprendre aux étudiants à créer rapidement de l’électronique. En 2002, Banzi, un architecte logiciel barbu et avunculaire [NDT : qui ressemble à un oncle] y a été amené par l’IDII en tant que professeur associé pour promouvoir de nouvelles approches pour la conception interactive — un champ naissant parfois connu sous le nom d’informatique physique. Mais avec un budget se réduisant et un temps d’enseignement limité, ses options de choix d’outils étaient rares.

Comme beaucoup de ses collègues, Banzi se reposait sur le BASIC Stamp, un microcontrôleur créé et utilisé par l’entreprise californienne Parallax depuis près de 10 ans. Codé avec le langage BASIC, le Stamp était comme un tout petit circuit, embarquant l’essentiel : une alimentation, un microcontrôleur, de la mémoire et des ports d’entrée/sortie pour y connecter du matériel. Mais le BASIC Stamp avait deux problèmes auxquels Banzi se confronta : il n’avait pas assez de puissance de calcul pour certains des projets que ses étudiants avaient en tête, et il était aussi un peu trop cher — une carte avec les parties basiques pouvait coûter jusqu’à 100 dollars. Il avait aussi besoin de quelque chose qui puisse tourner sur Macintosh, omniprésents parmi les designers de l’IDII. Et s’ils concevaient eux-mêmes une carte qui répondrait à leurs besoins ?

Un collègue de Banzi au MIT avait développé un langage de programmation intuitif, du nom de Processing. Processing gagna rapidement en popularité, parce qu’il permettait aux programmeurs sans expérience de créer des infographies complexes et de toute beauté. Une des raisons de son succès était l’environnement de développement extrêmement facile à utiliser. Banzi se demanda s’il pourrait créer un logiciel similaire pour programmer un microcontrôleur, plutôt que des images sur l’écran.

Un étudiant du programme, Henando Barragán, fit les premiers pas dans cette direction. Il développa un prototype de plateforme, Wiring, qui comprenait un environnement de développement facile à appréhender et un circuit imprimé prêt-à-l’emploi. C’était un projet prometteur — encore en activité à ce jour — mais Banzi pensait déjà plus grand : il voulait faire une plate-forme encore plus simple, moins chère et plus facile à utiliser.

Banzi et ses collaborateurs croyaient fermement en l’open source. Puisque l’objectif était de mettre au point une plateforme rapide et facile d’accès, ils se sont dit qu’il vaudrait mieux ouvrir le projet au plus de personnes possibles plutôt que de le garder fermé. Un autre facteur qui a contribué à cette décision est que, après cinq ans de fonctionnement, l’IDII manquait de fonds et allait fermer ses portes. Les membres de la faculté craignaient que leurs projets n’y survivent pas ou soient détournés. Banzi se souvient :

Alors on s’est dit : oublions ça, rendons-le open source !

Le modèle de l’open source a longtemps été utilisé pour aider à l’innovation logicielle, mais pas matérielle. Pour que cela fonctionne, il leur fallait trouver une licence appropriée pour leur carte électronique. Après quelques recherches, ils se rendirent compte que s’ils regardaient leur projet sous un autre œil, ils pouvaient utiliser une licence Creative Commons, une organisation à but non-lucratif dont les contrats sont habituellement utilisés pour les travaux artistiques comme la musique et les écrits. Banzi argumente :

Vous pouvez penser le matériel comme un élément culturel que vous voulez partager avec d’autres personnes.

arduino schema

Aussi bon marché qu’un repas dans une pizzeria

Le groupe avait pour objectif de conception un prix particulier, accessible aux étudiants, de 30$. “Il fallait que ce soit équivalent à un repas dans une pizzeria” raconte Banzi. Ils voulaient aussi faire quelque chose de surprenant qui pourrait se démarquer et que les geeks chevronnés trouveraient cool. Puisque les autres circuits imprimés sont souvent verts, ils feraient le leur bleu ; puisque les constructeurs économisaient sur les broches d’entrée et de sortie, ils en ajouteraient plein à leur circuit. Comme touche finale, ils ajoutèrent une petite carte de l’Italie au dos de la carte. “Une grande partie des choix de conception paraîtraient étranges à un vrai ingénieur, se moque savamment Banzi, mais je ne suis pas un vrai ingénieur, donc je l’ai fait n’importe comment !”

Pour l’un des vrais ingénieurs de l’équipe, Gianluca Martino, la conception inhabituelle, entre chirurgie et boucherie, était une illumination. Martino la décrit comme une “nouvelle manière de penser l’électronique, non pas de façon professionnelle, où vous devez compter vos électrodes, mais dans une optique DIY.”

Le produit que l’équipe créa se constituait d’éléments bon marchés qui pourraient être trouvés facilement si les utilisateurs voulaient construire leurs propres cartes (par exemple, le microcontrôleur ATmega328). Cependant, une décision clé fut de s’assurer que ce soit, en grande partie, plug-and-play : ainsi quelqu’un pourrait la sortir de la boîte, la brancher, et l’utiliser immédiatement. Les cartes telles que la BASIC Stamp demandaient à ce que les adeptes de DIY achètent une dizaine d’autres éléments à ajouter au prix final. Mais pour la leur, l’utilisateur pourrait tout simplement connecter un câble USB de la carte à l’ordinateur — Mac, PC ou Linux — pour la programmer. Un autre membre de l’équipe, David Cuartielles, ingénieur en télécommunications, nous dit :

La philosophie derrière Arduino est que si vous voulez apprendre l’électronique, vous devriez être capable d’apprendre par la pratique dès le premier jour, au lieu de commencer par apprendre l’algèbre.

L’équipe testa bientôt cette philosophie. Ils remirent 300 circuits imprimés nus (sans composants) aux étudiants de l’IDII avec une consigne simple : regardez les instructions de montage en ligne, construisez votre propre carte et utilisez-la pour faire quelque chose. Un des premiers projets était un réveil fait maison suspendu au plafond par un câble. Chaque fois que vous poussiez le bouton snooze, le réveil montait plus haut d’un ton railleur jusqu’à ce que vous ne puissiez que vous lever.

D’autres personnes ont vite entendu parler de ces cartes. Et ils en voulaient une. Le premier acheteur fut un ami de Banzi, qui en commanda une. Le projet commençait à décoller mais il manquait un élément majeur : un nom. Une nuit, autour d’un verre au pub local, il vint à eux : Arduino, juste comme le bar — et le roi.

Rapidement, l’histoire d’Arduino se répandit sur la toile, sans marketing ni publicité. Elle attira très tôt l’attention de Tom Igoe, un professeur d’informatique physique au Programme de Télécommunications Interactives de l’Université de New York et aujourd’hui membre de l’équipe centrale d’Arduino. Igoe enseignait à des étudiants non techniciens en utilisant le BASIC Stamp mais fut impressionné par les fonctionnalités d’Arduino :

Ils partaient de l’hypothèse que vous ne connaissiez ni l’électronique, ni la programmation, que vous ne vouliez pas configurer une machine entière juste pour pouvoir programmer une puce — vous n’avez qu’à allumer la carte, appuyer sur upload et ça marche. J’étais aussi impressionné par l’objectif de fixer le prix à 30$, ce qui la rendait accessible. C’était l’un des facteurs clefs pour moi.

De ce point de vue, le succès de l’Arduino doit beaucoup à l’existence préalable de Processing et de Wiring. Ces projets donnèrent à Arduino une de ses forces essentielles : un environnement de programmation convivial. Avant Arduino, coder un microcontrôleur nécessitait une courbe d’apprentissage difficile. Avec Arduino, même ceux sans expérience électronique préalable avaient accès à un monde précédemment impénétrable. Les débutant peuvent à présent construire un prototype qui fonctionne vraiment sans passer par une longue phase d’apprentissage. Le mouvement est puissant, à une époque où la plupart des gadgets les plus populaires fonctionnent comme des “boîtes noires” fermées et protégées par brevet.

robot Arduino

La démocratisation de l’ingénierie

Pour Banzi, c’est peut-être l’impact le plus important d’Arduino : la démocratisation de l’ingénierie :

Il y a cinquante ans, pour faire un logiciel, il fallait du personnel en blouses blanches qui savait tout sur les tubes à vide. Maintenant, même ma mère peut programmer. Nous avons permis à beaucoup de gens de créer eux-mêmes des produits.

Tous les ingénieurs n’aiment pas Arduino. Les plus pointilleux se plaignent de ce que la carte abaisse le niveau créatif et inonde le marché des passionnés avec des produits médiocres. Cependant, Mellis ne voit pas du tout l’invention comme dévaluant le rôle de l’ingénieur :

Il s’agit de fournir une plateforme qui laisse une porte entrouverte aux artistes et aux concepteurs et leur permet de travailler plus facilement avec les ingénieurs en leur communiquant leurs avis et leurs besoins.

Et il ajoute :

Je ne pense pas que cela remplace l’ingénieur ; cela facilite juste la collaboration.

Pour accélérer l’adoption d’Arduino, l’équipe cherche à l’ancrer plus profondément dans le monde de l’éducation, depuis les écoles primaires jusqu’aux universités. Plusieurs d’entre elles, dont Carnegie Mellon et Stanford, utilisent déjà Arduino. Mellis a observé comment les étudiants et les profanes abordaient l’électronique lors d’une série d’ateliers au MIT Media Lab. Il a ainsi invité des groupes de 8 à 10 personnes à l’atelier où le projet à réaliser devait tenir dans une seule journée. Parmi les réalisations, on peut noter des enceintes pour iPod, des radios FM, et une souris d’ordinateur utilisant certains composants similaires à ceux d’Arduino.

Mais diffuser la bonne parole d’Arduino n’est qu’une partie du travail. L’équipe doit aussi répondre aux demandes pour les cartes. En fait, la plateforme Arduino ne se résume plus à un seul type de carte — il y a maintenant toute une famille de cartes. En plus du design originel, appelé Arduino Uno, on trouve parmi les nouveaux modèles une carte bien plus puissante appelée Arduino Mega, une carte compacte, l’Arduino Nano, une carte résistante à l’eau, la LilyPad Arduino, et une carte capable de se connecter au réseau, récemment sortie, l’Arduino Ethernet.

Arduino a aussi créé sa propre industrie artisanale pour l’électronique DIY. Il y a plus de 200 distributeurs de produits Arduino dans le monde, de grandes sociétés comme SparkFun Electronics à Boulder, Colorado mais aussi de plus petites structures répondant aux besoins locaux. Banzi a récemment entendu parler d’un homme au Portugal qui a quitté son travail dans une société de téléphonie pour vendre des produits Arduino depuis chez lui. Le membre de l’équipe Arduino Gianluca Martino, qui supervise la production et la distribution, nous confie qu’ils font des heures supplémentaires pour atteindre les marchés émergents comme la Chine, l’Inde et l’Amérique du Sud. Aujourd’hui, près de 80% du marché de l’Arduino est concentré entre les États-Unis et l’Europe.

Puisque l’équipe ne peut pas se permettre de stocker des centaines de milliers de cartes, ils en produisent entre 100 et 3000 par jour selon la demande dans une usine de fabrication près d’Ivrea. L’équipe a créé un système sur mesure pour tester les broches de chaque carte, comme la Uno, qui comprend 14 broches d’entrée/sortie numériques, 6 broches d’entrée analogiques et 6 autres pour l’alimentation. C’est une bonne assurance qualité quand vous gérez des milliers d’unités par jour. L’Arduino est suffisamment peu chère pour que l’équipe promette de remplacer toute carte qui ne fonctionnerait pas. Martino rapporte que le taux de matériel défectueux est de un pour cent.

L’équipe d’Arduino engrange suffisamment d’argent pour payer deux employés à plein temps et projette de faire connaître de façon plus large la puissance des circuits imprimés. En septembre, à la Maker Faire, un congrès à New York soutenu par le magazine Make, l’équipe a dévoilé sa première carte à processeur 32 bits — une puce ARM — à la place du processeur 8 bits précédent. Cela permettra de répondre à la demande de puissance des périphériques plus évolués. Par exemple, la MakerBot Thing-O-Matic, une imprimante 3D à monter soi-même basée sur Arduino, pourrait bénéficier d’un processeur plus rapide pour accomplir des tâches plus complexes.

