OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Nous, les autistes du web http://owni.fr/2012/11/16/nous-les-autistes-du-web-chronologie-medias-cinema/ http://owni.fr/2012/11/16/nous-les-autistes-du-web-chronologie-medias-cinema/#comments Fri, 16 Nov 2012 11:03:48 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=125636

Les présents à la table ronde Parlement européen : Jean-Marie Cavada (Nouveau Centre), membre de la commission parlementaire culture et éducation ; Marie-Christine Vergiat (Front de Gauche), également membre de cette commission ; Louise Ferry, assistante de Malika Benaba-Attou (Europe-Écologie les Verts) ; Laurent Cotillon, directeur d’édition du Film français ; Juliette Prissard-Eltejaye, Déléguée générale du Syndicat des producteurs indépendants), ; Georges Bermann, producteur (de Michel Gondry notamment) ; Eric Vicente, programmateur chez Sophie Dulac) et Yvon Thiec (Co-fondateur du Prix Lux et délégué général d’Eurocinema).

Pour les professionnels du cinéma, Internet incarne de plus en plus le mal absolu, comme nous avons pu le constater le 8 novembre dernier, lors d’une réunion tenue dans l’enceinte du cinéma parisien L’Arlequin, avec une poignée de spécialistes du septième art rassemblée pour discuter financement et diffusion (c’est-à-dire chronologie des médias).

Cette table ronde organisée par le Parlement européen avait lieu dans le cadre du festival Lux Film day. Dans un contexte un peu particulier : la Commission européenne a récemment décidé de mobiliser 2 millions d’euros pour tester la sortie simultanée de 20 longs métrages d’art et essai, projetés pour la première fois en VOD, télévision, Internet et évidemment en salles. Une expérience pas très orthodoxe pour la profession.

Le débat, fort de passion et d’Amour de l’art, n’a pas été animé seulement au nom de l’importance que revêt le cinéma pour les différents protagonistes présents, ni pour la trentaine de personnes qui avaient pris place dans la salle rénovée de L’Arlequin.

Il a surtout montré qu’Internet était – aux yeux de certains – un danger pour la culture. Le mythe de la gratuité y est trop souvent présenté comme l’argument faisant basculer l’internaute, jamais prêt à payer, du côté des acteurs du piratage de la création.

Globalement, plus de la moitié des échanges a tourné autour de la relation entre Internet et le cinéma. Juliette Prissard-Eltejaye, déléguée générale du Syndicat des producteurs indépendants (SPI), a été l’une des premières à affirmer cette problématique :

J’ai une remarque sur un programme soutenu sur la sortie simultanée en salle et en VOD. Ça a fait couler beaucoup d’encre. [...] L’endroit qui doit être privilégié de façon exclusive et pour un temps suffisant doit être prioritairement dans la salle et nous déplorons que face à la difficulté qu’ont certains pays d’équiper les salles en numérique, la solution proposée soit la sortie simultanée. Que l’accent soit mis sur l’entretien des salles me parait cohérent. Mais dire aujourd’hui pour ceux qui n’ont pas accès au cinéma alors on va vous proposer la VOD… nous pensons que c’est un précédent qui sera dommageable pour le secteur et nous sommes assez inquiets.

Confondre

La salle applaudit, un peu, puis beaucoup. La voix tremblante de la responsable du SPI a fait résonner chez les présents quelque chose qu’ils comprennent et appréhendent sûrement à longueur de temps.

En attendant, Jean-Marie Cavada, pour qui l’Union européenne a pour finalité non pas “une monnaie stable, ni une libre circulation mais le bien vivre ensemble” n’a pu qu’acquiescer. Et la défense de la salle avant toute chose a dépassé le stade de la lubie – somme toute logique, le cinéma est l’art de la salle et de l’écran blanc, des fauteuils en velours rouge et de l’émotion d’un public – : ”Je suis pour discuter des modalités d’extension ou de rétrécissement à la marge mais je trouve qu’un cinéma et un film c’est d’abord être au contact du public en salle. Je ne suis pas d’accord pour confondre toutes les étapes de l’après-salles et notamment de la VOD parce que je pense que c’est une façon stupide d’étouffer une économie naissante dans ces différentes étapes.”

Un à un les arguments se tiennent, frôlent “l’Internet #saymal” et pour des raisons de priorité, on l’aura compris, les films sont faits pour être vus en salle. Pour le combat de la diversité, il faut être force de proposition, “y compris chez des gens qui n’iraient pas voir un Béla Tarr et un Béla Tarr ne mérite pas de sortir en VOD : c’est un film précieux qui a le droit d’être exclusivement en salle”, assène la déléguée générale du SPI.

Il y aurait donc des films que les cinéphiles ne pourraient voir que dans les salles, même si on aurait pu penser que le voir sur plusieurs supports soit aussi enrichissant. Pourtant non, assène Cavada :

Ce n’est pas le même film dans une salle que sur un écran. C’est comme si un livre avait des caractères différents. C’est un art le cinéma, il est fait pour les salles. L’émotion est soulevée par des gens autour de vous et vous emmène. Ce que vous n’auriez pas vécu sur votre écran. C’est pas la même chose !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Jupe

Pas la même chose peut-être. Mais en quoi serait-ce incompatible ? En mémoire, “La journée de la jupe” avec Isabelle Adjani et Denis Podalydès. De Jean-Paul Lilienfeld, diffusé le 20 mars 2009 sur Arte et sorti dans 50 salles, 5 jours plus tard. Produit par Arte France, Fontana Film et Mascaret Films, il obtient 2,2 millions de téléspectateurs, pour un peu moins de 10% de part de marché en télé le soir de sa diffusion.

Touche pas au grisbi du CNC

Touche pas au grisbi du CNC

Refoulée par Bruxelles l'an dernier, la taxe qui ponctionnerait Internet en tant que diffuseur de télévision est en cours ...

L’expérience est mal accueillie par les exploitants. La première semaine, il compte pourtant 40 000 entrées au cinéma, malgré une diffusion télé en amont. Pourquoi ces réticences et inquiétudes de la part des créateurs et diffuseurs ? Pourquoi le bouche-à-oreille pour la recommandation d’un film fonctionnerait en salle avec des journalistes mais pas en avant-première en télévision ou sur Internet ?

Parce que pour Jean-Marie Cavada et Juliette Prissard-Eltejaye, le film a besoin de la salle pour faire sa réputation, “autant que les millions que vous pouvez mettre en presse radio et télé pour le marketing” précise le député européen.

Donc les avant-premières gratuites en salle pour les journalistes, c’est bon pour la réputation d’un film. En revanche, la table familiale et les discussions qui peuvent émerger sur les réseaux sociaux après la diffusion d’un film en avant-première sur YouTube (en partenariat avec réalisateurs et autres), c’est mal.

Multiplier les recommandations, oui, mais seulement avec des professionnels. Surtout pas avec les internautes lambda. Pourtant plutôt efficaces dans le bouche-à-oreille concernant Intouchables – l’exemple cité par Jean-Marie Cavada – non ?

Mais pour certains, Internet dévalue les films où seraient diffusées les avant-premières et c’est le consommateur-pirate-internaute qui serait à l’origine de cette dévaluation. Jusqu’au moment où une voix s’est élevée dans le public :

On est au stade de l’humanitaire là, de penser pouvoir réduire des avant-premières de film à une diffusion sur Internet. Des réalisateurs, des producteurs qui doivent se rémunérer, c’est un travail considérable ! Pourquoi on serait dévalués ? En termes de politique culturelle, on tient vraiment à ce que le cinéma reste un espace de forum. La pratique culturelle n’est pas la même, entre un consommateur autiste devant son écran Internet et l’idée du spectacle d’une salle de cinéma.

