OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Napster de la banque: prochain cauchemar des gouvernements? http://owni.fr/2011/05/25/naspter-banque/ http://owni.fr/2011/05/25/naspter-banque/#comments Wed, 25 May 2011 13:49:06 +0000 Rick Falkvinge http://owni.fr/?p=64308 La vraie bataille pour l’internet et les énormes changements que le réseau apporte ne fait que commencer. Ce que nous voyons aujourd’hui ne sont que des signes avant-coureurs, de petites disputes où les amis de ceux qui ont le pouvoir (l’industrie du copyright) se plaignent et obtiennent de piètres bénéfices.

Une des règles générales du progrès technique, c’est que ce n’est pas nécessairement la techno la plus riche en fonctionnalités, la moins chère, ou la plus accessible qui atteint la masse critique d’utilisateurs. En fait, c’est plutôt la technologie la plus simple d’utilisation.

Je cite fréquemment Youtube en exemple, car Youtube n’était pas le premier site à proposer de la vidéo sur le net. Diable, le porno le faisait depuis 5 ans lorsque Youtube est arrivé, et les techno-geeks le faisaient depuis 10 ans. Il y avait au moins une douzaine de façons ordinaires de partager de l’audio numérisé et des vidéos en ligne avec les autres.

À ce jour, l’histoire nous apprend que cela prend environ dix ans, depuis la conception d’une technologie, ou de l’application d’une technologie, avant que quelqu’un trouve la recette miracle qui rend cette technologie assez simple à utiliser pour que ça prenne.

Il serait indélicat de ne pas mentionner Napster dans ce contexte. J’ai commencé à échanger des fichiers sur FidoNet avec un modem 2400 bps en 1989. Textes, musique, images. C’était rudimentaire, mais nous le faisions. Quand un nouveau protocole appelé TCP/IP a débarqué vers 1995, nous avons tous migré. Puis en 1999, Napster est arrivé… et d’un coup, tout le monde s’est mis à échanger des fichiers musicaux. DC++ et d’autres imitations ont fait en sorte que nous partagions tout ce que nous voulions.

Le partage de musique a mis dix ans à s’emballer, grâce à Napster. Le partage de vidéos a mis 10 ans à devenir assez simple. Donc si vous voulez prédire la prochaine bataille, regardez ce que les geeks font en ce moment même, ce qui est obscur et qui n’a pas encore pris ; quelque chose avec des cas d’utilisations très claires et séduisantes, lorsque ça deviendra suffisamment simple.

Voici ce qui est sur mon radar : le système bancaire. Il existe au moins une douzaine de différentes variantes de monnaies chiffrées et décentralisées [Ndlr : ce sont des monnaies dématérialisées qui fonctionnent à l'aide de logiciels et d'algorithmes de sécurisation, le tout sans banque centrale], et de systèmes de transaction, très sophistiqués et totalement incompréhensibles, tels que RippleBitCoinecash, et d’autres.

De la même façon que BitTorrent a rendu l’industrie du copyright obsolète en un clin d’œil, ces systèmes vont naturellement rendre les banques obsolètes. Eux, ou leurs successeurs, vont atteindre un point de basculement dès que quelqu’un les rendra simples d’utilisation. La technologie est là, les scénariis d’usages sont là — et l’agacement vis-à-vis des grosses banques ne manque pas. Ce n’est plus qu’une question de facilité d’utilisation.

Quand les gouvernements comprendront…

Quand ce basculement arrivera, il n’y aura plus aucun point de contrôle central dans l’économie. Ce sera comme si l’on revenait une nouvelle fois au temps où tout le monde faisait commerce en espèces, le bon vieux cash, anonyme. Alors pourquoi cela donne-t-il l’envie aux gouvernements de murer l’Internet ?

Jusqu’à maintenant, du point de vue des gouvernements, quelques-uns de leurs amis se plaignaient du marasme des ventes de CDs, et ils leur ont donné quelques miettes d’avantages législatifs pour qu’ils la bouclent. Mais comment pensez-vous qu’ils réagiront lorsqu’ils réaliseront qu’ils ont perdu leur capacité à prélever des impôts ?

Imaginez les ramifications de cela pendant un instant. Les gouvernements dans le monde sont sur le point de perdre leur capacité à regarder dans l’économie de leurs citoyens. Ils risquent de perdre leur capacité à saisir des actifs, ils risquent de perdre leur capacité à collecter des dettes. L’usage de la force dans le monde ne sera d’aucune aide : tout est chiffré, et détruire un ordinateur avec toute la puissance de feu policière possible ne servira à rien.

Toutes les armes du monde seront inutiles face à la capacité des gens à conserver leur économie chiffrée pour eux. Elles n’y feront pas la moindre égratignure.

Si vous pensiez que les guerres sur la connaissance et la culture étaient déjà intense et importantes, je crois que nous allons voir des événements bien plus intéressants se dérouler durant la décennie à venir. Ce que nous allons voir, c’est l’émergence de ce que j’appelle l’« économie en essaim », une économie décentralisée et incontrôlable où un emploi à vie n’est plus essentiel à chaque être humain. Et je prédis que cela redéfinira la société d’une façon immensément plus importante que la possibilité de télécharger gratuitement de la musique de rap.