Arduino a bénéficié d’un autre coup d’accélérateur cette année quand Google à mis à disposition une carte de développement pour Android basée sur Arduino. Le kit de développement d’accessoires (ADK) d’Android est une plateforme qui permet à un téléphone sous Android d’interagir avec des moteurs, capteurs et autres dispositifs. Vous pouvez concevoir une application Android qui utilise la caméra du téléphone, les capteurs de mouvements, l’écran tactile, et la connexion à Internet pour contrôler un écran ou un robot, par exemple. Les plus enthousiastes disent que cette nouvelle fonctionnalité élargit encore plus les possibilités de projets Arduino.

L’équipe évite cependant de rendre Arduino trop complexe. Selon Mellis :

Le défi est de trouver un moyen de faire en sorte que chacun puisse faire ce qu’il veut avec la plateforme sans la rendre trop complexe pour quelqu’un qui débuterait.

En attendant, ils profitent de leur gloire inattendue. Des fans viennent de loin simplement pour boire au bar d’Ivrea qui a donné son nom au phénomène. ” Les gens vont au bar et disent ‘Nous sommes ici pour l’Arduino !’”, narre Banzi. “Il y a juste un problème“, ajoute-t-il dans un éclat de rire, “les employés du bar ne savent pas ce qu’est Arduino !”

Billet initialement publié sur Framablog sous le titre “Le making-of d’Arduino”

Crédits photos CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale Anthony Mattox, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification sean_carney, PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales atduskgreg et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales atduskgreg

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Google m’a supprimé http://owni.fr/2011/08/29/google-suppression-compte-donnees-personnelles-vie-privee-god/ http://owni.fr/2011/08/29/google-suppression-compte-donnees-personnelles-vie-privee-god/#comments Mon, 29 Aug 2011 14:21:49 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=76455 Thomas Monopoly a vu son compte Google, et ceux qu’il avait associés, désactivés du jour au lendemain, sans qu’il ne soit averti. Fâcheuse aventure qu’il raconte ici. Son compte, fermé pour des raisons de violation des conditions d’utilisation, a été réactivé depuis. Artiste, l’auteur a monté une exposition – numérique – il y a trois ans intitulée “L’évolution du sexe” et dans laquelle il avait inséré  une photo “à la limité de la légalité“. Qui ne lui appartenait pas. Cette exposition avait pour but de souligner la violence et l’absurdité croissante de la pornographie. Google avait donc décidé de supprimer son compte sans préavis. Explications sur son blog.

Vous vous réveillez un matin et constatez la disparition de la totalité de votre vie numérique !

Plus de mails, plus de contacts, plus de photos, plus de vidéos, plus de documents, plus de calendrier, plus de blog, plus de favoris, plus de flux RSS… tout, absolument tout, s’est évanoui !

De la science-fiction ? Non, un simple compte Google désactivé unilatéralement et sans préavis par la société.

En l’occurrence le compte de Dylan M. (@ThomasMonopoly sur Twitter) qui avait décidé peu de temps auparavant de tout faire migrer sur son unique compte Google. Compte sur lequel étaient attachés les nombreux services qu’offre la firme de Mountain View : Gmail, Picasa, Google Docs, Calendar, Reader, Blogger, etc.

Et ce sont donc ici sept années digitales qui partent en fumée d’un simple clic. Adieu données personnelles. Ce n’est alors pas uniquement votre identité numérique qui vacille, mais votre identité toute entière…

Cette triste ou effroyable histoire vraie est malheureusement riche d’enseignements. D’abord parce qu’elle peut arriver à n’importe quel possesseur d’un compte Google. Mais aussi et surtout parce qu’elle en dit long sur ce que nous acceptons tacitement lorsque nous décidons de faire confiance à ces “sociétés du nuage” en nous inscrivant, le plus souvent gratuitement, à leurs services en ligne. Et il va sans dire que Facebook, Twitter ou Apple ont, toutes, le droit d’en faire autant.

Exaspéré et désespéré, Dylan M. a conté sa mésaventure dans une longue lettre ouverte à Google, que vous trouverez traduite ci-dessous. Une lettre publiée sur… TwitLonger et non sur son blog, puisque ce dernier était sur Blogger et dépendait lui aussi de son compte Google !

De quoi faire réfléchir non seulement sur les pratiques du géant Google mais également sur le monde dans lequel nous avons choisi de vivre…

Je vous laisse, j’ai quelques sauvegardes urgentes à faire sur mon disque dur.


“Cher Google…”, Thomas Monopoly, 22 juillet 2011, TwitLonger

Cher Google,

Je voudrais attirer votre attention sur quelques points avant de me déconnecter définitivement de tous vos services.

Le 15 juillet 2011 vous avez bloqué la totalité de mon compte Google. Vous n’aviez absolument aucune raison de faire cela, même si votre message automatique me disait que votre système avait repéré une “violation”. Je n’ai en aucun cas violé les Conditions Générales d’Utilisation, que ce soit celles de Google ou celles spécifiques au compte, et votre refus de me fournir une quelconque explication ne fait que renforcer ma certitude. Et je souhaiterais vous montrer les dégâts que votre négligence a causés.

Mon compte Google était lié à presque tous les produits que Google a développés, ce qui veut dire que j’ai aussi perdu tout ce qui était dans ces comptes. Je venais aussi d’entreprendre de tout regrouper sur un seul compte Google. En fait, j’avais réfléchi à tout cela voici quelques mois et avais décidé que Google était une entreprise sérieuse et digne de confiance. Donc j’ai tout importé de mes autres comptes Hotmail, Yahoo…, dans mon unique compte Gmail. J’ai passé environ quatre mois à migrer lentement toute ma présence en ligne : comptes email, informations bancaires, documents professionnels, etc., dans cet unique compte Google, l’ayant déterminé comme étant fiable.

“C’est quelque chose qui me dépasse complétement”


Cela correspond, en termes d’informations, à environ 7 années de correspondances, plus de 4800 photographies et vidéos, mes messages Google Voice, plus de 500 articles enregistrés dans mon compte Google Reader pour mes études (lorsque j’ai fermé mon compte Reader d’origine pour tout regrouper dans mon unique compte portant mon nom, j’ai ré-enregistré plusieurs centaines d’articles et de flux moi-même, à la main, un par un dans ce nouveau compte, celui que vous avez fermé et dont j’ai maintenant perdu tous les articles). J’ai également perdu tous mes favoris, ayant utilisé Google Bookmarks.

J’avais migré mes favoris d’ordinateur à ordinateur pendant peut-être 6 ans, environ 200, et je les ai finalement tous envoyés sur Google Bookmarks, content d’avoir trouvé une solution pour les migrer et content de me préserver de leur perte. J’ai aussi perdu plus de 200 contacts. Nombreux sont ceux pour lesquels je n’ai pas de sauvegarde. J’ai aussi perdu l’accès à mon compte Google Docs avec des documents partagés et des sauvegardes de fichiers archivés. J’ai par ailleurs perdu l’accès à mon calendrier. Avec cela, j’ai perdu non seulement mon propre calendrier personnel avec des rendez-vous chez le médecin, des réunions et autres, mais j’ai aussi perdu mes calendriers collaboratifs que j’avais créés et pour lesquels plusieurs heures de travail humain ont été nécessaires, des calendriers communautaires qui sont maintenant perdus.

Aucun de ces calendriers n’était non plus sauvegardé. J’ai également perdu mes cartes Google Maps sauvegardées et mon historique de voyages. J’ai perdu mes dossiers de correspondances médicales et diverses notes très importantes qui étaient attachées à mon compte. Mon site web, un compte Blogger pour lequel j’ai acheté le domaine via Google et que j’ai conçu moi-même, a été aussi désactivé et perdu. Pensez-vous réellement que je ferais sciemment quelque chose qui mettrait en péril autant de données personnelles et professionnelles ? Au fur et à mesure que les jours passent, je suis certain que je vais prendre connaissance d’autres choses que Google a détruites dans la désactivation injustifiée de mon compte. Je suis seulement trop en colère en ce moment pour réfléchir correctement et tout passer en revue. Pourquoi quelqu’un confierait-il quoi que ce soit à “l’informatique dans les nuages” après ce que j’ai traversé ? C’est quelque chose qui me dépasse complétement.

Je voudrai aussi préciser que je suis en fait un client payant, au point que j’ai acheté mon domaine via Google et j’ai aussi acheté de l’espace de stockage supplémentaire.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments : je suis en ce moment en train de soumettre ma candidature pour les études supérieures. Je recevais occasionnellement des courriels de professeurs et d’autres personnes que je n’attendais pas et dont je n’avais pas les coordonnées. Ceci entraînant qu’en plus de mes amis et de ma famille à l’étranger ou des gens qui ne pouvaient pas me joindre autrement, ces personnes recevront maintenant un message de Google leur signalant que mon adresse électronique n’existe pas. Et j’ose imaginer que certains d’entre eux n’auront pas le temps de trouver d’autres moyens de contacter un candidat à qui ils faisaient une faveur en faisant le premier pas.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments : j’ai été ce que l’on pourrait appeler un supporter enthousiaste de Google en tant qu’entreprise. Étant un utilisateur de la première heure, on pourrait presque dire que j’ai été un apôtre du travail de Google. Google sortait ses produits prématurément, et je contribuais au feedback sur ces produits. Lorsque Google a réussi son coup politique en Chine en re-routant les serveurs vers Hong-Kong, j’ai applaudi et j’ai posté des articles à ce sujet sur tous mes réseaux sociaux, et j’ai fait la remarque, par ces mots, à plusieurs personnes que je connais : “ils l’ont fait avec classe et dignité”. J’ai également convaincu l’entreprise pour laquelle je travaillais de migrer vers Google Business Apps et d’utiliser les Google Apps pour à peu près tout. Je les ai aussi encouragés à acheter de l’espace de stockage avec Picasa pour construire notre base de données d’images. De plus, j’ai convaincu presque toute ma famille et mes amis d’ouvrir un compte Google ou Gmail dans les deux dernières années, et j’ai montré aux gens comment les utiliser et leur ai expliqué les bénéfices de Chrome sur les autres navigateurs. J’ai même des actions Google.


“S’il vous plait, aidez-moi, mon compte a été désactivé et je ne sais pas pourquoi !”


J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments encore : je ne suis pas fâché que Google ait suspendu mon compte s’ils pensent qu’il a été corrompu, mais je suis absolument furieux qu’ils aient suspendu mon compte sans me prévenir, sans même me donner une raison, et sans me donner quelque moyen que ce soit pour le réactiver, et ensuite ignorer toutes mes tentatives de trouver un interlocuteur. Aucun autre prestataire de service Internet ne se comporte ainsi. Je comprends que Google ne puisse pas offrir de l’aide personnalisée pour chaque demande de ses utilisateurs, mais quand une société comme Google a pris une position de monopole sur des pans entiers de l’Internet, elle a le devoir de se montrer responsable envers leurs clients quand des évènements comme ceux-ci arrivent. J’ai utilisé tous les forums d’aide : en vain. Et cela n’a fait que me mettre davantage en colère. Je ne vais pas prendre la peine de citer toutes les conversations absurdes que j’ai eues, elles sont trop nombreuses et elles vont seulement me rendre de plus mauvaise humeur.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est quand un “top contributeur” a déplacé le fil de la discussion du forum d’aide initial sur lequel je postais vers un autre forum sans ma permission. Puis, quelques jours plus tard, un autre “top contributeur” a laissé un message indiquant que le fil se trouvait dans le mauvais forum et a fermé la conversation, m’empêchant dorénavant au même titre que n’importe quelle autre personne d’y participer ou de faire des progrès. Les forums d’utilisateurs ne sont pas des sources d’information contrairement à ce que pense Google. Et la seule fois qu’un employé de Google a contribué dans mon fil, cela a été pour dire que ma question n’était pas posée dans le bon forum, et pour me dire que j’aurais dû poster dans le forum où je l’avais initialement placé. Cela s’est produit quand j’ai reposé sans arrêt les mêmes questions. En voici un exemple :

- Moi : S’il vous plait, aidez-moi, mon compte a été désactivé et je ne sais pas pourquoi !