Jungle

“Un consommateur autiste devant son écran Internet”. Dans le public on trépigne. Exprimant sa détresse face à la chronologie des médias qui semble faire si peur à l’ensemble de la chaîne du cinéma, une femme se lance et malmène à la fois les informations sur la déprogrammation dans 12 salles sur 15 du film brésilien “Les paradis artificiels” suite à une diffusion en avant-première sur Dailymotion et mélange VOD, jungle d’Internet et piratage :

Par rapport à ce qu’il se passe en France, c’est très simple. Vous allez passer directement un film en VOD, vous avez la moitié des salles qui déprogramment le lendemain, ça se fait régulièrement, là ce qui vient de se faire, sur un film, 15 salles derrière sur les 17 ont déprogrammé, on a eu le même problème avec un film passé sur Arte, les salles ne programment pas ces films-là donc de fait vous excluez les films de toute possibilité de bouche à oreille, mais aussi de succès d’estime ou de critique. [...] Les publics existent, [...] des gens nous disent, “je n’ai plus le temps d’aller voir des films”, déjà le temps de savoir qu’il existe parce qu’on en parle pas. Des films n’ont pas toujours les moyens de faire de la promotion. En même temps, les films qui ont du mal à exister en salle, comment on va les faire vivre et exister dans la jungle de la VOD et dans la jungle d’internet ? [...] Je vous avoue, si parfois on était piraté, on sauterait de joie, tant mieux ça veux dire que les gens savent qu’il existe et ils vont aller le chercher sur Internet mais c’est une super nouvelle.

Internet ? La jungle ? Pire, des internautes. Owni a tenté d’évoquer l’alternative d’une avant-première diffusée en streaming, rebondissant sur la question de la déprogrammation du réalisateur brésilien.

Je voudrais rebondir un peu sur l’alternative qui pourrait avoir lieu, à savoir une avant-première en streaming sur Dailymotion, quelle est le risque pour la culture cinématographique de le permettre pour un certain nombre de personnes ? N’est-ce pas un autre bouche-à-oreille, avec effet boule de neige ?

Juliette Prissard-Eltejaye (plutôt en colère) : Je voulais vous répondre en vous disant pourquoi ce serait une diffusion intégrale du film ? Pourquoi ce serait pas du marketing à travers des bandes annonces, à travers du buzz sur Internet puisque la question est de savoir comment renouveler le marketing et la prescription sur Internet telles qu’elles existaient aujourd’hui en papier ? Aujourd’hui les modes de consommation évoluent, donc il faut avoir son article dans Internet (sic). Pourquoi on ne parle pas de promo ? Pourquoi on dit il faut le donner gratuit (sic) à 6 000 personnes ? Et pourquoi pas plus demain ? Alors même qu’elle pourrait faire l’objet de 6 000 tickets ? Pourquoi ce serait intégral et gratuit ? Quelle est cette idée que ça doit être absolument nécessaire de le donner gratuitement en entier à tout le monde à un moment donné ? C’est-à-dire que nous on comprend pas d’une certaine façon la dimension industrielle et entrepreunariale : j’ai fait un film, j’en suis fière et j’aimerais qu’il y ait des gens qui payent leurs tickets pour le voir parce que c’est de ça dont je vis. Et pourquoi on devrait sur une logique de la gratuité faire ce buzz sur Internet ?

J’ai parlé d’avant-première, pas de diffusion gratuite, ce qui est assez différent.

Juliette Prissard-Eltejaye : L’avant première, elle est faite pour les professionnels qui après prescrivent à leur tour. Moi aujourd’hui quand un producteur fait une avant-première, il invite la presse qui ensuite va faire de la prescription. Ou alors elles sont payantes. Mais l’avant-première, elle est faite pour multiplier les prescriptions.

* * *

Décupler les prescriptions, oui, mais encore une fois seulement avec des professionnels. Pas avec “un consommateur autiste devant son écran internet”. Belle réduction de la consommation culturelle à l’heure du numérique.

Même avec l’intervention de Louise Ferry – qui, comme d’autres, ne comprend pas l’image de l’autiste encouragé à la paresse – le mot est lâché, violent, dans une salle où se mélangent certainement des producteurs d’images et d’histoires mais visiblement pas d’internautes cinéphiles. Internet ne peut servir qu’au buzz marketing, point. La question du web dans sa globalité divise toujours autant les producteurs de contenus. Pour différentes raisons.

Les acteurs du web, le mal incarné

Peut-être à commencer par la crainte que Google, Apple et Amazon ne viennent contrôler un système de diffusion et de distribution de la culture que les réalisateurs, les producteurs et les distributeurs dits classiques ne maîtrisent pas. C’est Marie-Christine Vergiat qui le chuchotera : les questions en suspens sont celles du financement et de la rémunération des acteurs de la chaîne du film.

Derrière toute la chaîne de distribution, il y a effectivement beaucoup de professionnels à financer. Il y a des gens qui ont besoin de vivre de leur art. Donc diffuser gratuitement sur Internet comme ça, avec accès à la culture pour tous, est une réponse qui ne me satisfait pas. Je suis toujours frustrée dans ces débats on s’envoie tous des trucs à la tête. On n’est pas au pays des Bisounours et derrière Internet, il y a des géants et notamment à Bruxelles où c’est toujours les même qu’on voit.

Les choses sont dites. Le problème n’est pas forcément l’internaute mais c’est aussi celui qui ne finance pas ce dont il se servirait. À savoir les géants des télécoms qui, pour Yvon Thiec, sont dans une logique d’alimentation des réseaux qu’ils ont construits et pour qui derrière cette tentative de dérégulation de la chronologie des médias se trouve un cheval de Troie, “parce qu’il n’y a pas que des gens innocents et généreux”. Et le cheval de Troie sonne enfin comme l’hypothèse la plus crédible de cette peur du Net.

La “négation de la démocratie” du sénateur Marini

La “négation de la démocratie” du sénateur Marini

Le président de la commission des finances, le sénateur UMP Philippe Marini, présentait hier soir son rapport pour une ...

Un peu comme une thérapie de groupe pendant laquelle le fond sortirait après un flot libérateur de paroles, la table ronde prend une tournure qu’on ne soupçonnait plus.

La sortie simultanée d’un film en salles, en VOD, en télévision et sur Internet ne serait que la façon permettant aux majors du web, Google, Apple et Amazon, de prendre le pouvoir sur la culture et d’enterrer l’exception culturelle française. Il faut “faire face aux multinationales américaines qui sont en train de tout bouffer sur le territoire de l’Union européenne” lâche Marie-Christine Vergniat. #Saydit.

Nuances

Malgré tout, dans ce conservatisme à la limite parfois de l’anti-internaute – qui finance lui aussi le cinéma en y allant au même titre que le non-internaute – la position d’Éric Vicente, programmateur chez Sophie Dulac est bien plus nuancée et avouons-le montre timidement les avancées qui peuvent être faites au sein même de la corporation du cinéma. Sur la distribution :

C’est compliqué pour un exploitant de dire quels sont les films en trop, est-ce qu’il y a des films en trop mais on peut se poser la question avec certains films distribués dont les scores sont très compliqués. Il est important que la diversité continue mais il faut se poser la question de comment faire pour qu’un film soit vu : les salles d’art et essai font cette promotion et cette diversité mais parfois il y a une absence de public. Comment faire pour que vous ne passiez pas x années devant un film qui ne sera pas vu ? Est-ce qu’un distributeur peut passer trois mois de sa vie pour 1 000 spectateurs même si c’est important ? Je n’ai pas de religion en la matière, ce sont juste des interrogations.

