OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’économie des flux http://owni.fr/2009/08/31/leconomie-des-flux/ http://owni.fr/2009/08/31/leconomie-des-flux/#comments Mon, 31 Aug 2009 13:42:44 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=3050 ben

Dans un monde de flux où les biens s’écoulent, l’ancienne économie de la rareté de l’offre associée à la rareté de l’argent ne peut plus survivre. Sans doute faudra-t-il basculer vers un système financier où chacun pourra émettre de la monnaie et devenir banque centrale. Mais avant d’envisager cette entrée dans le flux de la finance, je voudrais inventorier les différentes modalités de rétribution adaptées aux flux, certaines incompatibles, d’autres complémentaires.

  1. Proposer comme aujourd’hui les produits à un prix fixe, souvent élevé, plus de dix euros, est contre productif car on empêche le flux de s’écouler et, dans l’économie des flux, l’immobilisme équivaut à la mort. La pratique tarifaire actuelle a pour avantage de nous maintenir dans un monde connu et de ralentir l’avènement du monde des flux mais elle favorise le piratage. J’insiste sur ce point. Le piratage est inéluctable et sera de plus en plus facilité en même temps que les flux deviendront la norme (simple de copier une information qui passe à travers notre ordinateur).
  2. Les revenus annexes : publicité, affiliation, merchandising, spectacles, conférences… compléteront la rémunération des créateurs comme ils le font déjà. Rien de nouveau de ce côté-là. Mais je ne vois pas pourquoi un écrivain devrait se transformer en pingouin pour continuer à écrire ses livres. Bientôt je vais vendre des t-shirts « Je connecte en propulsant, je propulse en connectant. »
  3. Le micropaiement, 1 euro par œuvre par exemple, a pour avantage de rabaisser le ticket d’entrée à un prix psychologique très bas. Malheureusement 1 euro est souvent plus qu’insuffisant pour rentabiliser une œuvre, même quand beaucoup de gens paient. Dans beaucoup de cas, le micropaiement ne peut être qu’une mesure complémentaire. D’autre part, si tout le monde met un ticket d’entrée à 1 euro (imaginez lire ce billet pour 1 euro), Internet devient soudain payant et le monde des flux se tarie par feedback négatif, ce qui revient à tuer Internet. Enfin, un ticket d’entrée faible n’arrête pas le piratage, il ne fait que le rendre moins utile pour les gens normalement fortunés.
  4. La licence globale est une sorte de taxe que tous les abonnés Internet paieraient, une redevance télévisée bis. Je suis farouchement contre car où va l’argent récolté ? Comment sera-t-il distribué ? Les copains des copains seront toujours servis les premiers comme cela se pratique dans le monde du théâtre (et logique que nombre de politiciens clientélistes soient favorables à cette mesure). Il y aura un comité de redistribution. Pourquoi est-ce qu’avec mon blog je recevrais plus ou moins qu’un autre blogueur ? Faudra-t-il être reconnu créateur pour recevoir ? Par qui ? Selon quels critères ? Cette approche va à l’encontre de la responsabilisation des gens et, comme le micropaiement, elle reste une source de financement insuffisante à moins de doubler le prix des abonnements (je dépense chaque mois plus en livres qu’en FAI).
  5. Avec le mécénat global ou SARD, les internautes sont obligés de donner mais ils votent pour répartir leur dons selon une logique de digg. J’aime l’idée. Je la préfère de loin à la licence globale. Mais elle me fait un peu peur (voir notes). Par ailleurs, les sommes récoltées seront là encore insuffisantes à moins d’une lourde augmentation des abonnements.
  6. On peut imaginer une autre forme de mécénat global où on est obligé de donner mais où on choisit explicitement à qui on donne. Je préfère de loin cette méthode plutôt formatrice. Je pourrais donner aux créateurs que j’admire pas à ceux que le « peuple admire le plus ». Danger, nous risquons de donner à nos amis. Sans doute faudrait-il trouver un compromis entre cette approche et celle actuelle du SARD (voir notes).
  7. Le tout gratuit implique le don volontaire, donc un changement des mentalités. J’aime cette idée car elle fait reposer la création sur la seule responsabilité des gens. Ils donnent quand ils le veulent la somme qu’ils veulent aux créateurs qu’ils admirent. S’ils cessent de donner, plus d’œuvre. Favorisé par une certaine transparence (savoir combien un artiste a déjà reçu), un mécanisme de régulation devrait se mettre en place. En basculant dans un monde de flux, un monde de moins en moins matérialiste, les gens devraient être prêts à donner pour les choses qui seront le plus importantes dans leur vie. Comme toute révolution psychologique, ce basculement des mentalités ne peut pas s’effectuer du jour au lendemain. Toutefois, aussi improbable qu’elle paraisse, cette logique du don régit déjà notre monde. C’est ce qui me rend optimiste. Ne vivez-vous pas du don ? Que faites-vous quand vous empruntez de l’argent à la banque ? Vous recevez un don en échange d’une promesse de remboursement. Que font les banques et les États, ils empruntent pour rembourser leurs dettes. La chaîne de Ponzi n’est autre qu’une chaîne du don.