- Utilisateur 1 : Connectez-vous simplement au tableau de bord et faites quelque chose.

- Moi : Je ne peux pas, mon compte a été désactivé.

- Utilisateur 2 : Salut, je viens juste de voir votre post. Pouvez-vous vous connecter à votre compte et me dire ce que quelque chose dit ?

- Moi : Mais puisque JE VOUS DIS que JE NE PEUX PAS me connecter à mon compte !

- Utilisateur 1 : Ok, ne vous énervez pas, pouvez-vous faire quelque chose qui implique que je sois connecté ?

- Moi : Mais NON ! Je ne peux pas DU TOUT me connecter à mon compte !!!

Puis la conversation a été fermée par quelqu’un et j’ai abandonné, après 5 jours. Je comprends la philosophie qui est derrière les forums modérés par les utilisateurs eux-mêmes. Mais dans de nombreux cas, les problèmes sont hors de portée des autres utilisateurs. Je ne demande pas comment activer les émoticônes dans une signature Gmail ou comment modifier ma photo de profil. Mon problème est un problème grave pour lequel une voie de secours sérieuse devrait être disponible. Je pense mettre le doigt sur une critique valide des insuffisances de l’aide gérée par les communautés d’utilisateurs en ligne. Google a mis en place une gestion type Ferme des Animaux sur son site avec des utilisateurs qui pour la plupart sont bien intentionnés mais complètement incapables de prendre des décisions à un niveau administrateur ou d’offrir de l’aide à un tel niveau.

Et cela peut fonctionner en douceur aussi bien pour l’utilisateur que pour l’entreprise, du moment que l’entreprise reste impliquée et prend ses responsabilités quand la résolution d’un problème est entièrement hors de portée d’un autre utilisateur. Google ne fait pas cela.

“Comme dans un cauchemar kafkaïen”

Je me fiche qu’un service Google soit gratuit. C’est Google qui adopte l’approche : “Vous n’aimez pas ? Tant pis, de toutes façons c’est gratuit”. Gratuit ou non, tous les utilisateurs sont dans l’orbite de Google et c’est en nous montrant des publicités que Google a gagné ses milliards de dollars. Il n’y a pas d’autre société cotée en bourse et du niveau de Google qui ne propose pas un support simple et complet à ses utilisateurs.

En plus des forums, j’ai également rempli tous les formulaires et demandes que j’ai pu trouver, et tenté de contacter chaque bureau et même chaque personne dans les deux bureaux de Manhattan. Mais pas une seule personne n’a été capable de m’aider, ce que je trouve choquant et exaspérant comme dans un cauchemar kafkaïen. Un employé m’a même répondu qu’il ne savait pas ce que je devais faire, ajoutant : “Honnêtement, je n’utilise même pas Google” !

Après avoir exploré tous les canaux possibles pour obtenir de l’aide, j’ai finalement été contacté tout à coup par un employé de Google qui a vu par hasard mes protestations sur Twitter, un service que j’ai utilisé suite à l’absence complète de support à la clientèle de Google. Il a dit qu’il allait essayer de contacter des personnes chez Google pour m’aider à restaurer mon compte. Après plusieurs échanges d’emails avec lui, il m’a rapporté qu’il avait parlé à quelqu’un de chez Google qui lui a dit que mon compte avait été désactivé, sans lui dire pourquoi. Il a essayé d’expliquer que ça devait être une erreur, mais ils ne pouvaient pas se l’expliquer eux-mêmes.

Alors Google, voici autre chose à laquelle je voudrais que vous réfléchissiez. L’un de vos propres employés est allé vers vous pour moi et vous a indiqué que vous aviez désactivé mon compte par erreur, et votre réponse a été : “non, on est presque sûr que non”. Votre propre employé a dit : “écoutez, j’ai parlé à cette personne et je pense qu’une erreur a été faite, vous devriez revérifier ou lui parler”. Et à nouveau, votre réponse a été “non, on est presque sûr”. Alors, posez-vous la question, quelqu’un comme moi qui a vu son compte être désactivé se lancerait-il dans une telle campagne vociférante et bruyante pour parler à quelqu’un de chez Google afin de leur expliquer qu’une erreur a été commise et que des années de données importantes ont été détruites, quelqu’un comme moi qui aurait volontairement mené des activités illégales sur son compte ferait-il cela ? Vous avez seulement besoin de bon sens pour répondre.

D’autres éléments : J’ai eu des comptes Hotmail, Yahoo, AOL et Compuserve et jamais l’un de ces comptes n’a été désactivé. Lorsque l’une de ces entreprises pensait que mon compte était compromis, elle m’en a averti et j’ai changé mon mot de passe. Pourquoi Google ne m’a-t-il pas notifié, à l’adresse email alternative que j’ai fournie à l’inscription, avant de prendre la décision de désactiver mon compte ? Cela me laisse perplexe. Si vous dites que j’ai violé certaines Conditions Générales d’Utilisation c’est votre droit, et dans ce cas il est justifié de résilier mon compte. Mais je vous demande maintenant un minimum de preuves de cette violation.

Concernant toute violation, je veux être tout à fait clair : je n’ai causé aucune infraction aux Conditions Générales d’Utilisation. Si Google pense que quelque chose a été fait de mon côté, je les défie de me dire ce que c’est. Je n’ai d’aucune façon violé de Conditions d’Utilisation, c’est un fait. Je voudrais signaler que quelques jours avant que mon compte ne soit désactivé j’obtenais des messages d’erreur quand j’essayais d’accéder à Google.com via Chrome. Je sais que je ne suis pas la seule personne que je connais à qui cela est arrivé. Mes amis et membres de ma famille utilisant Chrome obtenaient des messages d’erreur en essayant d’accéder à Google.com. Je pense que c’était des avertissements de redirections ou de certificat du site. J’ajoute que mon compte Google Plus se comportait de façon étrange lui aussi avant la désactivation de mon compte. Mais je lance des vérifications antivirus régulièrement et je n’ai jamais eu de virus. Une quelconque “violation perçue” est une méprise de la part de Google, ceci aussi est un fait.

La menace Google

Vous avez coupé mes moyens de communication, perturbé ma vie personnelle et professionnelle, détruit de larges parties de mes données personnelles et professionnelles, m’avez accusé de quelque chose sans me dire de quoi, avez bloqué toute communication directe avec mon accusateur, et ne m’avez donné aucune possibilité de faire appel de cette décision ou de parler à quelqu’un des faits connus dans cette affaire. Cette entreprise se dirige vers une voie très, très menaçante, si elle continue ainsi.

Plusieurs appels ont été faits à l’ONU pour que l’accès à Internet, aux communications essentielles et aux services d’information deviennent des Droits de l’Homme. En Grèce, en Espagne, en France et en Scandinavie, cela a déjà été accordé. Ce ne sera pas long avant que des lois ne soient mises en place concernant les comptes personnels utilisés pour accéder à ces services de communication et d’information, et des lois régulant la sauvegarde des informations personnelles contenues dans ces comptes, comme les correspondances. Il est impardonnable qu’une entreprise telle que Google, qui fait tant de déclarations sur les bonnes pratiques dans les domaines de la communication et de l’information, n’ait pas pris d’elle-même l’initiative et ait à la place choisi de traîner les pieds tant qu’elle n’y est pas contrainte par les gouvernements.

Les entreprises comme Google profitent des lois actuelles et écrivent dans leurs Conditions Générales d’Utilisation des choses telles que :

…vous accordez à Google le droit permanent, irrévocable, mondial, gratuit et non exclusif de reproduire, adapter, modifier, traduire, publier, présenter en public et distribuer tout Contenu que vous avez fourni, publié ou affiché sur les Services ou par le biais de ces derniers.
(NdT : Tiré directement de la version française)

Ces conditions ne sont pas viables et je ne doute pas qu’elles seront modifiées à un moment ou à un autre à l’avenir. De nombreux grands médias, tel que le Washington Post, ont déjà commencé à scruter Google et d’autres entreprises qui ont choisi d’imposer de telles drastiques conditions à leurs clients. Voir Google agir de la sorte est infect et inexcusable.

Et je m’inquiète réellement de l’avenir de la dissidence sociale et politique qui devra se battre pour exister dans l’œil du cyclone formé par les réseaux sociaux et l’actuelle politique de Google. Un climat dans lequel la Responsable de la Vie Privée chez Google, Alma Whitten, a encensé YouTube comme un moyen pour les activistes politiques de poster du contenu de manière anonyme. Quelques mois plus tard, une nouvelle décision interne éliminait tranquillement toute possibilité de publier anonymement.

“J’ai toujours été un apôtre et un fidèle de Google. Aujourd’hui c’est terminé.”


Je tiens aussi à mentionner qu’en aucun cas je n’ouvrirai un autre compte Google.

Comme je l’ai déjà dit, j’ai toujours été un apôtre et un fidèle de Google. Aujourd’hui c’est terminé. Je vais en finir avec les Google Apps qu’utilise mon entreprise et laisser tomber tous les autres produits Google que j’utilise, même les services comme Google News que je consultais auparavant plusieurs fois par jour. J’étais même sur le point de remplacer mon iPhone par un téléphone tournant sous Android. Au lieu de cela, je vais dépenser la même énergie que je consacrais à encenser Google à dénoncer cette entreprise que je considère désormais comme extrêmement nuisible et aux pratiques honteuses. Je vais écrire à mon sénateur, vendre mes actions et contacter ma banque à propos de l’argent que j’ai versé pour le domaine et l’espace de stockage qui sont à présent inaccessibles. Je vais faire pression sur Google par tous les biais possibles pour qu’ils m’expliquent ce qu’ils ont perçu comme une violation de leurs Conditions d’Utilisation. Ces conditions que Google nous présente lors de l’ouverture d’un compte : “Google se réserve le droit de clore votre compte à n’importe quel moment, pour n’importe quelle raison, avec ou sans préavis” ne sont pas des termes défendables (pour certains points, je pense qu’un tribunal pourrait conclure que ces termes sont inacceptables).

Google est une entreprise à qui les gens confient de nombreuses données personnelles dont ils dépendent fortement. C’est pourquoi Google doit fournir la preuve de ce qui cause la désactivation d’un compte. Une fois de plus, on ne peut pas prendre l’argent des gens et avoir un monopole sur des pans entiers de l’Internet sans montrer un minimum de responsabilité vis-à-vis de ses clients. J’ose espérer que Google sera forcé de fournir un moyen de récupérer ses données personnelles telles que sa correspondance ou ses contacts lors de la fermeture d’un compte.

Le fait que pour le moment Google n’offre pas cette option lorsqu’il désactive arbitrairement le compte d’un utilisateur ne fait qu’ajouter l’insulte aux dommages causés.

Quand je pense à tout le business que j’ai fait faire à Google, à tout l’argent que j’ai apporté à cette entreprise, à tous les gens que j’ai convertis de Yahoo ou d’Hotmail, à tous les prêches que j’ai faits envers Android, à tout le travail que j’ai consacré à la souscription de mon entreprise à Google Apps, ça me met en rage et je regrette tout ce que j’ai fait. Et je vais faire tout ce qui est humainement possible pour défaire toutes ces actions, ainsi que pour mettre Google sous pression pour qu’elle devienne une entreprise plus responsable.

Honte à vous et à vos associés ainsi qu’à vos employés qui tolèrent de telles pratiques d’entreprise déplorables, déshonorantes et répréhensibles !


Article initialement publié sur Framablog sous le titre “Google m’a tuer”.

Traduction Framalang : Marting, Slystone, Siltaar, Juu, Padoup et Goofy.

Illustrations Cc FlickR: tangi_bertin, gabrielsaldana, psd, dullhunk

Image de Une © Fotolia

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http://owni.fr/2011/08/29/google-suppression-compte-donnees-personnelles-vie-privee-god/feed/ 92
Un corridor humanitaire de données ouvertes http://owni.fr/2011/08/28/un-corridor-humanitaire-de-donnees-ouvertes/ http://owni.fr/2011/08/28/un-corridor-humanitaire-de-donnees-ouvertes/#comments Sun, 28 Aug 2011 09:30:05 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=77116 Cet article est la traduction d’un entretien réalisé par Jason Hibbets, et paru le 18 juillet sur OpenSource.com. Sauf mention contraire tous les liens de cet article sont en anglais.