Sur le terrain des concessions il est rejoint par Louise Ferry, qui se demande si on ne peut pas créer une exception pour les acteurs les plus modestes du marché du cinéma :

Je me demande en quoi c’est un problème de sortir les films d’art et essai de la chronologie des médias dans la mesure où ce sont des films qui restent très peu de temps et où il y a très peu de copies. C’est très peu diffusé, ils sont boudés par le grand public. Surtout dans la mesure où cette offre légale en ligne n’est pas importante en plus.

Ce n’est pas tant l’envie de culture qui manquerait aux spectateurs, mais de moins en moins de curiosité d’une partie du public. Un film d’auteur dans une seule salle à Paris à deux séances par jour, est-ce suffisant pour permettre à un grand nombre d’aller voir ce film ? Est-ce un film mauvais ou simplement un film qui manque sérieusement de moyens, de plateaux télés et de promotion dans le métro. En tête, Camille redouble, le dernier film de Noémie Lvovski, dont le matraquage télévisuel et radiophonique a dû nécessiter un budget publicitaire considérable.

Donner une chance aux petits en bouleversant la chronologie des médias. Utiliser Internet comme support de promotion et de recommandation. Faire confiance aux internautes. L’autisme est une “attitude mentale caractérisée par le repliement sur soi-même, un mode de pensée détaché de la réalité”. Choisir ses mots, avec autant de précaution qu’on choisit ses images.


Photo par William Brawley (cc-by) remixée par Owni

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Touche pas au grisbi du CNC http://owni.fr/2012/10/24/touche-pas-au-grisbi-du-cnc/ http://owni.fr/2012/10/24/touche-pas-au-grisbi-du-cnc/#comments Wed, 24 Oct 2012 15:09:57 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=123653

Créée en 2008 pour inclure la télévision numérique à l’effort national de soutien à la création, la TSTD est une évolution naturelle de la taxe historique sur les services de télévision (TST). En principe : ce qui est prélevé à chaque diffuseur pour permettre de financer le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Tout allait bien jusqu’à ce que Free, “qui a tout compris”, ne dissocie ses offres “télévision” et “Internet” pour réduire drastiquement sa voilure à l’effort, celle-ci étant indexée au prix de l’abonnement contenant l’accès à la télévision. En séparant ses offres et en faisant reposer l’essentiel du prix de l’abonnement à l’accès Internet – collant un prix d’accès ridicule au service télé – le FAI n’est plus un acteur comme les autres du financement de la création française. Il en devient un acteur à la marge.

Pour compenser, l’État français décide donc de pondre une notification d’ajustement à sa taxe, afin d’englober également les services “Internet” des fournisseurs d’accès. Initiative très largement soutenue par le CNC, on s’en doute, pour qui “la télé, c’est Internet maitenant” et qui affiche des positions laissant peu de place à l’ambiguïté, d’abord par la voix d’Éric Garandeau, son président, ayant annoncé que 20 agences nationales du cinéma européen soutenaient la France :

On nous dit qu’il faut tout sacrifier aux télécoms car c’est l’avenir, alors que même de grands groupes se disent en ce moment que la richesse n’est plus dans les tuyaux, mais dans les contenus.

Mais aussi par la voix de Mathilde Dessane, chargée des médias :

Au même titre que pour un exploitant de salle, une personne qui bénéficie d’un service est censée être taxée pour que tout ça soit redistribué, le principe est vertueux. Il n’y a aucune raison d’exclure Internet de ce type de taxe. La cohérence du fonds de soutien est au cœur du modèle français de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, dont l’un des traits originaux est bien la contribution de tous les acteurs de la chaîne (y compris les fournisseurs d’accès) au financement de la création française et européenne.

Un premier texte a donc été déposé par la France en novembre 2011.

On a un problème, Houston

“Halte là” signale Bruxelles, qui a estimé, sans se presser, par la voix de la Commission européenne, que le texte – dans cette version – n’est pas en accord avec la législation de l’Union. En octobre, la Cour des comptes se demandait également, prudemment mais sûrement, si la taxe était justifiée au regard de la règlementation européenne. Et de renvoyer Paris à ses études et à la rédaction d’une nouvelle notification prenant compte du caractère sacré d’Internet.

La ministre de l’économie numérique, Fleur Pellerin, affirmait déjà fin septembre que le texte allait être ré-écrit. La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, a confirmé cette décision de retirer le texte datant de fin 2011. Les négociations étaient censées être terminées ce 21 octobre. Pour Filippetti, il est plus simple de notifier un nouveau texte avec lequel Bruxelles sera d’accord, différent dans la forme, beaucoup moins dans le fond, plutôt que d’aller batailler dans de plus longues procédures avec la Commission.

En tout état de cause, c’est pendant que la Commission européenne planchait sur les futures règles applicables au soutien au secteur cinématographique – mise en service prévue en janvier 2013 – que se sont déroulées les 22e rencontres cinématographiques à Dijon. Du 18 au 20 octobre dernier, les pros du secteur épaulés par la société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP), ont surtout milité pour accélérer la validation bruxelloise de cette TSTD version 1. Venue spécialement à Dijon, la ministre de la culture en a profité pour annoncer être déjà passée à la version 2, et de “notifier dans les jours prochains un nouveau texte”, inclus dans la loi de finance rectificative : une taxe en lien avec le chiffre d’affaires des diffuseurs.

On peut respecter les grands principes du compte de soutien et donc toute son efficacité au service du cinéma et de la création cinématographique et audiovisuelle. C’est cette position-là qui sera défendue à Bruxelles ces prochains jours avec cette nouvelle notification.

L’assiette concernée pour les fournisseurs d’accès : Internet haut débit, fixe et mobile, “assortie d’un abattement pour tenir compte de la densité audiovisuelle du web” (sic). Nous avons naturellement voulu en savoir plus sur cette densité, mais n’avons à cette heure obtenu aucune précision supplémentaire de la Rue de Valois.

Tu diffuses ? Tu finances !

Au centre des interrogations des cinéastes à Dijon, Michel Hazanavicius en tête, les négociations d’Aurélie Filippetti auprès de la Commission européenne sur cette TSTD, version 1 ou version 2. Leur ligne de défense, précisée dans leur communiqué de presse [pdf], repose notamment sur le “socle du modèle français”, c’est-à-dire (on l’aura compris) sur le financement par le diffuseur – les chaînes de télé numérique et les fournisseurs d’accès – d’un pourcentage des oeuvres.

Mais alors que les principes de neutralité fiscale et de neutralité technologique avancées par l’Europe devraient ou pourraient en tout cas s’appliquer, Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP, y voit un sacré paradoxe :

A l’origine, l’exception culturelle a été inventée pour résister à l’hégémonie de la culture américaine, le paradoxe actuel c’est qu’il faille se battre à l’intérieur des frontières européennes, contre les dirigeants bruxellois.

Sur le principe, le CNC n’est pas opposé à une nouvelle notification puisque “l’idée est de réécrire le texte mais sans changement radical, pour mieux faire passer le message auprès de la commission”.

Mais pourquoi se battent-ils autant ?