En résumé, nous entrevoyons aujourd’hui trois formes de rémunération qui pourraient se compléter pour remplacer le modèle actuel du prix de vente.

  1. Micropaiement à la discrétion de l’auteur/distributeur et en aucun cas une modalité à généraliser.
  2. Mécénat global juridiquement imposés par les gouvernements (et indépendant du micropaiement).
  3. Plateforme de don direct ultra-simplifiée en même temps qu’une sensibilisation à cette nouvelle logique (ce que ferait déjà le mécénat global).

Est-ce ainsi que nous sortirons du monde de la rareté, du monde des happy few, et entrerons dans le monde des flux ? Sans doute que nous n’avons pas encore eu les bonnes idées.

Note sur le SARD

  1. La version dure du mécénat global passe par l’État qui nous imposerait le don d’une somme forfaitaire.
  2. Je suis pessimiste quant à cette idée. Il faut une loi pour favoriser l’auto-organisation de la rémunération. Mais je vois mal l’État passer des lois qui le désengage, c’est contre la logique étatique. Si l’État passait des lois pour pousser le système à fonctionner sans l’État se serait une révolution extraordinaire (surtout hors du monde de la finance). J’ai peur que ce ne soit pas demain la veille. Les gouvernants aiment trop le pouvoir et pas assez les hommes.
  3. La version allégée du mécénat global, qui sera annoncée le 8 septembre, ne passe par l’État mais par un engagement volontaire des créateurs et des internautes. Nous pourrons ainsi tester le système mais je ne vois pas bien d’autres intérêts. Quelle différence avec le don direct ? Ok, ça nous évite juste de voir partout fleurir des boutons de dons mais, à la place, nous aurons des boutons de vote. Beaucoup de bruit pour rien à mon sens.
  4. Qui dit vote, dit populisme. Les productions grossières de TF1 récolteront tous les revenus. Je n’ai aucune envie que mon don aille à des œuvres que je ne respecte pas. Je suis totalement opposé à se système s’il n’est pas contrebalancé (même critique qu’à notre démocratie).
  5. Au vote positif (+1), il faut ajouter un vote de censure (-1). Je veux que mon don n’aille pas nominativement à tel ou tel artiste, à tel groupe d’artistes (les racistes), à telle liste compilée par des tierces parties auxquelles je fais confiance… Je veux par exemple pouvoir donner tout aux écrivains et rien aux musiciens.
  6. Je veux aussi que le système soit totalement transparent. Je veux savoir combien les artistes ont déjà reçu et arrêter de leur donner quand j’estime que c’est suffisant. Je veux pouvoir mettre des barrières. À Partir d’un certain seuil en euro, mon argent va ailleurs. Et si c’était ça le véritable socialisme ?
  7. Dans le cas de la version dure du mécénat global, il faut empêcher le choix explicite du bénéficiaire d’un don. Sinon j’aurais la possibilité de cibler un ami qui pourrait me donner en retour, ce qui reviendrait à passer outre l’obligation. Je ne peux donc qu’exclure ceux à qui je ne veux pas donner.
  8. En revanche, je dois pouvoir choisir dans quelle zone de la longue traîne des votes mon don se répartira. Je peux ainsi décider de financer la création underground.
  9. Reste que tout cela est bien compliqué alors qu’il s’agit avant tout d’une révolution psychologique à effectuer. Tous ces artifices techniques ne font-ils pas que nous détourner de notre objectif ? Mieux vaut passer son temps à donner l’exemple et à expliquer qu’à mettre en place des usines à gaz.

Un article initialement publié sur Le peuple des connecteurs

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SARD : la rémunération des auteurs par le don obligatoire ? http://owni.fr/2009/08/25/sard-la-remuneration-des-auteurs-par-le-don-obligatoire/ http://owni.fr/2009/08/25/sard-la-remuneration-des-auteurs-par-le-don-obligatoire/#comments Tue, 25 Aug 2009 13:50:01 +0000 Guillaume Champeau http://owni.fr/?p=2440 Mise à jour 2 : Richard Stallman a souhaité nous communiquer la précision suivante :

“Je remercie l’appui de l’article pour les SARD et le mécénat global, mais je me sens obligé de vous dire que c’était Francis Muguet qui a inventé les deux conceptes. J’ai participé aussi dans la conception du mécénat global: mon apport était les idées que j’avais proposé pour la premiere fois en 1992, et qui se trouve toujours dans http://www.gnu.org/philosophy/dat.fr.html. Nous avons incorporé ces idées sur la nouvelle base qu’il a inventé.