À la rencontre SouthEast LinuxFest qui s’est tenue au début de l’année, j’ai appris l’existence du projet humanitaire OpenStreetMap à l’occasion d’une conférence donnée par Leslie Hawthorn sur les outils gratuits et libres destinés à l’action humanitaire.

HOT (Humanitarian OpenStreetMap Team, Ndlr) reprend les principes de l’open source et du partage libre de données pour l’aide humanitaire et le développement économique, en tirant parti des efforts de OpenstreetMap. Kate Chapman est directrice du projet. Son rôle est de mettre en place l’organisation mais aussi la contribution aux projets. Elle travaille pour lever des fonds, exécuter les tâches administratives, gérer le budget, et enfin aller sur le terrain pour y tenir des ateliers. Kate nous en a dit plus sur le projet HOT dans l’interview ci-dessous.

Quelle est la mission de l’équipe humanitaire OpenstreetMap ?

HOT croit que des données géographiques libres et à jour peuvent être indispensables pour réagir face à un désastre. Donc nous aidons des communautés et des intervenants d’urgence qui d’une part utilisent les données d’OpenStreetMap et d’autre part contribuent en même temps au projet.

Quel a été l’impact du projet humanitaire OpenStreetMap sur des régions atteintes par un désastre (par exemple en Haïti ou en Côte d’Ivoire) ?

HOT a joué un rôle actif en Haïti, que ce soit à distance ou sur place par l’intermédiaire de missions. La communauté du projet OpenStreetMap a commencé par rechercher des images satellite et collecter des données issues de vieilles cartes pour mettre à jour la carte d’Haïti après le tremblement de terre. Puis à partir de mars 2010, nos équipes ont commencé à se rendre en Haïti pour former directement les gens à la mise à jour d’OpenStreetMap et à son utilisation. Ainsi, la communauté OpenStreet Map d’Haïti (COSMHA) s’est développée et poursuit le travail de cartographie de la région avec le soutien de HOT quand cela est nécessaire.

En Côte d’Ivoire, notre travail s’est fait entièrement à distance. Un de nos membres, Frederic Bonifas, a fourni la plus grosse contribution à l’effort de coordination pour ce projet. SPOT (une entreprise française de satellites) a joué un rôle vital en mettant à disposition sous licence libre des images que des personnes ont pu utiliser pour compléter les données d’OpenStreetMap.

Cependant, HOT n’existe pas que pour les cas d’urgence. On a commencé des travaux d’anticipation en Indonésie cette année. Jeff Hack et moi-même passons en ce moment deux mois en Indonésie pour tenir des ateliers dans des communautés et des universités. Nous espérons ainsi recueillir des informations détaillées sur les bâtiments et les utiliser pour mieux anticiper les scénarios catastrophes.

Quelles sont les technologies ou les autres défis qui se présentent à vous ?

Le problème des licences a été le plus gros défi pour HOT. Après un afflux d’images en provenance d’Haïti, les cartes d’OpenStreetMap ont pu être mises à jour sans problème. En cas de catastrophes, il est parfois difficile de réagir rapidement lorsqu’il n’y a pas d’images satellite ou d’autres types de données disponibles qui peuvent être utilisées avec OpenStreetMap.

Est-ce que vous avez la possibilité de faire équipe pour travailler en collaboration avec les gouvernements des zones concernées ?

La réponse à cette question est : quelques fois. Que ce soit en Haïti ou en Indonésie, nous avons formé des personnes travaillant pour le gouvernement. Nous allons également bientôt commencer un programme au Togo pour anticiper les catastrophes, celui-ci impliquera directement le gouvernement togolais.

Détaillez-nous les étapes de l’assistance fournie par votre organisation en cas de désastre. Par exemple, si un ouragan devait arriver sur la côte, comment est-ce que vous aideriez ?

Chaque catastrophe est unique. Typiquement après une catastrophe on commence en premier à faire l’état des données disponibles. Cela veut dire se mettre en contact avec les fournisseurs d’images satellite, répondre aux agences, et faire des recherches sur internet en général. Puis d’habitude on essaye de trouver quelqu’un qui est capable de coordonner les efforts humanitaires. Après nombre de cataclysmes on a de nouveaux bénévoles, des individus variés qui sont intéressés par l’utilisation des données, d’autres qui ont besoin d’aide, ce qui importe c’est de s’assurer qu’ils obtiennent ce dont ils ont besoin.

OpenStreetMap en général est une organisation avec une communauté très impliquée, et son développement HOT conserve ce même caractère. Mais ici nous réagissons à des urgences, c’est pourquoi nous nous coordonnons pour être sûr qu’une personne à la tête peut diriger les efforts.

Rejoignez-nous

La manière la plus simple de participer à HOT c’est d’abord d’apprendre à éditer les données dans OpenStreetMap. Souvent, le meilleur moyen de le faire est de commencer à cartographier votre propre quartier. Ce n’est pas difficile de se familiariser avec les outils de base. Pour avoir une participation plus active à HOT, le mieux est de s’abonner aux listes de diffusion. C’est là que se passent les discussions entre les personnes qui font quelque chose pour aider sur tel ou tel événement ainsi que les annonces générales.

Bonus Track

Chronique d’Emmanuelle Talon (La Matinale de Canal+ – 18 janvier 2010) évoquant OpenStreetMap au moment du tremblement de terre d’Haïti de 2010.


Billet initialement publié sur Framablog sous le titre L’Open Data au service du secours humanitaire grâce à l’équipe dédiée d’OpenStreetMap.

Traduction d’un article de Jason Hibbets intitulé Open data for humanitarian relief with the Humanitarian OpenStreetMap Team publié le 18 juillet 2011 sur OpenSource.com. (Traduction Framalang : Slystone, ZeHiro, Goofy, Padoup-padoup)

Illustrations Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales ethan.crowley Paternité puuikibeach

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http://owni.fr/2011/08/28/un-corridor-humanitaire-de-donnees-ouvertes/feed/ 2
20 commandements pour une société autofabriquée http://owni.fr/2011/06/13/20-commandements-pour-une-societe-autofabriquee-fab-lab/ http://owni.fr/2011/06/13/20-commandements-pour-une-societe-autofabriquee-fab-lab/#comments Mon, 13 Jun 2011 06:12:46 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=67516

Un certain nombre de forces convergentes vont faire passer la fabrication personnelle, ou autofabrication, du statut de technologie marginale utilisée par les seuls pionniers et passionnés à un outil quotidien pour le consommateur et l’entreprise lambda.

Dans quelques années, on trouvera des technologies de fabrication dans les petites entreprises et établissements scolaires.

Dans dix ou vingt ans, tous les foyers et bureaux posséderont leur machine d’autofabrication.

Dans une génération, on sera bien en peine d’expliquer à ses petits-enfants comment on a pu vivre sans son autofabricateur, et qu’on devait commander des biens préfabriqués en ligne et attendre qu’ils nous arrivent dans notre boîte au lettre livrés par la Poste.

Cette citation qui claque est extraite d’un passionnant rapport [pdf, en] américain d’une centaine de pages sur l’émergence de la fabrication personnelle.

Commandé par l’Office of Science and Technology Policy [en] américain, on y expose clairement de quoi il s’agit tout en proposant d’importantes recommandations pour encourager et accompagner le mouvement.

Vous en trouverez le résumé et les principales recommandations traduits ci-dessous.
On ne s’étonnera pas de constater que l’accent est avant tout mis sur l’éducation, en relation avec les futurs petite entreprises qui immanquablement sortiront des garages des FabLabs pour proposer localement leurs services et redessiner une économie plus humaine.

Certains nous reprochent notre idéalisme ou notre irréalisme, mais, telle l’impression 3D qui n’est qu’un élément du mouvement, comment ne pas voir ici l’un des plus grands espoirs d’un avenir incertain ?

Et pendant ce temps-là en France me direz-vous ? Vu comment l’Éducation nationale méprise superbement le logiciel libre et sa culture depuis plus d’une décennie, ce n’est pas demain la veille qu’on rédigera une telle étude et qu’on verra arriver des laboratoires de fabrication personnelle dans nos établissements scolaires. Quitte à prendre encore plus de retard sur le véritable train du futur et du progrès.
Pour en savoir plus sur le sujet, InternetActu est un excellent point de départ : Les enjeux de la fabrication personnelleLa prochaine révolution ? Faites-là vous-mêmes !FabLabs : refabriquer le mondeMakers (1/2) : Faire sociétéMakers (2/2) : Refabriquer la société.

L’usine @ la maison : l’économie émergente de la fabrication personnelle (résumé)

Factory@Home : The Emerging Economy of Personnal Manufacturing
[pdf, en] Hod Lipson & Melba Kurman – décembre 2010 – OSTP

(Traduction Framalang : Lolo le 13 et Yonnel)

Ce rapport souligne l’émergence des technologies de fabrication personnelle, décrit leur potentiel économique, leurs bénéfices sociaux et recommande des mesures que le gouvernement devrait prendre en considération pour développer leur potentiel.

Les machines de fabrication personnelle, parfois appelées « fabber », sont les descendantes des grandes machines de production de masse des usines, mais de taille minuscule et à faible coût. Ces machines à fabriquer à l’échelle individuelle utilisent les mêmes méthodes de fabrication que leurs ancêtres industrielles mais sont plus petites, meilleur marché et plus faciles à utiliser.

Les machines à la taille du foyer telles que les imprimantes 3D, les découpeuses laser et les machines à coudre programmables, combinées avec plan conçu sur ordinateur (en CAO), permettraient aux gens de produire des produits fonctionnels à la maison, sur demande, en appuyant simplement sur un bouton. En quelques heures, ces mini-usines pourront fabriquer un objet simple comme une brosse à dents, reproduire des pièces d’une machine complexe, créer des bijoux comme un artisan ou réaliser des ustensiles ménagers. En quelques années, les machines de fabrication personnelle pourraient être suffisamment sophistiquées pour permettre à n’importe qui de fabriquer des objets complexes tels que des appareils avec de l’électronique intégrée.

Un certain nombre de forces convergentes sont en train d’amener la conception et la production industrielles à un point critique où elles deviendront peu chères, fiables, faciles et suffisamment versatiles pour une utilisation personnelle.
L’adoption des technologies de fabrication personnelle est accélérée par les machines à bas coût, les communautés d’utilisateurs sur Internet, des logiciels de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) d’usage plus aisé, un nombre grandissant de plans de CAO disponibles en ligne et des matières premières de plus en plus accessibles.

Les technologies de fabrication individuelle auront un impact profond sur notre façon de concevoir, fabriquer, transporter et consommer les produits physiques. En suivant le même chemin que l’ordinateur devenu personnel, les technologies de fabrication passeront de l’usine à la maison. Ces outils de production personnalisés permettront aux consommateurs, aux écoles et aux entreprises de travailler et de jouer différemment.

Inverser en partie la délocalisation

Ces technologies de fabrication naissantes introduiront une évolution industrielle qui réunira le meilleur de la production de masse et de la production artisanale, avec le potentiel d’inverser en partie le mouvement de délocalisation.

Les technologies de fabrication personnelle feront émerger des marchés mondiaux pour des produits personnalisés (sur le modèle de la longue traîne), dont les volumes de vente seront assez rentables pour faire vivre des entreprises spécialisées (fabrication de niche,design…). Les communautés mal desservies ou isolées géographiquement auront la possibilité de concevoir et fabriquer localement leurs propres matériel médical, jouets, pièces mécaniques et autres outils, en utilisant les matériaux présents sur place.

À l’école, les outils de fabrication à petite échelle encourageront une nouvelle génération d’innovateurs et cultiveront l’intérêt des élèves pour les cours de sciences, de technologie, d’ingénierie et de mathématiques.

Les obstacles et les défis

Nombre d’obstacles qui découragent leur généralisation à la maison, à l’école et dans les entreprises se trouvent sur le chemin de l’adoption par le grand nombre des technologies de fabrication personnelle.