Pour l’argent. On comprend mieux pourquoi la bataille est rude quand on voit que les ressources du CNC ont explosé depuis deux ans. Les Echos apportaient quelques explications, aiguillés par le rapport de la Cour des comptes sur le financement du CNC :

Une telle explosion s’explique par le rendement de la taxe sur les services de télévision (TST), payée par les distributeurs de chaînes (CanalSat, Numericable et les fournisseurs d’accès Internet), qui a atteint 322 millions d’euros en 2011, soit près de quatre fois plus qu’en 2008.

Au total ce sont 786 millions de recettes pour le CNC en 2011. Contre 500 millions en 2007. Pourtant, La Tribune précise que l’État a été piocher 20 millions d’euros “suite à une demande du sénateur UMP Philippe Marini” et Free a presque cessé de payer les taxes – alors qu’il en payait 20 millions auparavant.

Lors de la présentation au Sénat des résultats de la Cour des comptes, Patrick Lefas, président de la 3e chambre précisait même que “les ressources du CNC sont ainsi passées de 528 millions d’euros en 2007 à 867 millions d’euros en 2011, soit une augmentation, inédite au sein des quelques 80 autres opérateurs du ministère de la culture et de la communication, de 46,3 %.”. Avec 93% des ressources provenant de taxes, passant de 442 millions en 2001 à 806 millions en 2011 :

La création, en 2007, de la Taxe sur les Services de Télévision “distributeurs” (TSTD) a joué un rôle majeur dans l’augmentation des ressources de l’établissement, le produit de cette taxe passant de 94 millions d’euros en 2008 à 322 millions d’euros en 2011, au point de représenter près de 40 % des recettes du CNC.

Les députés viennent de voter ce lundi un prélèvement pour le budget 2013 de 150 millions d’euros dans le cadre de la participation du CNC au redressement des comptes publics. Justifié par Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, par le fait que “l’autonomie ne doit pas aller jusqu’à utiliser les fonds publics de manière déraisonnable”.

Le calcul est assez rapide : 150 millions prélevés sur un peu plus de 800 millions de trésorerie et 786 millions en recettes fin 2011, la ponction ne semble pas être trop gênante. À gauche ou à droite les députés étaient plutôt divisés : 22 députés de droite avaient déposé un amendement pour annuler la ponction dans les comptes du CNC. Autre motif de discorde, le plafonnement de la taxe affectée aux grands opérateurs de l’État, dont un premier amendement déposé par Gilles Carrez et Hervé Mariton a été rejeté.

Peu importe, ils en ont déposé un autre.


Photo par M4tik [CC-bync] remixée par O.Noor pour Owni.

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Après la taxe Google, la taxe CNC? http://owni.fr/2011/06/13/apres-la-taxe-google-la-taxe-cnc/ http://owni.fr/2011/06/13/apres-la-taxe-google-la-taxe-cnc/#comments Mon, 13 Jun 2011 13:28:26 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=67585 Dans la nuit de samedi à dimanche, le gouvernement a essayé en vain de faire passer à l’Assemblée nationale un amendement [pdf] au code du cinéma et de l’image animée dans le cadre du projet de loi de finance rectificatif visant à taxer les FAI pour financer le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Placé sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication, cet établissement public est chargé de soutenir la production cinématographique française.

Présenté par François Baroin, le ministre du Budget, cet amendement 1577 a finalement été repoussé après des interventions venues des rangs mêmes de la majorité : le rapporteur général de la commission des finances Gilles Carrez (UMP), d’Olivier Carré (UMP) et de Jérôme Cahuzac, le président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale et de Charles de Courson (NC) sont ainsi montés au créneau. (lire l’intégralité des échanges ou les voir sur Dailymotion)

Actuellement, le CNC est financé entre autres par la TST, taxe payée par les éditeurs et les distributeurs de services de télévision. L’amendement visait à faire rentrer dans le champs des distributeurs les FAI  :

Est également regardée comme distributeur de services de télévision, redevable de la taxe mentionnée au présent article, toute personne proposant un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services est nécessaire pour recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision.

L’amendement visait aussi à redéfinir l’assiette de la taxe : « La taxe sera désormais calculée en appliquant un barème simplifié de quatre tranches, au-delà de la franchise de 10 M€, sur l’ensemble du chiffre d’affaires issu des abonnements et autres sommes acquittés pour accéder à des services de télévision. » Dans le détail des tranches :

1,25 % pour la fraction supérieure à 10 000 000 euros et inférieure ou égale à 250 000 000 euros ;
2,25 % pour la fraction supérieure à 250 000 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 000 euros ;
2,75 % pour la fraction supérieure à 500 000 000 euros et inférieure ou égale à 750 000 000 euros ;
3,25 % pour la fraction supérieure à 750 000 000 euros.

La mesure, qui ne semble pas incohérente vu la croissance de la consommation de la télévision sur Internet, en contournant la redevance, soulève des critiques. L’argument de la précipitation et le précédent de l’augmentation hasardeuse de la TVA de 5,5% à 19,6% sur les abonnements triple play a ainsi été avancé pour justifier un rejet. Gilles Carrez :

La commission n’a pas examiné cet amendement que nous découvrons à l’instant. C’est un sujet extrêmement complexe. Une seule chose me donne satisfaction : lorsque j’ai eu à rapporter, à l’automne dernier, le dispositif qui basculait de 5,5 % à 19,6 % la TVA sur la partie non services de télévision des offres multi-play, j’avais mis en garde – cela figure au compte rendu – sur le fait que nous aurions inévitablement des optimisations.
C’est ce qui se passe : certains opérateurs ont compris et minorent, au sein de l’offre multi-play, la partie offre de télévision.

Une mesure qui aura pour effet, a noté Jérôme Cahuzac, d’« aboutir à un financement, notamment du CNC, qui sera excessivement réduit par rapport à ce qu’il est aujourd’hui, étant entendu qu’aujourd’hui le CNC est plutôt en surfinancement qu’en sous-financement. [...] Mais la compensation serait excessive si nous laissions les opérateurs profiter de la faille législative qu’a introduite la loi de finances par la réduction de cette niche [la taxe COSIP, le compte de soutien à l’industrie des programmes]. »

Charles de Courson (NC) posait également la question de la légalité de la taxe :

Sur le fond, je m’interroge sur l’euro-compatibilité de la mesure proposée. Je me tue à le dire depuis des années, chaque fois qu’on crée une taxe ad valorem, elle est euro-incompatible, contraire à la directive TVA. Quand le Gouvernement a créé la taxe poissons, on m’a expliqué qu’il n’y avait pas de problème. Et, aujourd’hui, on va être obligé de la supprimer.

La question de fond du financement de la culture

En guise de commentaire, Edouard Barreiros, responsable du numérique à l’UFC-Que choisir, contacté par OWNI, commence d’abord par rire : « C’est très drôle. C’est toujours la même chose, on va chercher dans les poches des FAI pour financer la culture, c’est intolérable. »

D’abord ce sont des moyens détournés de financement ; ensuite, cela se répercute sur les consommateurs. Il y a des taxes partout sur la culture mais le consommateur paye déjà beaucoup pour elle, sans y avoir toujours accès, alors que de l’autre côté, on nous tape dessus avec Hadopi et on nous refuse la licence globale.
On fait voter des lois au nom des artistes et de la culture mais au final ce sont les entreprises qui se font de l’argent. Le CNC finance aussi des blockbusters, il faudrait s’assurer qu’il y ait un retour pour les artistes.

Pour l’UFC, cet amendement n’est donc qu’une illustration supplémentaire de la question du financement de la culture. L’association souhaiterait s’y attaquer de fond et de front en commençant par un audit.