Article initialement publié sur le blog de Rick Falkvinge sous le titre “With The Napster of Banking Round The Corner, Bring Out Your Popcorn“, traduit par les soins de  Romain Rivière

Photos flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales swanksalot ; PaternitéPas de modification jajacks62 Paternité bixentro

Retrouvez notre dossier sur le Bitcoin et les monnaies virtuelles :
Bitcoin: de la révolution monétaire au Ponzi 2.0
[APP] une autre monnaie est possible : une BD augmentée
Monnaies virtuelles: une révolution fiscale?

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Pirat@ge: du hacktivisme au hacking de masse http://owni.fr/2011/03/31/piratge-du-hacktivisme-au-hacking-de-masse/ http://owni.fr/2011/03/31/piratge-du-hacktivisme-au-hacking-de-masse/#comments Thu, 31 Mar 2011 08:30:55 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=54336 Ils sont quatre, dont trois frères, jeunes et (à première vue ;) innocents, et leur clip, “Double Rainbow song“, bidouillé non pas au fond d’un garage mais dans le salon familial, avec un piano, a attiré plus de 20 millions de visiteurs. Un clip parodique qui a généré un buzz énorme, à partir d’une simple vidéo amateur d’un homme à la limite de la jouissance devant un phénomène rare : deux arcs en ciel… Au point – le comble – que Microsoft a recruté le “Double Rainbow guy” pour sa nouvelle pub pour Windows Live Photo Gallery. Ou quand l’industrie pirate les pirates…

Les Gregory Brothers ont réalisé sans le faire exprès quelques tubes par la seule voie numérique grâce à un petit outil, Auto-Tune the News (Remixe les infos en français dans le texte), qui permet à tout un chacun de détourner des reportages TV en y superposant des montages de sons, avec le logiciel de correction musicale Auto-Tune. Comme “Bed intruder song”, un remix de reportage qui montre Antoine Dodson interviewé par une chaîne TV suite à un fait divers (l’intrusion d’un inconnu dans la chambre de sa sœur). Un témoignage qui va le propulser en superstar du web lorsque les Gregory Brothers transforment ses paroles en une mélodie hip-hop vraiment efficace. Plein d’internautes ont été prêts à la voir – et la payer en ligne – une fois qu’elle était disponible sur iTunes – CQFD. Je vous laisse le plaisir de déguster cette mise en bouche…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“La propriété c’est le vol”

De détournement satirique à piratage, il n’y a qu’un pas. J’ai eu la chance, cette semaine, de voir en avant-première le documentaire “Pirat@ge”, réalisé par les journalistes Étienne Rouillon (magazine “Trois couleurs”) et Sylvain Bergère, diffusé le 15 avril sur France 4 Pour la première fois, un docu retrace l’histoire du piratage, avec un parti-pris du côté des hackers, parfaitement assumé.

A quoi ressemblerait Internet sans les pirates ? Au Minitel ! Depuis cinquante ans, des petits génies ont façonné le web, souvent en s’affranchissant des lois. Des pirates ? Ils sont à la fois grains de sable et gouttes d’huile dans les rouages de la grosse machine Internet

Voilà le postulat des auteurs de ce docu.

Un docu malin, forcément un peu brouillon à force de vouloir englober tout ou presque de la culture du hacking (en effleurant l’hacktivisme et les engagements citoyens qu’il implique) en 1 heure 30, parfois en surface. Mais il offre une plongée assez passionnante dans cette culture des flibustiers des temps modernes, apparus dans les années 80 – bien avant l’Internet. Dès 1983, lorsque lorsque les premiers ordinateurs font leur apparition dans les foyers (remember l’Apple I de Steve Wozniak et Steve Jobs en 1976…), les hackers font leurs débuts en essayant de casser les protections anti-copie ou en détournant les règles des jeux informatiques. Ils font leur le dicton de Pierre-Joseph Proudhon“La propriété c’est le vol”.

Dans un esprit très post-70s, l’éthique du hack, élaborée au MIT (mais que l’on peut retrouver dans le Hacker Manifesto du 8 janvier 1986), prône alors six principes:

  • L’accès aux ordinateurs – et à tout ce qui peut nous apprendre comment le monde marche vraiment – devrait être illimité et total.
  • L’information devrait être libre et gratuite.
  • Méfiez-vous de l’autorité. Encouragez la décentralisation.
  • Les hackers devraient être jugés selon leurs œuvres, et non selon des critères qu’ils jugent factices comme la position, l’âge, la nationalité ou les diplômes.
  • On peut créer l’art et la beauté sur un ordinateur.
  • Les ordinateurs sont faits pour changer la vie.