Un obstacle majeur est le classique paradoxe de l’œuf et de la poule : les marchés actuels pour les technologies de fabrication personnelles à destination des consommateurs et de l’enseignement sont trop petits pour attirer l’attention d’entreprises, ce qui décourage les investissements dans la création de produits et de services qui donc ne parviennent pas à attirer plus de consommateurs.

Les autres barrières sont les questions de sécurité, les défis de la standardisation des pièces et des contrôles de versions, les problèmes de propriété intellectuelle et un manque de contrôles adaptés sur la sécurité et la réglementation.

Recommandations

Il y a plus de trente ans, notre nation a conduit le mouvement de la révolution de l’informatique personnelle. Aujourd’hui, nous devons nous assurer que nous conduirons le mouvement de la révolution de la fabrication personnelle. Des investissements gouvernementaux réfléchis et visionnaires sont nécessaires pour garantir que les États-Unis resteront compétitifs dans l’ère de la fabrication personnelle et tireront les bénéfices potentiels des technologies de la fabrication personnelle.

Ce rapport recommande les actions suivantes :

  • Créer un laboratoire de fabrication personnelle dans chaque école.
  • Former les enseignants aux technologies de conception et de fabrication en relation avec les matières scientifiques et technologiques.
  • Créer des cursus scolaires de grande qualité avec des modules optionnels de fabrication.
  • Inclure la conception et la fabrication dans les cours de soutien après l’école.
  • Allouer des ressources publiques afin d’initier les entreprises locales à la production numérique en partenariat avec les établissements scolaires locaux.
  • Encourager la publication des spécifications matérielles.
  • Développer les formats de fichiers ouverts pour les plans de CAO.
  • Créer une base de données de fichiers CAO utilisés par les pouvoirs publics.
  • Imposer la publication des sources/de la géométrie pour les ressources gouvernementales publiques.
  • Mettre en place un « Programme de Recherche et d’Innovation Individuelle » pour les entrepreneurs du DIY (Do It Yourself).
  • Donner la priorité lors d’appels d’offres aux entreprises qui utilisent la fabrication personnelle.
  • Établir un « bouclier anti-propriété intellectuelle » pour les agrégateurs et les producteurs ponctuels.
  • Explorer les microbrevets comme une unité de propriété intellectuelle plus petite, plus simple et plus agile.
  • Revisiter les réglementations sur la sécurité pour les produits fabriqués individuellement.
  • Introduire une définition plus granulaire d’une « petite » entreprise industrielle.
  • Encourager la création de FabLabs.
  • Les avantages fiscaux accordés aux « entreprises propres » devraient également concerner les entreprises de fabrication personnelle.
  • Accorder des réductions d’impôts sur les matières premières aux entreprises de fabrication personnelle.
  • Financer une étude du Département d’éducation sur la fabrication personnelle dans les matières scientifiques et technologiques.
  • Renforcer la connaissance et l’apprentissage sur la conception de produit.

Article publié initialement sur Framablog sous le titre 20 recommandations pour accompagner la révolution de la fabrication personnelle.

Photos : FlickR Paternité Creative Tools ; PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Pedro Moura Pinheiro ; PaternitéPas d'utilisation commerciale AS220 ; Paternité harleypeddie.

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http://owni.fr/2011/06/13/20-commandements-pour-une-societe-autofabriquee-fab-lab/feed/ 26
Rendez-nous nos données http://owni.fr/2011/05/30/rendez-nous-nos-donnees/ http://owni.fr/2011/05/30/rendez-nous-nos-donnees/#comments Mon, 30 May 2011 14:00:10 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=64991 Le monde de plus en plus numérique qui se met en place présente le risque et le paradoxe de nous déposséder d’une part de nous-mêmes, celle qui laisse toujours plus de traces sur le réseau.

Dans un récent article publié par le New York Times, le professeur économiste Richard Thaler en appelle à plus de transparence quant à l’utilisation commerciale de nos données.

Mais il en appelle surtout à la possibilité de réutiliser nous-mêmes nos propres données, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Et la situation ne pourra évoluer que si les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à prendre conscience du problème en mettant alors la pression sur les structures qui exploitent ces données.

Montrez nous les données (ce sont les nôtres après tout)

Show Us the Data. (It’s Ours, After All.)

Richard Thaler – 23 avril 2011 – The New York Times (Traduction Framalang : Goofy et Don Rico)

Nul ne sait mieux que moi ce que j’aime.

Cette affirmation peut passer pour une évidence, mais la révolution des technologies de l’information a généré une liste croissante d’exceptions. Votre épicier sait ce que vous aimez manger et peut probablement vous donner des conseils judicieux et appropriés sur d’autres aliments qui pourraient vous plaire. Votre opérateur téléphonique sait qui vous appelez, et votre téléphone sait où vous êtes allé. Quant à votre moteur de recherche, il peut anticiper vos désirs avant même que vous ayez achevé de les saisir au clavier.

Les entreprises accumulent des masses considérables d’informations sur ce qui vous plaît ou pas. Mais ce n’est pas seulement parce que vous êtes digne d’intérêt. Plus elles en savent sur vous, plus cela leur rapporte d’argent.

La récolte et la diffusion de ces informations soulève une quantité de problèmes de confidentialité, bien entendu, et un tandem de sénateurs des deux camps, John Kerry et John McCain, a proposé de les régler avec leur Commercial Privacy Bill of Rights (Ndt : Déclaration des Droits à la confidentialité dans le commerce). Protéger notre vie privée est important, mais la démarche des deux sénateurs fait l’impasse sur un problème plus important : elle n’inclut pas le droit d’accès à nos propres données personnelles. Non seulement nos données devraient être protégées, mais elles devraient aussi être disponibles pour que nous puissions les utiliser selon nos propres besoins. Après tout, ces données nous appartiennent.

Voici un principe de base : si une entreprise commerciale collecte électroniquement les données des utilisateurs, elle devrait leur fournir une version de ces informations facile à télécharger et à exporter vers un autre site Web. On peut résumer cette démarche ainsi : vous prêtez vos données à une entreprise, et vous en voudriez une copie pour votre usage personnel.

L’initiative “Mydata”

Le gouvernement de la Grande-Bretagne vient d’annoncer une initiative intitulée « mydata » qui va dans ce sens (j’ai travaillé comme consultant pour ce projet). Bien que les lois britanniques demandent déjà aux entreprises de donner à leurs clients des informations sur l’utilisation de ces données, le programme vise à fournir des données accessibles via un ordinateur. Pour commencer, le gouvernement travaille en concertation avec plusieurs grandes banques, les émetteurs de cartes de crédit, les opérateurs et revendeurs de téléphones mobiles.

Pour comprendre comment un tel programme pourrait améliorer la façon dont fonctionne le marché, songez par exemple à la façon dont vous choisissez un nouvel abonnement à un service de téléphonie mobile. Deux études ont démontré que les consommateurs pouvaient économiser plus de 300 dollars chaque année en souscrivant un abonnement mieux adapté. Mais pour cela, il faut être capable d’estimer ses besoins en termes de services : SMS, médias sociaux, musique en streaming, envoi de photos, etc.

Il se peut que vous ne soyez pas en mesure de traduire tout cela en mégaoctets, mais votre opérateur lui, en est capable. Bien que certaines informations soient déjà disponibles en ligne, elles ne se trouvent généralement pas encore disponibles dans un format exportable – vous ne pouvez pas les couper-coller facilement sur un autre site, un comparateur de prix par exemple – et elles ne se présentent pas de telle manière qu’il vous soit facile de calculer quel est le meilleur abonnement pour vous.

Si l’on suit la règle que je propose, votre opérateur vous donnerait accès à un fichier comprenant toutes les informations qu’il a récoltées depuis que vous avez un mobile, ainsi que toutes les factures en cours pour chacun des services que vous utilisez. Les données vous seraient remises dans un format utilisable par les créateurs d’applications, si bien que de nouveaux services pourraient voir le jour, proposant aux consommateurs des conseils pratiques (pensez à Expedia, par exemple). Ainsi, ce cercle vertueux créerait des emplois pour ceux qui ne rêvent que de lancer ce genre de nouveaux sites Web.

Transmettre son dossier médical en un clic

Avant de se plaindre qu’il est difficile de se soumettre à une telle règle, les entreprises devraient jeter un coup d’œil à une initiative du gouvernement fédéral appelée Blue Button. Cette procédure déjà en vigueur offre aux anciens combattants et bénéficiaires de Medicare (NdT : programme de sécurité sociale pour personnes âgées) la possibilité de transmettre leur dossier médical à un organisme de confiance (le nom « Blue Button » fait allusion au bouton bleu sur lequel peut cliquer l’utilisateur qui désire récupérer ses données).

L’initiative Blue Button se répand déjà dans les applications du secteur privé. Northrop Grumman a développé une application pour smartphone qui permet aux anciens combattants d’accéder à leur dossier médical et de recevoir sur leur téléphone des conseils de santé pour être en bonne forme. HealthVault, un site Microsoft pour l’organisation de ses soins de santé, permet également aux utilisateurs de Blue Button d’y rechercher leurs informations médicales. La possibilité d’accéder à ces différents types de services pourrait sauver des vies en cas d’urgence.

Si le gouvernement est capable de collecter et restituer des informations confidentielles de manière sécurisée et utile, les entreprises privées peuvent en faire autant, ce qui donnera davantage de chances aux consommateurs d’être des clients plus avisés.

Revenons à l’exemple des smartphones. Une fois que le propriétaire d’un téléphone fournit ses informations personnelles à des sites Web tiers, ceux-ci (BillShrink, par exemple) peuvent l’aiguiller vers les abonnements de meilleur rapport qualité/prix. Vous envisagez de changer votre téléphone ? Les sites tiers peuvent vous avertir si votre utilisation risque de s’accroître, en se basant sur l’expérience d’utilisateurs qui ont fait avant vous le même changement.

Si les données personnelles sont accompagnées d’informations détaillées sur les coûts, comme je l’écrivais dans mon dernier article, les consommateurs connaîtront mieux la façon dont ils utilisent vraiment les services, ainsi que leur coût réel. La tarification transparente, elle, donnera un avantage compétitif aux fournisseurs honnêtes et de qualité sur ceux qui ont des pratiques opaques. Ces éléments permettront une croissance économique saine.

Les applications possibles sont innombrables. Les supermarchés, par exemple, savent déjà qu’ils peuvent attirer plus de clients dans leurs clubs de consommateurs en offrant des réductions exclusives à ceux qui en font partie. Ce qui permet aux magasins de connaître les habitudes de consommation des clients et de cibler les bons de réduction d’après leurs achats. Les clients peuvent se désinscrire – mais alors ils perdront leurs réductions.

Exigeons donc que ce soit à double sens. Pourquoi ne pas vous donner, à vous consommateur, quelque chose en échange de votre participation ? Exigez du supermarché qu’il vous fournisse l’historique de vos achats. Il ne se passera pas longtemps avant qu’un entrepreneur astucieux ne vous concocte une application capable de vous indiquer des solutions de remplacement moins coûteuses et plus saines, qui seront aussi bonnes pour votre ligne que pour votre compte en banque. Les applications ne servent pas qu’à économiser de l’argent ; elles pourraient aussi avertir les clients souffrant d’allergies, par exemple, qu’ils achètent des aliments contenant des ingrédients auxquels ils sont sensibles, comme les arachides ou le gluten.

La capacité qu’ont les entreprises à surveiller notre comportement fait déjà partie de notre quotidien, et ce n’est qu’un début. Nous devons évidemment protéger notre droit à la confidentialité, mais si nous sommes malins, nous utiliserons également les données qui sont collectées pour améliorer notre existence.

J’espère que les entreprises américaines suivront l’exemple de leurs homologues britanniques et coopèreront au programme “Mydata”. Sinon, nous exigerons des entreprises qu’elles nous indiquent ce qu’elles savent déjà sur nous. Pour paraphraser Moïse, demandons-leur : “laisse aller mes données, afin qu’elles me servent“.


Article publié sur Framablog sous le titre “Montrez-nous les données ! Ce sont les nôtres après tout…”.