Sur le vif, Laure de la Raudière (UMP), spécialisée sur le numérique, avait qualifié de « scandaleux » ce procédé-express. Contactée par OWNI, elle renchérit, soulignant l’attitude paradoxale du gouvernement : « D’un côté, on pousse les opérateurs à investir dans le très haut débit, par exemple la semaine dernière un programme d’investissement important a été dévoilé par Orange, et là on demande une nouvelle taxe, ce n’est pas sérieux. »

Prévu pour entrer en vigueur le 1er janvier 2012, l’amendement tombera-t-il aux oubliettes ? Apparemment, le gouvernement entendait bien faire le forcing, comme en témoigne la conclusion de François Baroin :

La difficulté est que je ne pourrai pas déposer, au nom du Gouvernement, d’amendement au Sénat. Donc il nous faudra peut-être, dans l’intervalle, trouver avec le rapporteur général, M. Marini, le moyen que ce soit porté par la commission des finances, ce qui, d’une certaine manière, donne un peu plus de fluidité au dispositif.

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Education aux médias: anarchy in the EU http://owni.fr/2011/02/28/education-aux-medias-anarchy-europe/ http://owni.fr/2011/02/28/education-aux-medias-anarchy-europe/#comments Mon, 28 Feb 2011 20:00:30 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=43266

Les médias sont parmi nous mais contrairement aux aliens, ils ne sont pas forcément méchants, au contraire. C’est en substance ce qu’affirmait la déclaration de Grünwald [pdf], le premier texte fondateur de l’éducation aux médias, adopté en 1982 à l’initiative de l’Unesco, rompant ainsi avec une tradition critique des médias.

Pourquoi donc l’éducation aux médias ? [...]

- parce que plutôt que de condamner ou de louer le pouvoir des médias, mieux vaut reconnaître qu’ils constituent un élément important de la culture contemporaine et peuvent favoriser la participation active des citoyens dans la société ;

Rétrospectivement, ce texte a très bien vieilli : il englobe la majorité des enjeux, en particulier le rôle de l’éducation aux médias dans le bon fonctionnement démocratique, et la rupture technologique qui se dessine avec l’avènement des télécoms. Depuis, les textes successifs ont brodé autour de ces axes. Seul un point n’était pas abordé, l’évaluation des niveaux de compétence. Il le sera dans l’abondante production qui émergera dans les trois décennies suivantes, tant des acteurs de l’éducation que du législateur.

Internet et le numérique en général seront bien sûr davantage évoqués mais Grünwald l’anticipait en insistant sur “les développements de la technologie de la communication”. Le texte se concluait sur un appel aux autorités compétentes à investir ce champ, ce qu’elles vont effectivement faire de plus en plus. Certains experts, comme David Buckingham, voient dans cette démarche une façon de se donner bonne conscience dans un contexte de dérégulation des médias. L’objectif affiché est de fournir aux citoyens les moyens intellectuels de prendre ses distances avec le nouveau système mis en place :

Pourquoi, au cours de ces cinq dernières années, l’éducation aux médias a-t-elle peu à peu accédé au rang de priorité politique ? Après tout, cela fait vingt, voire trente ans que plusieurs d’entre nous soutiennent la thèse de la nécessité d’une telle éducation, et, souvent, prêchent dans le désert. Pourquoi cette urgence subite ? [...] L’éducation aux médias devient alors partie intégrante d’une stratégie visant à créer des « citoyens-consommateurs », le terme est de l’Ofcom.

Dans la même veine intéressée, l’éducation aux médias est vue par les instances européennes comme une façon d’atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière économique. Le Parlement européen indiquait ainsi en décembre 2007 dans une communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions qu’“un niveau élevé d’éducation aux médias peut contribuer à la réalisation des objectifs de Lisbonne en favorisant l’émergence d’une économie de la connaissance et en stimulant la compétitivité dans les secteurs des technologies de l’information et de la communication (TIC) et des médias.”

Des acteurs conscients de la nécessité d’une politique plus unifiée

Pourquoi pas. Sauf que dans la réalité, l’éducation aux médias n’est pas une pratique unifiée. Si les chercheurs sont globalement d’accord maintenant, il n’en n’est pas de même dans en termes de politiques mises en  œuvre. Les nombreux colloques européens sur l’éducation aux médias ont mis à jour les disparités d’un pays à l’autre. Dès 2004, les acteurs de l’éducation aux médias réunis à Belfast pointaient la nécessité d’un observatoire européen pour coordonner les actions et influer au niveau de l’UE pour imposer un cadre contraignant aux États.

Ces disparités s’expliquent entre autres par une absence de définition commune dont la multitude de termes utilisés témoigne : éducation à l’image, éducation aux médias, media literacy… L’éducation aux médias relevant de la culture et de l’éducation, il est difficile d’arriver à un consensus sur ce point. Et d’ailleurs est-ce souhaitable du point de vue de la diversité culturelle ?
Depuis 2003, “la définition de l’Ofcom de l’éducation aux médias — à savoir, la capacité d’avoir accès, de comprendre et d’établir des communications dans une diversité de contextes – a été largement adoptée au niveau international” souligne toutefois David Buckingham (ibidum).

Les dénominateurs communs sont rares : les États financent tous plus ou moins des structures publiques ou associatives ; la presse écrite est le média privilégié, et inversement la radio est délaissée. Pour le reste, on constate de fortes disparités d’un pays à l’autre. Quantité d’argent public donnée, ancienneté de l’implication, histoire et traditions culturelles sont autant de facteurs expliquant ces différences.

En tête

En Finlande,  en Suède et en Norvège, l’éducation aux médias est une discipline à part entière et l’éducation au numérique est bien prise en compte. Dès les années 70, la Finlande a mis en place au niveau national son programme mass media en collaboration avec l’UNESCO et a rapidement anticipé [en] l’arrivée d’Internet en inscrivant dans le programme de l’éducation nationale un programme d’éducation aux médias en 1994.

La France est un des rares pays à posséder une structure dédiée à l’éducation aux médias depuis 1983, le CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information). Néanmoins, ce n’est pas une discipline scolaire à part entière, elle est enseignée de façon transversale, ce qui entraîne des fortes disparités en fonction de l’intérêt que chaque professeur porte à la matière. Autre spécificité, le cinéma est le média privilégié. Il est aussi enseigné à travers les dispositifs d’éducation à l’image du Centre National du Cinéma (CNC) et de l’éducation nationale, dans une vision élitiste de l’éducation aux médias, fort éloignée de la conception britannique des cultural studies et que l’on appelle éducation à l’image (entendu comme “artistique”). L’idée derrière étant aussi culturelle qu’économique, de soutenir une industrie culturelle.

Le Royaume-Uni a inclut des cours de media education dans les programmes scolaires. Si les TIC ont été abordées en priorité ces dernières années, c’est au détriment des mass médias et de la media literacy en général. Contrairement à la France, il n’existe pas de cloisonnement entre le cinéma et les autres médias. En matière de cinéma, plusieurs structures mettent leurs moyens au service de l’éducation à l’image, comme le BFI (British Film Institute) et le Film Education, financé par l’industrie du cinéma anglaise, ou bien encore le UK Film Council. Ce dernier, avec le BFI, a été à l’initiative de la charte européenne de l’éducation aux médias de 2008.

Des disparités au sein même de certains pays

Italie, Allemagne, Espagne présentent une très forte dimension régionale. L’éducation aux médias varie donc fortement d’une région à l’autre et les politiques nationales sont quasiment inexistantes ou peu contraignantes.