Le mécénat global actuel est donc un mélange de mes idées avec celles de Francis Muguet, mais c’est lui qui a lancé l’initiative, et qui a fourni la structure juridique.”

Mise à jour 1 : l’auteur du concept du Mécénat Global nous a apporté de précieuses précisions sur la nature exacte de la SARD, beaucoup plus pragmatique qu’il n’y paraissait au premier abord.

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Incapables de se faire une place dans les sociétés de gestion collective traditionnelles comme la Sacem ou la SACD qui leur ferment les portes, les auteurs et éditeurs membres du collectif Libre Accès annoncent la création prochaine de leur propre structure. Il s’agira d’une SARD, une Société d’Acceptation et de Répartition des Dons, qui s’appuiera sur les idées de Richard Stallman pour financer la création sur Internet par des dons obligatoirement versés par les internautes.

(CC, Richard Stallman, par Chrys)

Le coup d’envoi sera donné officiellement le 8 septembre prochain, à la mairie du 3ème arrondissement de Paris. Les membres du collectif Libre Accès, qui défend les auteurs et éditeurs d’oeuvres sous licences libres et ouvertes en France, ont lancé lundi leur “appel à l’assemblée constituante d’une Société d’Acceptation et de Répartition des Dons“.

Une S.A.R.D. est une Société d’Acceptation et de Répartition des Dons qui permet de financer la création sur internet. Par les dons plus que par le droit d’auteur, par l’appréciation plus que par la consommation“, explique l’appel.

Il s’agit de mettre en place un mécanisme simple de répartition de dons faits par les internautes pour les œuvres de leur choix. Il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe, mais d’une nouvelle façon de concevoir le rapport entre les auteurs et le public. Un rapport basé sur l’entente et non sur le conflit.

L’idée, un peu folle, concrétise le concept de “Mécénat Global” dégagé par Richard Stallman, l’inventeur des licences GNU. En principe, les internautes verseraient de manière obligatoire par l’intermédiaire de leur FAI une somme collectée par la SARD, qui serait ensuite répartie selon des clés déterminées non pas par sondage et par volume de consommation, mais par appréciation des oeuvres par les internautes. Ces derniers auraient en effet la charge de voter pour les oeuvres qui méritent selon eux rémunération, à charge pour les auteurs et les éditeurs de fournir l’identifiant de l’oeuvre. Les sociétés de gestion collective auraient l’obligation d’autoriser la diffusion à titre non commercial de copies des oeuvres qu’elles gèrent, et de mettre en oeuvre le Mécénat Global. Seuls les auteurs qui refusent toute rémunération collective seraient exclus du système.

Selon Richard Stallman, qui sera présent le 8 septembre à Paris, le Mécénat Global a par rapport à la licence globale l’avantage de ne pas être intrusif puisqu’il ne nécessite pas de surveillance des réseaux ni de DRM, et de ne pas écarter les “auteurs émergents” d’ordinaire noyés dans les statistiques des grandes sociétés de gestion qui répartissent par sondage. “Par conséquent, c’est extrêmement positif en terme de développement artistique et culturel, et de soutien à la création, tant nationale qu’internationale, dans le respect de la diversité culturelle de la France“, assure-t-il.

Au niveau philosophique, on dé-commercialise l’art, tout en permettant la rémunération des artistes, c’est un retour aux sources, après une industrialisation et exploitation excessive de la première révolution industrielle (…) Le Mécénat Global constitue un pas vers une société de l’appréciation, qui permet une juste et équitable rémunération, tout en préservant la liberté, l’individualité et la diversité culturelle“.

Reste à voir comment, concrètement, convaincre les politiques, les FAI, les internautes, les artistes et les sociétés de gestion collective traditionnelle de s’unir autour d’un tel projet très éloigné des conceptions habituelles du droit d’auteur. Le projet semble davantage destiné à freiner les ambitions de taxe sans contrepartie affichées par la SACEM en provoquant un débat sur l’utilisation des sommes collectées qu’à trouver une traduction concrète immédiate.

Mais pour apporter de premières réponses à ces questions, l’assemblée constituante de la SARD aura lieu à partir de 16 heures à la mairie du 3ème arrondissement de Paris le 8 septembre prochain, et sera suivie d’une conférence à partir de 19 heures. Des députés y participeront, accompagnés de Richard Stallman, Bernard Stiegler, Antoine Moreau (créateur de la licence Art Libre), et des membres du collectif Libre Accès. Plus d’infos sur cette page.

Article initialement publié sur Numérama

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