Photos Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par sparkieblues, PaternitéPartage selon les Conditions Initiales par anitakhart et PaternitéPas d'utilisation commerciale par tj.blackwell

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http://owni.fr/2011/05/30/rendez-nous-nos-donnees/feed/ 5
Sommes-nous prêts à la reconstruction du monde ? http://owni.fr/2011/05/22/sommes-nous-prets-a-la-reconstruction-du-monde/ http://owni.fr/2011/05/22/sommes-nous-prets-a-la-reconstruction-du-monde/#comments Sun, 22 May 2011 11:07:57 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=63376 Il n’était pas possible d’envisager un système d’exploitation ou une encyclopédie universelle libres. Et pourtant GNU/Linux et Wikipédia l’ont fait.

Il n’était pas possible d’envisager la chute de tyrans installés depuis plusieurs décennies dans des pays sous contrôle. Et pourtant les Tunisiens, les Égyptiens et les Libyens l’ont fait.

Il n’est pas possible de voir à son tour le monde occidental s’écrouler parce que contrairement aux pays arabes il y règne la démocratie. Et pourtant, si l’on continue comme ça, on y va tout droit.

Parce que le problème n’est plus politique, il est désormais avant tout économique.

Et lorsque ceci adviendra, nous, les utopistes de la culture libre, les idéalistes des biens communs, nous serons prêts à participer avec d’autres à la nécessaire reconstruction. Parce que nous avons des modèles, des savoirs et des savoir-faire, des exemples qui marchent, de l’énergie, de la motivation, de l’enthousiasme et que cela fait un petit bout de temps déjà que nous explorons les alternatives.

Il n’est guère dans les habitudes du Framablog de s’aventurer dans de telles prophéties. C’est pourtant, à la lecture de la vidéo ci-dessous, la réflexion « brève de comptoir » qui m’est venue ce matin et que je vous livre donc telle quelle à brûle-pourpoint.

Il s’agit d’une vidéo que vous avez peut-être déjà vue car elle a fait le buzz, comme on dit, l’hiver dernier. Sauf que dans « le monde selon Twitter », rien ne remplace plus vite un buzz qu’un autre buzz (parfois aussi futile qu’un lipdub UMP). Elle mérite cependant qu’on s’y attarde un tout petit peu, au moins le temps de sa lecture qui dure une dizaines de minutes.

Nous ne sommes pas à la cellule du Parti communiste de Clichy-sous-Bois mais à la Chambre du Sénat américain, le 10 décembre 2010, et le sénateur du Vermont Bernie Sanders est bien décidé à prendre la parole contre la décision de Barack Obama de reconduire les exemptions d’impôts décidées par George Bush. Une parole qu’il ne lâchera que huit heures et demi plus tard en tentant de faire obstruction par la technique parlementaire dite de la « flibuste » (on se croirait en plein épisode d’À la Maison Blanche sauf que c’est la réalité).

Et son discours débute ainsi : « M. le Président, il y a une guerre en cours dans ce pays… »

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Une guerre que mènent les ultra-riches contre une classe moyenne qui doit par conséquent lutter pour sa survie. L’exposé est édifiant et il est étayé par de nombreuses références chiffrées qui font froid dans le dos (1% des américains possèdent aujourd’hui un quart de la richesse du pays, 0,1 % en possèdent même un huitième).

Oui la classe moyenne des pays occidentaux se meurt. Or c’est précisément elle qui fournit le gros des troupes du logiciel libre et sa culture (on pensera notamment à tous ces jeunes intellectuels précaires et déclassés). Viendra le jour où elle n’aura plus rien à perdre. Et elle descendra elle aussi dans la rue non seulement pour voir des têtes tomber mais pour proposer et mettre en place un autre monde possible…

Tout est effectivement en place pour que cela explose le jour où nous arrêterons de nous gaver de pubs, de foot, de téléréalité, d’iTruc et même de Facebook; le jour où nous arrêterons de regarder de travers celui qui pense-t-on ne nous ressemble pas; le jour où nous arrêterons également de croire avec nos médias et nos sondages que voter centre droit ou centre gauche pour élire un homme sans pouvoir pourra changer la donne.

Et n’allez pas me dire que ceci ne concerne que les USA, puisque tout ce qui a été fait en Europe ces dernières années consistait peu ou prou à leur emboîter le pas.

On notera par ailleurs que même certains ultra-riches commencent à comprendre que cela ne tourne pas rond. C’est ainsi qu’on a vu récemment les repentis milliardaires Bill Gates et Warren Buffet proposer aux autres milliardaires de donner un bonne part de leur colossale fortune à des bonnes œuvres. C’est touchant. Il n’est jamais trop tard pour se découvrir philanthrope et obtenir l’absolution mais cela n’y changera rien car le problème est structurel.


Article publié initialement sur Framablog, avec pour titre initial : “ Nous sommes prêts à participer nous aussi à la reconstruction du monde”

Crédit Photo Flickr : Jane Marple

Image sous licences CC by-sa et GNU Free Documentation License

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http://owni.fr/2011/05/22/sommes-nous-prets-a-la-reconstruction-du-monde/feed/ 20
Mode d’emploi pour démarrer une civilisation http://owni.fr/2011/05/18/mode-demploi-pour-demarrer-une-civilisation/ http://owni.fr/2011/05/18/mode-demploi-pour-demarrer-une-civilisation/#comments Wed, 18 May 2011 12:32:01 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=63171 Dans un récent billet intitulé Open Source Ecology ou la communauté Amish 2.0 nous nous faisions l’écho d’un projet assez extraordinaire consistant à placer sous licence libre les spécifications d’une cinquantaine de machines agricoles permettant théoriquement à un village d’accéder à l’autosuffisance.

Un projet qui méritait bien les honneurs d’une conférence TED que nous avons choisi de vous reproduire ci-dessous.

Soit dit en passant, les conférences Ted, au format court caractéristique et de plus en plus souvent sous-titrées en français, constituent avec le temps une véritable mine d’or pour tout internaute curieux de mieux comprendre et appréhender les enjeux d’aujourd’hui et de demain. Je suggère fortement à tout enseignant d’indiquer cette ressource à leurs étudiants et de leur en montrer quelques unes en classe (les interventions sont placées sous licence Creative Commons By-Nc-Nd).

Leur slogan est : « des idées qui méritent d’être diffusées ». Celle-ci, comme les autres, le mérite amplement.

PS : Une ressource signalée par l’excellente revue de presse hebdomadaire d’InternetActu.

Un projet de civilisation en libre (retranscription de la vidéo)

Marcin Jakubowski – Avril 2011 – Open Source Ecology

Marcin Jakubowski: Open-sourced blueprints for civilization

Salut, je m’appelle Marcin, fermier, ingénieur. Je suis né en Pologne, je vis désormais aux États-Unis. J’ai lancé un groupe intitulé « Open Source Ecology » (« Écologie en Accès Libre ») Nous avons identifié les 50 machines les plus importantes qui, selon nous, permettent à la vie moderne d’exister, depuis les tracteurs et les fours à pain aux graveuses de circuits imprimés. Nous avons essayé de créer une version accessible, FLVM, une version « faites-le vous-même » que n’importe qui pourrait construire et entretenir en ne supportant qu’une partie du coût. Nous appelons cela le Kit de Construction du Village Global.

Laissez-moi vous raconter une histoire. J’ai fini à trente ans avec un doctorat en fusion énergétique, et j’ai découvert que j’étais inutile. Je n’avais aucune compétence pratique. Le monde m’a offert des options, et je les ai prises. On pourrait appeler cela un style de vie consumériste. J’ai créé une ferme dans le Missouri et appris les choses en rapport avec l’économie de la ferme. J’ai acheté un tracteur, qui cessa de fonctionner. J’ai payé pour qu’on me le répare, et puis il cessa à nouveau de fonctionner. Alors peu de temps après j’étais moi aussi financièrement incapable de fonctionner.

J’ai réalisé que les outils bon marché, vraiment appropriés, dont j’avais besoin pour établir une ferme durable n’existaient tout simplement pas encore. J’avais besoin d’outils robustes, modulaires, hautement efficaces et optimisés, peu chers, fabriqués à partir de matériaux locaux et recyclés qui dureraient toute une vie, non conçus pour l’obsolescence. Je me suis rendu compte que j’allais devoir les construire moi-même. Et c’est ce que j’ai fait. Je les ai ensuite testés. Et je me suis rendu compte que la productivité industrielle peut être atteinte sur de petites échelles.

Alors j’ai publié les plans en 3D, les schémas, les vidéos d’explication et les budgets sur un wiki. Des participants du monde entier sont apparus, réalisant des prototypes de nouvelles machines à l’occasion de visites de projet dédiées. Jusque-là, nous avons prototypé 8 des 50 machines. Le projet commence à grandir de façon autonome.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Nous savons que l’accès libre a réussi avec les outils de gestion de la connaissance et de la créativité. Le même phénomène est en train de se produire avec le matériel. Nous nous concentrons sur le matériel parce que c’est lui qui peut changer la vie des gens de manière réellement tangible. Si on peut baisser les barrières autour de l’agriculture, de la construction, de la production, nous libèrerons une quantité énorme de potentiel humain.

Cela ne vise pas seulement les pays en développement. Nos outils sont conçus pour le fermier, l’ouvrier, l’entrepreneur ou le producteur des États-Unis. Nous avons vu beaucoup d’intérêt chez ces gens-là, qui peuvent maintenant lancer une société de construction, de fabrication de pièces détachées, d’agriculture bio ou simplement revendre de l’électricité. Notre but est de devenir un répertoire en ligne de plans si clairs, si complets, qu’un simple DVD peut servir de kit de démarrage.

J’ai planté une centaine d’arbres en une journée. J’ai compacté 5000 briques en une journée en utilisant la terre sous mes pieds et j’ai construit un tracteur en six jours. De ce que j’ai vu, ce n’est que le commencement.

Si cette idée est vraiment solide, alors les implications sont considérables. Une meilleure distribution des moyens de production, une chaîne logistique respectueuse de l’environnement, et une nouvelle culture du “faites-le vous-même” pourrait espérer venir à bout d’une rareté artificielle. Nous explorons les limites de ce que nous pourrions faire pour rendre le monde meilleur avec des technologies physiques en accès libre.

Merci.


Article publié initialement sur le Framablog sous le titre “Un kit libre pour démarrer une civilisation !”

Image sous licences CC by-sa et GNU Free Documentation License

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http://owni.fr/2011/05/18/mode-demploi-pour-demarrer-une-civilisation/feed/ 16
Quelle sera la première ville open source du monde ? http://owni.fr/2011/05/02/ville-open-source/ http://owni.fr/2011/05/02/ville-open-source/#comments Mon, 02 May 2011 12:47:30 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=60037 Voici deux traductions pour s’interroger ensemble sur le concept de « ville open source ». Il s’agit de voir ici la ville comme une plateforme, une plaque tournante, un incubateur, bref un lieu privilégié où peuvent s’épanouir les entreprises et start-up qui placent l’open source au cœur de leur stratégie et de leur développement.

Les villes de Raleigh (USA) et Montréal (Canada) souhaitent apparemment poser leur candidature et ont, semble-t-il, de bons arguments.

Encore faudrait-il définir ce qu’est ou peut être une « ville open source », et se demander s’il est pertinent de vouloir créer, favoriser ou labelliser de telles villes.

L’un des auteurs nous propose ainsi trois critères : la volonté de partager, la volonté d’être informé, et une attitude ouverte à l’innovation, à la créativité et aux expérimentations de toutes sortes.

Et en France, me direz-vous ? Cela bouge du côté de l’Open Data (Rennes, Paris…) mais au-delà, je ne sais pas. Des avis et des liens sur la question ?

PS : Nous avions déjà évoqué la chose dans un billet sur une autre ville canadienne Vancouver : S’il te plaît… dessine-moi une ville libre.

1. Raleigh, Caroline du nord – la première ville open source au monde

Raleigh, NC—the world’s first open source city

Jason Hibbets – 21 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Khyl, Naar, Cheval boiteux et Goofy)

J’ai commencé à méditer sur les qualités qui devaient définir une ville open source il y a quelques mois, quand mon ami Tom Rabon m’en a fait mention au détour d’une conversation. J’étais curieux de voir de quelle façon la ville dans laquelle j’habite, Raleigh, en Caroline du Nord, pouvait attirer d’autres entreprises open source et en être un incubateur mondial, pour en devenir un exemple phare de gouvernance. Comment Raleigh pouvait-elle devenir la capitale du monde de l’open source, à l’instar de ce que sont la Silicon Valley pour la technologie et Paris pour la romance ?