En Espagne, les politiques nationales ont été progressivement abandonnées, notamment dans le domaine du cinéma et les initiatives laissées aux régions. Si la Catalogne est en pointe dans l’éducation aux médias, dans d’autres régions elle est quasiment inexistante, les initiatives venant plutôt d’organisations comme Grupo Communicar en Andalousie, fondé par des journalistes et des enseignants, ou de festivals de cinéma qui n’hésitent pas à proposer des ateliers pratiques. Le seul médium vraiment actif en Espagne est la presse : des quotidiens nationaux comme El Pais et El Mundo, proposent régulièrement des rencontres en milieu scolaire.

En Italie, le système a été refondé dans le sens d’une autonomie des institutions éducatives, alors qu’auparavant, le ministère de l’Éducation fixait le cadre. Depuis les années 80, l’accent est mis sur l’informatique, le multimédia et les nouvelles technologies, en particulier l’Internet et le téléphone mobile. Nombre d’initiatives en Italie proviennent des universités catholiques, comme en témoigne la création dans les années 90 du CREMIT (Centro di Ricerca sull’ Educazione ai Media, all’ Informazione e alla Tecnología), à Milan.

La rupture de la chute du Mur de Berlin

Les ex-pays de l’Est sont nettement moins bien lotis, pour des raisons historiques évidentes. Il a fallu revenir sur des décennies de monopole étatique sur les médias et leur utilisation au service de la propagande, et rattraper un sous-équipement.

Dans les pays baltes, des petites structures indépendantes (associations, festivals et salles de cinéma, centres culturels) ou des enseignants prennent souvent des initiatives. L’État n’a en effet pas encore mis en place une véritable politique culturelle ou éducative orientée vers l’éducation aux médias. L’éducation au cinéma est prise en compte, dans une perspective esthétique, plutôt que l’aspect citoyen critique. Dans un papier publié en 2010 par l’Université de Vilnius (Lituanie), une chercheuse concluait ainsi [lit et en] que “les politiques d’éducation aux médias en étaient à leur prémices et qu’il manquait encore à la Lituanie le courage et l’état d’esprit nécessaires pour mettre en place des politiques globales de pédagogie critique et d’éducation aux médias.”

L’Estonie a décidé d’investir massivement dans le numérique, une politique économique baptisée “saut du tigre”. Le saut du Tigre, de par sa rapidité, a aussi eu comme conséquence de créer un problème de décalage générationnel, avec des enseignants et des parents devant rattraper le train à marche forcée. L’étude Mediapro [pdf] de 2006 sur l’appropriation des nouveaux médias par les jeunes en Europe pointait déjà ce fait : “Comme il y a très peu de réflexion sur les usages des nouveaux médias, les jeunes [Estoniens] se sentent souvent livrés à eux-mêmes avec le rôle d’expert en informatique de la famille.”

Les pays d’Europe centrale mettent en place des structures d’éducation aux médias, très liées aux organismes chargés de la régulation. À noter en Roumanie la création de Media Monitoring Active watch [ro] une agence qui fait office d’observatoire des médias et œuvre aussi en matière d’éducation aux médias [ro]. “Elle a été fondée par l’équivalent du directeur du Canard enchainé, un grand journaliste très craint et reconnu et qui a eu l’intelligence de s’entourer de jeunes chercheurs”, détaille Evelyne Bevort, directrice déléguée du CLEMI. Pour le reste, la situation générale peut encore être améliorée : “l’éducation aux médias est inscrite dans le programme de l’éducation nationale roumaine mais seulement en option pour les 14/18ans, détaille Nicoleta Fotiade, directrice du département éducation aux médias d’Active watch, pour nous c’est insuffisant. Nous n’avons pas d’organisation comme le CLEMI totalement dédiée à l’éducation aux médias.”

Dans ce contexte atomisé, la déclaration de Bruxelles pour une éducation aux médias tout au long de la vie se veut une réponse consensuelle. Parviendra-t-elle à faire passer les États de grands discours pleins de principes aux actions concrètes ? C’est ce qu’assurait en 2009 Viviane Reding, alors commissaire européenne chargée de la société de l’information et des médias :

Soyez assurés que votre voix sera entendue et que les recommandations formulées lors du congrès de Bellaria ne resteront pas lettre morte.

Image CC Flickr natashalcd, Christopher S. Penn et courosa

Retrouvez notre dossier sur la déclaration de Bruxelles pour une éducation aux médias tout au long de la vie

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Plaidoyer pour une diversité culturelle et un cinéma numérique durables http://owni.fr/2011/01/12/plaidoyer-pour-une-diversite-culturelle-et-un-cinema-numerique-durables/ http://owni.fr/2011/01/12/plaidoyer-pour-une-diversite-culturelle-et-un-cinema-numerique-durables/#comments Wed, 12 Jan 2011 16:00:23 +0000 Rodolphe Village http://owni.fr/?p=41964 L’association de salles de cinéma indépendantes ISF a publié sur le blog des salles Utopia (qui en font partie) cette tribune sur les enjeux économiques et culturels de l’équipement des salles indépendantes en technologie numérique. Un sujet qui sera l’une des actualités majeures en 2011 pour le monde de l’exploitation et de la distribution cinématographique. Nous publions ici leur point de vue.

L’exploitation cinématographique est à l’aube de changements technologiquespropres à bouleverser l’équilibre de la profession, mettant en péril un nombre important de salles du parc français, et par là même la diversité culturelle. Le CNC a travaillé dur à élaborer un mécanisme de fonds de mutualisation (voir document en annexe) qui aurait permis de préserver l’existence de ces salles en les aidant dans la transition vers la projection numérique. Mais ce mécanisme n’a pas été approuvé, contre toute attente de la profession, parl’Autorité de la Concurrence, alors qu’au même moment, le dernier grand groupe à ne pas s’être encore équipé annonçait la numérisation de ses 800 écrans, accélérant le basculement de l’exploitation vers cette nouvelle technologie.
C’est un coup dur pour la profession, mais le communiqué de l’Autorité de la Concurrence ne manque paradoxalement pas d’intérêt et nous devrions saisir cette opportunité pour approfondir notre réflexion sur les implications de cette mutation, et dépasser une déception légitime. C’est dans cet esprit que les salles ISF tiennent à proposer quelques pistes de réflexion.

Ainsi l’Autorité de la Concurrence reconnaît que, “le projet du CNC correspond à un objectif d’intérêt général, auquel le marché du financement du cinéma numérique par les tiers investisseurs ne semble pas pouvoir répondre de façon satisfaisante”

Pour quelles raisons ?

D’une part parce que le financement par les tiers investisseurs repose en grande partie sur les VPF des majors et risque de favoriser la programmation du cinéma américain au détriment de la diversité culturelle, tout en accélérant la rotation des films (plus on a de films en première semaine plus on touche de VPF ).

D’autre part parce que l’émergence de ces nouveaux acteurs que sont les tiers investisseurs est propre à bouleverser l’équilibre de la profession, leur position comportant des risques concernant l’influence qu’ils pourraient exercer sur la programmation des salles qui se sont battues pour maintenir leur indépendance de programmation comme financière. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu’une fois entrés sur le marché, ils ne souhaiteront pas en sortir… Quelles stratégies pourront-ils adopter une fois la transition technologique effectuée, si ce n’est la mise à profit de leur capacité à négocier avec un grand nombre de salles ? Une telle concentration induit inévitablement une nuisance à l’encontre de la diversité culturelle.