Je pense que la réponse peut être trouvée à la fois par le gouvernement et par la population. D’abord, nos dirigeants doivent être partants pour adopter l’open source au quotidien. Ils doivent faire preuve de transparence dans leur gestion des affaires et dans l’encouragement à la participation citoyenne. Les citoyens, quant à eux, doivent être prêts à participer et à contribuer en donnant de leur temps et de leurs connaissances. Les deux ont besoin d’adopter un prototypage rapide pour explorer de nouvelles idées et des solutions innovantes.

Mais en quoi Raleigh se distingue-t-elle des autres villes ? En quoi est-elle plus apte à être une ville open source que New York, San Francisco, Londres, Paris ou Pékin ? J’ai rencontré autour d’une table le maire de Raleigh, Charles Meeker, pour discuter de ce qui faisait qu’une ville pouvait devenir open source.

Le maire Meeker a été élu en 2001 et s’est familiarisé avec l’open source, principalement en s’intéressant à Red Hat et au modèle de développement open source. En tant qu’avocat, il n’est pas étonnant que le maire Meeker comprenne les avantages de la collaboration et du partage des connaissances. Voyons pourquoi la ville de Raleigh est prête à revendiquer son titre de première ville open source au monde.

Quel grand chantier, en dehors de la technologie, a la meilleure chance d’être abordé par la voie open source (c’est-à-dire au moyen de la collaboration, de la transparence, du partage, de la méritocratie, du prototypage rapide, d’une communauté, etc.) ?

Dans une zone de la ville de Raleigh, l’accent a été mis sur l’utilisation d’un éclairage plus éco-énergétique dont nous pouvons mesurer les résultats. Nous nous activons à la promotion et au partage de nos expériences avec les autres municipalités, notamment pour tester notre consommation d’électricité et la qualité de la lumière produite. Le partage de cette information est un élément majeur de notre expérience.

La ville de Raleigh dispose de quarante installations en LED avec une économie moyenne de 200 000 €/an sur les coûts en électricité. Le retour sur investissement est généralement de l’ordre de 3 à 5 ans (en considérant les coûts du capital). C’est une excellente option pour les parkings éloignés. Vous pouvez facilement installer quelques panneaux solaires et ne pas avoir à ajouter de nouvelles lignes ou changer d’infrastructure. La possibilité pour les villes du monde entier d’adopter l’éclairage éco-énergétique est une véritable chance qui s’offre à elles. La ville de Raleigh veut prendre part à l’aventure et être reconnue comme précurseur dans l’adoption de cette technologie. Propager la bonne parole sur l’éclairage par LED avec l’aide de notre partenaire, Cree, est important pour nous.

Quelles sont vos réflexions à propos d’un gouvernement ouvert ou gouv’ 2.0 et que peut faire la ville de Raleigh pour avoir un gouvernement plus ouvert et transparent vis-à-vis de ses citoyens ?

Tout d’abord, toutes nos réunions sont ouvertes au public, à quelques exceptions près. Le véritable défi est de savoir profiter de l’expertise de chacun de nos citoyens. Il y a beaucoup de compétences de haut niveau qui peuvent servir à résoudre les vrais problèmes de la ville.

Une solution se situe au niveau des nouveaux comités, comme le nouveau comité ferroviaire que nous avons mis en place, et la façon dont leurs conseils et leurs recommandations sont pris en compte par la ville. Les questions autour des frais de gestion des eaux pluviales nous ont conduits à puiser dans l’expertise de nos citoyens pour apporter les meilleures solutions.

Le ferroviaire est un domaine qui sera opérationnel pour les 3 ou 4 prochaines années. Nous avons beaucoup de personnes expérimentées dans ce domaine prêtes à partager leur savoir et à mettre en application leurs connaissances pour aider à prendre les futures décisions.

Montrer au public ce que nous faisons et expliquer les bonnes pratiques sont des atouts qui restent sous-utilisés, mais nous avons eu du succès, notamment quand le comité de gestion des eaux pluviales a fait part de son avis sur la façon de mieux gérer les inondations. Le conseil municipal a ainsi été en mesure de mettre à profit l’expertise du comité pour prendre les meilleures mesures politiques à ce sujet.

Quelles sont les qualités requises pour devenir une ville open source ?

Trois critères me viennent à l’esprit :

  • la volonté de partager ;
  • la volonté d’être informé ;
  • une attitude ouverte à l’innovation, à la créativité et aux expérimentations de toutes sortes.

Les citoyens doivent se tenir prêts à adopter le futur. L’open source est une stratégie que nous appliquons pour aller de l’avant.

Pourquoi Raleigh s’est amorcée à devenir la première ville open source au monde ?

Nos citoyens sont prêts faire avancer Raleigh et à être plus concentrés sur la démarche open source. Raleigh est disposée à devenir son incubateur mondial.

L’avantage de Raleigh se situe au niveau de sa croissance et des emplois. Nous aimerions voir le Centre des congrès accueillir plus de conférences sur l’open source. Nous serions honorés de voir un tas de petits Chapeaux Rouges (NdT : référence faite à la distribution GNU/Linux Red Hat), et que des start-up et sociétés bien établies viennent dans notre région parce que nous avons fait le choix de ce modèle de développement.

Les partenaires sont aussi une grande partie de la réponse. Le Centre des congrès, le Syndicat d’Initiative, la Chambre du Commerce et les autres partenaires doivent adopter l’open source et le mettre en évidence dans le cadre de notre stratégie de développement économique.

Comment mettre en œuvre la démarche open source dans votre vie quotidienne ?

Au cabinet juridique pour lequel je travaille, j’ai essayé de fournir des informations à de jeunes avocats. Une sorte de partage des secrets commerciaux pour les aider à réussir plus rapidement, et, pour être franc, l’une des choses les plus difficiles pour toute personne de la fonction publique, c’est l’écoute. J’ai remarqué que l’écoute représente 70 à 80 % du travail. Vous devez pleinement comprendre ce qu’il se passe pour prendre la décision adéquate.

2. Montréal peut-il devenir un incubateur de start-up open source ?

Can Montreal Become an Open Source Startup Hub?

Evan Prodromou – 21 février 2011 – NextMontreal.com
(Traduction Framalang : Khyl, Naar, Cheval boiteux et Goofy)

« Le premier prix est une Cadillac El Dorado. Le deuxième prix est un lot de couteaux à viande. Le troisième prix est votre licenciement. » – Blake, Glengarry Glen Ross

Seth Godin indique, dans son fabuleux ouvrage The Dip [en] (NdT : Un petit livre qui vous enseignera quand renoncer et quand persévérer), que la seule position qui compte dans les affaires, c’est la première. Quand les lois du pouvoir et les effets de réseau sont nécessaires, la première place du classement est la seule où il faut être. Vous devrez être « le meilleur du monde » dans quelque chose, ou bien vous feriez mieux de laisser tomber et de faire autre chose.

Les écosystèmes technologiques – la plupart des marchés d’affaires, en fait – ont des effets de réseau, et cela veut dire que la seule position à avoir, en tant qu’écosystème, est la première. Être le meilleur au monde.

Quelle est la zone la mieux classée au monde dans les start-up du Web ? La baie de San Francisco. Quelle est la deuxième ? Probablement New-York City. Qui a le troisième prix ? Qui s’en soucie ? Le troisième prix, c’est votre licenciement.

Si nous nous soucions de la croissance de notre écosystème local, peut-être que nous aurions besoin d’arrêter notre course à la 14ème ou la 29ème place du classement dans le monde des start-up orientées Web et réfléchir à construire quelque chose d’autre. Un domaine dans lequel nous serions les meilleurs et sur lequel personne d’autre n’a encore vraiment travaillé. Là où nous pourrions être les meilleurs au monde – pas les 14ème, pour ensuite laisser tomber.

Montréal a la capacité d’offrir le meilleur écosystème au monde pour les start-ups centrées sur le développement de logiciels open source. Nous fournissons un bon cadre pour les entrepreneurs qui ont de l’expérience dans la mise en place d’entreprises tournées vers ce secteur économique, nous avons des investisseurs qui ont bien compris le processus d’investissement et d’encouragement de ce type de compagnies et nous avons un très précieux vivier de talents qui ont contribué à cette évolution.

Plus important, il n’y a aucune autre ville autant tournée vers l’open source sur le globe. San Francisco et Boston accueillent quelques sociétés, mais ne sont absolument pas des incubateurs. Le paysage commercial de l’open source se propage beaucoup plus à travers le monde, de Londres à l’Utah en passant par l’Allemagne et Austin.

Plus que tout, c’est sa commercialisation qui est difficile. Demandez à n’importe quelle personne impliquée dans une entreprise open source. La difficulté se trouve dans l’élaboration d’un modèle de travail. Il n’y a pas de solution simple. Les techniques des start-up pour les autres types d’affaires, tels que l’investissement et les stratégies de commercialisation, ne semblent pas s’appliquer aussi bien. Cela signifie qu’il existe un obstacle à l’entrée d’autres écosystèmes, dont un que nous pouvons exploiter.

En ce moment, j’ai connaissance d’au moins cinq start-up open source dans la ville :

  • StatusNet [en] – J’ai lancé cette entreprise ici-même en 2008. Nous avons levé 2,3 millions de dollars de fonds à Montréal et New-York. Nous enregistrons environ 5 000 téléchargements par mois et dénombrons 45 000 sites fonctionnant sur notre SaaS. Nous comptons actuellement 9 salariés à Montréal et San Fransisco (NdT : StatusNet est un logiciel libre de microblogging sur lequel repose Identi.ca).
  • Vanilla Forums [en] – Le meilleur système de gestion de forums au monde. Il tourne sur plusieurs centaines de milliers de sites et inclut un service SaaS de haute performance.
  • Bookoven [en] – Cette plateforme sociale de publication s’est tournée vers un modèle de logiciel open source. Dirigée par Hugh McGuire, créateur de Librivox, le très populaire projet de livre audio à contenus ouverts.
  • Stella [en] – Cette société à forte croissance a rendu [en] ses logiciels open source.
  • Subgraph [en] – Startup orientée sur la sécurité développant Vega, logiciel open source d’évaluation des vulnérabilités.

Au rang des investisseurs, deux des plus importants groupes financiers de la ville (iNovia Capital [en] et Real Ventures [en]) tentent l’expérience des start-ups open source. Real Ventures (ou plutôt son prédécesseur, MSU [en]) a déjà investi dans trois entreprises open source locales.

En ce qui concerne le potentiel des employés talentueux… c’est plus difficile. Il y a beaucoup de techniciens compétents dans la ville, et les sociétés open source qui en sont en dehors, comme Canonical [en] ont des équipes techniques locales qui peuvent suivre le bassin des start-up de talent. Quid du personnel d’entreprise talentueux ayant une expérience open source ? Ils sont rares sur le terrain. Heureusement, les gens qui ont travaillé dans les sociétés mentionnées plus haut constituent aussi un bon noyau de ce bassin.

Je crois que les conditions sont réunies pour que Montréal prenne sa place dans le monde des technologies en tant qu’incubateur de start-up open source. La semaine prochaine, je dévoilerai ce que je pense être un projet potentiel pour que Montréal devienne le fer de lance de ce marché.

Billet initialement publié sur Framablog

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http://owni.fr/2011/05/02/ville-open-source/feed/ 21
Prévention Internet au lycée: l’imposture http://owni.fr/2011/03/04/prevention-internet-au-lycee-limposture/ http://owni.fr/2011/03/04/prevention-internet-au-lycee-limposture/#comments Fri, 04 Mar 2011 09:04:20 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=49620 Il est des billets que l’on n’aime pas avoir à publier. Celui-ci en fait clairement partie tant il m’irrite au plus haut point ! Il illustre malheureusement une nouvelle fois l’incapacité chronique de l’école à comprendre et former aux nouvelles technologies et aux enjeux de demain.

C’est donc l’histoire d’un lycée qui souhaite organiser une journée de sensibilisation sur le thème « Réseaux sociaux, gérer son identité numérique ». Louable intention s’il en est. Et l’on imagine fort bien que derrière ce titre se cache l’ombre de Facebook, devenu effectivement omniprésent chez les ados avec toutes les questions et conséquences que cela implique.

Soit, les enseignants ne sont pas tous des spécialistes du numérique, mais il doit bien y avoir dans une équipe pédagogique quelques compétences en la matière. Donc logiquement cela devrait pouvoir se préparer en interne. Mais non, on fait appel à une société privée.

Calysto se définit comme « une agence qui concentre son activité dans la maîtrise des enjeux liés aux usages de l’internet et aux Technologies de l’Information et de la Communication ». Et, via son site TousConnectes.fr, elle propose aux établissements scolaires des journées d’information « dans le cadre de son partenariat avec le ministère de l’Education nationale ».

Voici la page de présentation de l’offre pour le lycée, sachant qu’il en coûtera à l’établissement (et donc au contribuable) 376 euros par jour. Elle commence ainsi : « Les lycéens se sont largement appropriés l’univers de l’internet et du téléphone mobile dont les usages sont en constante évolution. S’ils en sont très souvent les prescripteurs, certaines notions leur échappent et nécessitent d’être approfondies ». Calysto propose également des conférences pour les parents et se targue d’avoir déjà organisé plus de 230 conférences ayant touché plus de 22 000 adultes.

Sur le web, grand succès. Dans la réalité, moins

J’ai fait une rapide recherche web et il semblerait que beaucoup établissements scolaires aient déjà fait appel aux services de Calysto, qui, il y a à peine une semaine, a même eu l’honneur d’un article dans le journal Sud Ouest. Extrait : « De nombreux contenus multimédias sont soumis à des droits d’auteur, la récente loi Hadopi a été mise en place pour les protéger (…) On peut retrouver n’importe quel internaute par son adresse IP ». Cet extrait anxiogène n’est qu’un avant-goût de ce qui va suivre.

Calysto est passée tout dernièrement dans un lycée dont nous tairons le nom. C’est le témoignage édifiant d’un enseignant présent ce jour-là que nous vous proposons ci-dessous.

Parents vous pouvez dormir tranquille, la police de la pensée veille sur vos enfants ! Sauf que les enfants ne sont pas dupes, et leurs réactions radicales au sortir de la journée donnent paradoxalement espoir : « On fait quoi ? Il faut tout arrêter ? On ne va pas arrêter de vivre quand-même. Dans ce cas il faut interdire Internet ». Quant à nous (nous Framasoft, mais aussi April, Quadrature, Wikipédia, etc.), il faut absolument que l’on s’organise pour proposer des journées alternatives, bénévoles et gratuites, afin d’opposer à un tel discours notre propre approche et culture du Net.

Histoire édifiante : « La plus belle c’est Calysto ! »

Par un enseignant, quelque part en France

À l’initiative des documentalistes et des CPE dans mon lycée se sont tenus des débats-conférences autour des dangers de l’internet et des réseaux sociaux. Ils ont fait appel à la société privée Calysto qui propose des solutions « clé en main ».

J’y ai assisté avec mes élèves de seconde, et là je dois dire que j’ai été atterré. Le débat n’avait rien de participatif, l’intervenant faisait réagir les élèves avec des images chocs mais ne poussait pas la réflexion. Nous avons eu droit à une succession à un rythme effréné de faits divers et d’anecdotes. Le discours était très culpabilisant, ce qui est contre-productif avec les ados, « c’est interdit, c’est pas bien, vous n’avez pas lu les conditions d’utilisations, et oui, faut lire ».

Voici mon témoignage mais je dois préalablement dire que parmi mes collègues certains trouvaient d’une part que ça avait le mérite de lancer le débat et qu’il fallait donner une suite avec les profs, et d’autre part que tout le monde n’était pas spécialiste du sujet et qu’il fallait passer par des simplifications et des abus de langage. Et qu’un discours policé de spécialiste n’aurait pas eu d’effet sur le public ado.

Lors de la conférence il y a des oppositions franches sur des faits précis. L’intervenant soutenait certains propos que je lui disais être faux. Il a insisté et à aucun moment n’a montré le moindre doute du genre « je ne suis plus sûr du chiffre exact, il faudrait vérifier ». J’ai du prouver mon point de vue sourcé a posteriori à mes collègues pour démontrer qu’il s’était manifestement trompé et qu’il a soutenu le contraire, quitte à me faire passer pour un incompétent.

Exemple 1 : les conditions d’utilisation

Lui – Vous avez un compte Facebook par exemple ? Mains levées. Avez-vous lu les conditions d’utilisation ? Mains baissées. Eh oui faut lire !
Moi, me mettant dans la peau d’un élève – Mais encore ? Une fois qu’on l’a lu, on fait quoi s’il y a un truc qui nous gène ? On n’a pas le choix ?
Lui, véhément – Je ne peux vous laisser dire ça, on a toujours le choix, il faut lire les clauses c’est votre responsabilité, blabla…

C’était ma première intervention je ne pensais vraiment pas à mal, au contraire c’était pour lancer le débat.

Moi, dans mon idée faire émerger l’e-citoyen – Bien sûr mais ce que je veux dire c’est, s’il y a parfois des clauses abusives, on fait quoi ? Les CLUF sont rédigés par des armées d’avocats qui se sont blindés ! N’est-ce pas à la loi, à nos députés, aux associations de consommateurs de nous protéger ?

(Et je ne parle même pas de class-action qu’on n’a pas en France.)

Lui, impatient ne voulant pas aller dans cette direction et voulant reprendre le fil de son intervention formatée et bien rodée – Non, vous avez accepté c’est trop tard.

À partir de là il me suggère franchement de me taire, je lui réponds que j’ai été invité avec mes élèves et l’intitulé de l’invitation était Conférence, débat et échanges. Là-dessus, il me mouche en me disant « oui, mais avec les élèves ». Je suis passablement énervé. J’ironise en disant que j’avais bien lu les CLUF pourtant.

Exemple 2 : L’HADOPI

Lui – L’Hadopi a faim, ils veulent rentrer dans leurs frais ça coûte cher, elle a condamné 75 000 internautes depuis le mois d’août.
Moi – Personne n’a été condamné, des mails d’avertissements ont été envoyés mais à ce jour aucun accès internet n’a été coupé !
Lui – Si il y a eu 75 000 condamnations et pas plus tard que …. il y a avait un jeune de 19 ans qui s’est fait couper son accès.
Moi – Il y a eu 75 000 mails envoyés je vous l’accorde mais aucune coupure.
Lui – Nous avons les chiffres, mon collègue de Calysto va à l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) tout le temps alors…

Grosso-modo on sait mieux que vous.

À ce moment là, j’abandonne vu la réaction d’un de mes collègues (mais c’est du détail les batailles de chiffres). Au même moment un autre collègue avec son iPhone se connecte sur le site de l’Hadopi et me dit qu’il doit confondre condamnations et recommandations ! Effarant. Là, en se moquant de moi, il me demande si je n’ai pas une pause à aller prendre.

On passe à des copies d’écrans de sites pro-ana, les images choquent et font réagir les élèves. Il demande le silence, les menace de ne plus laisser parler s’ils sont aussi bruyants.

Exemple 3 : La LOPPSI

Un autre prof pose la question suite aux diapos concernant le streaming et le direct download, peut-on (les autorités) aller voir dans mon disque dur ?

Lui – Oui bien sûr !
Moi, me sentant obligé de réagir alors que je ne voulais plus – Non c’est faux, il faut l’avis d’un juge, la police ou la gendarmerie doit avoir une commission rogatoire pour examiner le contenu de votre ordinateur.
Lui – Et non monsieur c’est LOPPSI 2, vous n’avez pas lu dans le journal : les dictateurs en rêvaient Sarkozy l’a fait ?!
Moi, j’ai un doute, j’avoue que je n’avais pas potassé la loi LOPPSI2 – La LOPPSI2 n’est pas encore entrée en vigueur, elle vient juste d’être votée, aucun décret d’application n’a été publié.

Lui poursuit sans tenir compte de ma réponse, alors dans la tête des élèves ça donne ceci : « la police, les gendarmes peuvent se connecter même de l’extérieur comme ils veulent à notre ordinateur et accéder à son contenu ».

Après avoir fait quelques recherches ils se trouve que la LOPPSI 2 est actuellement visée par le Conseil constitutionnel et sur Wikipédia (à vérifier) j’ai pu lire que :

La police, sur autorisation du juge des libertés, pourrait utiliser tout moyen (physiquement ou à distance) pour s’introduire dans des ordinateurs et en extraire des données dans diverses affaires, allant de crimes graves (pédophilie, meurtre, etc.) au trafic d’armes, de stupéfiants, au blanchiment d’argent, mais aussi au délit « d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée », sans le consentement des propriétaires des ordinateurs.

Nos ados téléchargeurs illégaux seraient-ils des terroristes trafiquants de stupéfiants ? Après ça, c’en était trop je suis sorti une dizaine de minutes de la salle, puis je suis revenu m’installer tout au fond pour ne plus rien dire jusqu’à la fin. Pendant ce temps, on assistait à d’autre passes d’armes moins intenses avec un autre collègue.

Quand il s’agit parler des Creatives Commons : incompétence flagrante

Et le libre dans tout ça ? Et bien surprise ! Il y en avait un peu. C’était pas le top mais quand même. On a eu droit à une diapo sur les contenus Creative Commons, mais sans rentrer dans les détails. « Il existe des contenus libres de droits comme le portail Jamendo pour la musique. »

Lui – Jamendo où ce sont des artistes pas connus qui partagent le contenu, c’est financé par la pub.
Moi – On peut aussi donner pour soutenir un artiste qu’on aime… aller à ses concerts.
Lui – Oui c’est comme Grégoire, vous misez sur un artiste en espérant que…

J’ai voulu dire que MyMajorCompany et Jamendo ce n’était pas la même chose, mais je n’ai pu le confier qu’à mon voisin car il était déjà reparti sur un autre sujet. On a vu aussi un slide sur le P2P avec trois contenus Batman_origin.avi, Firefox, Adobe Reader et il a demandé si c’était du piratage ? Oui pour Batman mais non pour Firefox et Acrobat Reader qui sont gratuits mais nous ne sommes pas rentrés dans les différences entre ces deux contenus « gratuits ».

Lui qui disait qu’il fallait absolument lire les CLUF pour savoir à quoi s’en tenir apparemment ne le savait pas. Et préalablement il a bien dit que l’outil P2P avait été conçu pour partager des fichiers et que ce sont certains utilisateurs qui s’en servent pour partager des contenus qui ne respectent pas le droit d’auteur.

Je pense  vraiment que l’intervenant était un animateur commercial formé sur le sujet à la va-vite, utilisant des techniques de communication éprouvées : frapper les esprits, faire réagir (rires) puis engueuler méchamment, culpabiliser, provoquer un sentiment de honte (en invoquant par exemple la sexualité hésitante des ados), affirmer sa connaissance sans faille en invoquant des sources bétons mais invérifiables, et abuser des arguments d’autorité sans justifier leur raison d’être.

Le thème que nous voulions traiter était « Réseaux sociaux, gérer son identité numérique ». J’ai eu l’occasion de parler avec quelques élèves par la suite, ils sont sortis de là en ce disant « On fait quoi ? Il faut tout arrêter ? On ne va pas arrêter de vivre quand-même. Dans ce cas il faut interdire Internet ».

Peut-être que c’est ce qui nous attend si ce genre d’idées simplistes continue à se diffuser. Bientôt on aura le droit un avertissement du type : « Internet tue, provoque la dépendance, l’isolement ». Et nous rajouterons : « et libère des peuples ».

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Article publié initialement sur Framablog sous le titre Quand Calysto passe au lycée, les élèves se demandent s’il ne faut pas arrêter Internet
Vous pouvez soutenir Framasoft.

Illustration CC Ed Yourdon, Guillaumus62 et Antonin Moulard

Retrouvez la suite de notre dossier :

Éducation numérique, ménage des salles, même combat privé

Internet et sida, même prescription scolaire ?

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