Enfin il ne reste, comme alternative aux tiers investisseurs, que les subventions publiques. Or, cela a toujours été la position d’ISF : trop dépendre de subventions peut mettre en péril le dynamisme et l’indépendance de programmation des salles…

Les salles indépendantes des collectivités locales, en l’occurrence des salles comme les nôtres classées Art et Essai Recherche, n’auront ainsi d’autre recours que de s’équiper sur leurs fonds propres.

Au regard du travail que nous effectuons, on pourra considérer que nos salles (1% du marché total de l’exploitation), qui sont parmi les meilleurs défenseurs de la « diversité cinématographique », seront les dindons de la farce numérique, coincées entre les VPF des circuits et le bon ou le mal vouloir des élus.

Le 16 juin dernier, était votée dans l’hémicycle une proposition de loi relative à l’équipement numérique des salles de cinéma. Publiée en septembre, cette loi entérine les mécanismes des VPF, ne faisant que les encadrer mais n’en corrigeant pas les effets pervers. En particulier, ces VPF ne sont dus que si la salle programme le film durant les deux premières semaines suivant la sortie nationale, ce qui favorise le cinéma le plus commercial dont l’essentiel des entrées se fait sur une période courte, car cela n’encourage pas les salles à programmer des films sur une plus grande durée ou à les reprendre plus tard, ce qui favoriserait pourtant la diversité en permettant au bouche à oreille de fonctionner pour des films qui n’ont pas les moyens des campagnes de promotion mises en œuvre pour les blockbusters. On voit beaucoup en ce début d’année des articles se félicitant de la hausse des entrées en salle, mais faut-il rappeler que la part de marché du cinéma américain est passé depuis janvier 2010 à 60%, pour 34% à notre cinéma national et 6% pour le reste du monde.
Pour les salles ne bénéficiant pas de ces VPF car ayant peu de sorties nationales, l’État a prévu une enveloppe de 100 millions d’euros. Mais que ce soit les VPF ou les subventions, ces financements ne sont prévus que pour la période de transition, en favorisant l’accélération de cette transition sans s’attaquer aux problèmes structurels que pose cette technologie.

Le numérique met en danger la profession de projectionniste car cela va amplifier l’externalisation de la maintenance des équipements tout en simplifiant leur mise en œuvre. Or on observe dans d’autres pays européens un rapprochement entre sociétés de maintenance et tiers investisseurs, accentuant encore les dangers de concentration dans le secteur. Un matériel aux caractéristiques techniques plus ouvertes (comme l’était le 35mm), avec des formations adaptées, permettrait de se prémunir en partie contre cet écueil, donnant ainsi les moyens aux projectionnistes d’acquérir de nouvelles compétences leur permettant de mieux maitriser le matériel qu’ils auront à utiliser.
L’argent public doit-il servir à promouvoir une technologie qui tend à supprimer des emplois qualifiés, gage d’indépendance pour les cinémas ?

Le rouleau compresseur numérique

Quels attraits offre le numérique ? Qu’on ne nous parle plus de la 3D, qui ne concernera qu’un nombre restreint de sorties par an. Que la dimension « foraine » du cinéma ait sa place, très bien, mais que l’on décide du basculement de toute la filière en fonction de ce seul aspect est tout bonnement aberrant (depuis cet été, les signaux d’un éclatement précoce de cette bulle technologique se sont multipliés, et cela à peine huit mois après le début de la bulle avec Avatar !). Une fois mis de côté ce miroir aux alouettes, que reste-t-il ? Une économie sur les tirages de copies qui, en l’état, n’aura pas de répercussions sur l’exploitation et peu sur la petite distribution. Que les salles mono-écran de campagne soient attirées par la supériorité de la longévité d’un fichier par rapport à une copie 35 et la possibilité d’avoir le film plus près de sa sortie, c’est compréhensible, mais si elles ne sont pas en mesure de s’équiper durablement, ça leur fera une belle jambe.

Nous sommes face à une technologie conçue pour une logique plus industrielle que culturelle, dimensionnée pour la grande exploitation, et c’est bien son principal défaut dont découle tout le reste.

Passer de l’argentique au numérique répond à une logique pleine de bon sens étant donné que la production de films se fait de plus en plus en numérique. Mais cessons de nous comporter en technophiles béats, toute nouvelle technologie porte en elle un poison et un bienfait, il s’agit bien d’identifier le poison et de le neutraliser. Qu’une norme visant à une interopérabilité et répondant à des impératifs qualitatifs ait pu être établie pour le cinéma est une grande victoire, mais il est regrettable que n’aient pas suffisamment été prises en compte les difficultés causées par le coût de son déploiement…
Pourtant les coûts induits par les recommandations de la DCI pourraient encore être infléchis, étant donné qu’à peine un quart de ces recommandations sont passées sous norme ISO internationale. C’est d’ailleurs ce qui était souligné dans le rapport publié par la Commission Européenne en septembre dernier, précisant qu’une bonne partie de ces coûts étaient dus aux normes de sécurités mises en place pour protéger essentiellement les blockbusters mais ne bénéficiant pas forcément au cinéma européen :

L’Union européenne réfléchira également à la manière d’exploiter les possibilités offertes par le processus de normalisation. L’objectif est de faire en sorte que la flexibilité nécessaire soit garantie afin que tous les cinémas viables d’Europe puissent utiliser la projection numérique.

Or, 80% des écrans européens ont moins de 10 m de base…) Aviva Silver soulignait ainsi lors des dernières conférences Europa Cinemas que la question de la norme n’était pas close. Dans un tel contexte, est-il raisonnable d’accélérer la transition numérique, en dilapidant au passage 100 millions d’euros d’argent public qui pourraient être plus utilement employés, au lieu de favoriser une technologie qui va porter atteinte non seulement à la diversité culturelle, mais également à l’emploi dans le secteur.

Il est important de se préoccuper de la technologie que l’on va mettre en œuvre, car dans les nouvelles technologies, le rôle de l’intermédiaire technique peut prendre une importance « envahissante »…

Envisageons que le numérique se déploie dans les conditions actuelles, et que l’on en vienne logiquement à terme à transférer les films par le réseau Internet. Il est un danger important dont il faudrait se prémunir dès maintenant : la mainmise d’un ou deux opérateurs sur le transfert des films. On aurait alors l’apparition d’un autre acteur pouvant acquérir une position dominante propre à porter atteinte à la diversité culturelle, d’autant plus si celui-ci se met à produire et distribuer des films… Un moyen très simple de se prémunir de ce danger est de garantir la neutralité du réseau de transmission des films, en élaborant une norme, un protocole ouvert et interopérable de transmission des films, et qu’ainsi les distributeurs, quel que soit l’intermédiaire qu’ils emploient pour la transmission de leurs films, puissent les envoyer à n’importe quel exploitant, quel que soit le matériel de réception qu’il utilise. On prend sinon le risque d’une concentration inédite de l’offre dans la filière par le seul poids que pourrait prendre ce nouvel acteur, le mettant en position de négocier des offres groupées avec plusieurs distributeurs et/ou exploitants. Un amendement avait été proposé dans ce sens en juin, et Patrick Bloche aurait bien souhaité le défendre mais cet amendement n’a pu être soumis au vote car ses auteurs n’étaient hélas pas présents en séance pour le soutenir…

Vers une solution Open Source

Par ailleurs il est un mode de développement qui pourrait être sérieusement envisagé pour l’élaboration de solutions technologiques, c’est le développement Open Source, qui a pour qualités principales de garantir une indépendance vis à vis des intermédiaires techniques, de permettre une mutualisation du financement de ces solutions, d’en abaisser le coût sur le long terme et d’allonger la durée de vie des matériels par l’indépendance que cela apporte. L’argent public que l’on s’apprête à dispenser pour la transition vers le numérique pourrait être, en partie au moins, utilement employé pour lancer des appels d’offre dans ce sens.
Les salles Utopia et l’association ISF dont elles font partie essaient d’ailleurs actuellement de monter le financement d’une thèse proposée par Nicolas Bertrand, dont le sujet va dans ce sens :

Il faudrait étudier ce que le logiciel libre et son modèle ouvert et coopératif peuvent apporter. Quelles solutions technologiques choisir ? Avec quels outils logiciels ? Faut-il implémenter une solution, compatible avec la norme du DCI, apportant plus de souplesse ou bien proposer une autre norme, la norme proposée n’étant pas encore une norme internationale. […] La thèse s’inscrit dans une démarche pluridisciplinaire et aurait aussi pour objectif de créer une dynamique autour du cinéma numérique dans le cinéma indépendant, de mettre en réseau le monde du cinéma, la recherche, et le logiciel libre afin de permettre l’émergence d’un modèle durable.

C’est une des solutions qui s’offrent à nous pour faire face à ces enjeux fondamentaux. Il serait souhaitable d’une manière ou d’une autre d’arriver à un abaissement des coûts du matériel, soit par la diversification de l’offre qui pourrait proposer des solutions adaptées aux différents types d’exploitation, soit par la mutualisation du financement de nouvelles solutions en Open Source qui permette sur le long terme d’en abaisser les coûts.
Il est également essentiel de mettre en place les normes garantissant la neutralité du réseau de transmission des films avant l’achèvement de la transition vers le numérique.

Enfin, pour un financement durable de ces nouvelles technologies permettant de préserver sur le long terme la richesse et la diversité du parc de salles français, la suggestion faite par l’Autorité de la Concurrence mérite d’être sérieusement examinée, consistant en des aides directes, partiellement attribuées via un mécanisme d’appel d’offres, financées par une taxe sur les copies numériques.
On pourrait ajouter que ces aides devraient être attribuées selon la programmation des salles concernées, afin de garantir que ces aides aillent à des salles œuvrant pour la diversité culturelle, répondant en cela à un objectif d’intérêt général, la permanence de cette taxe ayant pour mérite de proposer une solution durable pour préserver la diversité du parc de salles français (cette proposition de taxe a été courageusement défendue par le député François Asensi lors du vote de la loi en juin, mais il fut hélas le seul à défendre cette position qui était pourtant la seule offrant une vision sur le long terme…).

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Billet publié sur le blog des cinémas Utopia sous le titre “Les salles indépendantes sont-elles le dindon de la farce numérique” et mars 2010 et mis à jour par l’auteur en janvier 2011.

Crédits photo : Stuck in Customs (cc by nc sa) ; The National Archives UK ; Ophelia Noor ; Robbie Kennedy (cc by nc sa)

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“Nouveaux médias” et frontières qui s’estompent http://owni.fr/2009/11/20/nouveaux-medias-et-frontieres-qui-sestompent/ http://owni.fr/2009/11/20/nouveaux-medias-et-frontieres-qui-sestompent/#comments Fri, 20 Nov 2009 12:17:12 +0000 David Dufresne | davduf http://owni.fr/?p=5609

Il y a quelques jours, le Centre national du Cinéma organisait un atelier sur les « nouveaux médias ». Prison Valley y était invité. On a causé Webdocumentaires, ARG, transmédias, crossmédias. Où l’on s’est demandé comment raconter différemment une histoire, parce que la technologie le permet, parce qu’il est temps, bordel de merde, de changer les codes ? Récit (linéaire — mais pour combien de temps encore ?) de cette drôle de journée où l’on parla de tout. Et c’est ça qui fut bien.

Le 19 octobre dernier, le Centre national du Cinéma avait convié au Forum des Images ce que Paris compte de producteurs et d’auteurs intéressés par un drôle de bidule appelé drôlement : « les nouveaux médias ».

Et ce fut drôle.
Et ce fut bien.
Et ce fut nouveau.
Et ce fut long.
Et ce fut brassé.

But de l’opération : présenter huit projets sélectionnés parmi les quatre-vingt sept subventionnés par le Fonds d’aide du CNC aux dits « nouveaux médias », depuis sa création en décembre 2007 — dont Prison Valley (soutenu en juin 2009) [1]. En gros : servir de vitrine pour une boutique (les « nouveaux médias »), encore à peine ouverte, pas même signalée, mais déjà achalandée (trois cents personnes dans les fauteuils du Forum des images, mazette).

Guillaume Blanchot du CNC ouvrit le débat par quelques chiffres clés (« 50% des producteurs viennent de l’audiovisuel, et 50% sont des producteurs dont les sociétés se sont constituées spécifiquement pour l’Internet ») et quelques faits prometteurs, comme la « sociologie des auteurs extremement variée » : nous viendrions du cinéma, de la télé, nous viendrions du web, des jeux vidéos, nous viendrions de la photo, de l’écrit.

D’où le brassage.
D’où la nouveauté.
D’où on arrête de rigoler : c’est évidemment dans cette diversité que se situent les réels enjeux néo-médiatiques (mazette, bis repititae). Dans les frontières qui s’estompent, dans les écritures qui se mélent, s’influencent, changent, (se) bousculent. Dans la fusion des métiers, et des savoirs, des cultures et des contre-cultures. C’est en tout cas ce qu’on essaye d’expérimenter dans Prison Valley. Fondre les métiers, non les superposer. Photo. Vidéo. Bifurcations. Texte. Journalisme. Web. Interactivité. Hypertexte. Hyperfolie. Web et documentaire. Webdoc.

(Vidéo : intervention Prison Valley à 2 minutes 30).

« ça fait quinze ans que dans le monde du jeu vidéo, nous nous sommes posés les questions du récit linéaire et de comment le casser »
Eric Viennot

C’est alors qu’a déboulé Eric Viennot, en fin de la journée. Eric vient du jeu vidéo. Il est le créateur In Memoriam, un des premiers ARG (ces jeux à réalité augmentée). En une phrase, Eric ramassa tout le bazar : « ça fait quinze ans, dit-il, que dans le monde du jeu vidéo, nous nous sommes posés les questions du récit linéaire et de comment le casser ». Eric est modeste, il voulait dire : ça fait quinze ans que l’industrie du jeu vidéo a résolu le bousculage du récit linéaire.

Soudain, en un clin d’œil, un monde s’ouvrait.

Et si, c’était ça l’enjeu premier : comment raconter différemment une histoire, parce que la technologie le permet, parce qu’il est temps, bordel de merde, de changer les codes ? Comment garder la nervosité et la rigueur journalistiques pour en faire d’autres choses, parce que la crise que traverse le journalisme le commande ? Comment changer les narrations ? Comment intéresser un public à une histoire comme celle de l’industrie des prisons aux Etats Unis ?

Hors débat, là, en bas de l’escalier, avant la dernière pause clopes, on est allé voir Eric. « Dis nous, c’est où ? C’est quand ? C’est comment, c’est qui les grands scénaristes de jeux vidéos ? » Eric sourit. Il avait promis de donner quelques pistes sur son site. C’est chose faite.

Et pour finir, comme d’habitude, une carte postale Prison Valley signée Sebastien Brothier, directeur artistique d’Upian qui bosse toujours aussi vite et bien qu’un Wu-Tang Clan.

A vite, pour la suite de nos nouvelles aventures.

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