Eh oui! Car dès ses débuts, le hacking a été théorisé au mythique MIT:

Au MIT, le besoin de libérer l’information répondait à un besoin pratique de partager le savoir pour améliorer les capacités de l’ordinateur. Aujourd’hui, dans un monde où la plupart des informations sont traitées par ordinateur, ce besoin est resté le même

résume ce billet chez Samizdat. Dans l’émission, Benjamin Mako Hill, chercheur au MIT Media Lab, ne dit pas autre chose: développeur, membre des bureaux de la FSF et Wikimedia, pour lui,“l’essence du logiciel libre est selon moi de permettre aux utilisateurs de micro-informatique d’être maître de leur machine et de leurs données”.

Pour ce docu, Étienne Rouillon et Sylvain Bergère sont allés voir plusieurs apôtres du hacking, tel John Draper, hacker, alias “Captain Crunch”, un des pionniers hackers en télécoms. Un détournement qui tient du simple bidouillage, mais qui a contribué à créer la légende, la blue box. Il s’agissait d’un piratage téléphonique qui consistait à reproduire la tonalité à 2600 Hz utilisée par la compagnie téléphonique Bell pour ses lignes longue distance, à partir d’un simple sifflet ! Une propriété exploitée par les phreakers pour passer gratuitement des appels longue distance, souvent via un dispositif électronique – la blue box – servant entre autres à générer la fameuse tonalité de 2600 hertz.

“Napster a ouvert la voie à l’iPod”

Leur théorie ? Internet a été construit par des hackers pour faire circuler l’information. Mais peut-être Internet a-t-il marqué la fin du hacking et son éthique d’origine. Car avec Internet, après l’ère idéaliste d’un Internet libertaire, l’industrialisation des réseaux prend vite le dessus. Les pirates du net, cybercriminels et contrefacteurs en ligne prennent le pas sur les hackers, la confusion est largement entretenue…

1999: Napster, cette immense plateforme d’échange de fichiers musicaux en ligne à tête de chat, débarque sur la Toile. Elle est fermée deux ans après mais a ouvert une brèche: le partage de fichiers musicaux entre internautes.

“Napster a ouvert la voie à l’iPod”, ose le documentaire.

Vincent Valade bidouillera eMule Paradise – presque par hasard, comme il le raconte aux auteurs du docu, encore étonné. Sa fermeture avait fait grand bruit – initialement simple site de liens Emule, Vincent Valade est poursuivi pour la mise à disposition illégale de 7 113 films, son procès doit avoir lieu cette année. D’autres s’engouffrent dans la brèche, comme The Pirate Bay, entre autres sites d’échanges de fichiers torrents.

Les industriels de l’entertainment s’emparent aussi de ce modèle naissant. TF1 – face au piratage massif de ses séries TV ? – lance sa plateforme de vidéo à la demande – payante bien sûr, à 2,99 euros puis 1,99 euro l’épisode. “C’était un projet de marketing. C’est mon job”, lance face à la caméra Pierre Olivier, directeur marketing de TFI Vidéo et Vision. Rires dans la salle.

Hacktivisme journalistique…

Et aujourd’hui? Le culture hacktiviste a imprégné plusieurs pratiques: dans le domaine du logiciel libre bien sûr, même si le docu aborde à peine ce sujet. Mais elle rayonne aussi sur de nouvelles pratiques journalistiques.Indymedia, né en 1999 pour couvrir les contre-manifestations de Seattle, lors de la réunion de l’OMC et du FMI, fut un des précurseurs: ce réseau de collectifs, basé sur le principe de la publication ouverte et du “journalisme citoyen” en vogue au début des années 2000 (“Don’t hate the media, become the media”), permet à tout un chacun de publier sur son réseau.

Un vent nouveau dû à l’éclosion ces derniers mois de Wikileaks – là encore, son impact est effleuré dans “Pirat@ges” – dont l’ADN réside dans l’ouverture des frontières numériques – rendre accessibles à tous des données publiques, et son double, OpenLeaks. Car Wikileaks a instauré la “fuite d’informations” en protégeant ses sources, et a remis au goût du jour la transparence et le partage de données si chères aux premiers hackers. Au point que, courant 2010, les révélations de WikiLeaks ont été relayées par une poignée de grands quotidiens nationaux (dont Le Monde), qui en ont eu l’exclusivité, au prix de conditions fixées en bonne partie par Julian Assange, comme j’en parlais dans cette enquête pour Stratégies.

Parmi les dignes successeurs des premiers hacktivistes, citons bien sûr les Anonymous, des communautés d’internautes anonymes qui prônent le droit à la liberté d’expression sur internet (j’y reviendrai dans un billet ultérieur…). Une de leurs dernières formes d’actions (évoquées sur la page Wikipediadédiée) rappelle bien celles des premiers hackers: les attaques par déni de service (DDOS) “contre des sites de sociétés ciblées comme ennemis des valeurs défendues par le mouvement”. Ce fut le cas avec le site web de Mastercard en décembre 2010, qui avait décidé d’interrompre ses services destinés à WikiLeaks.

… et le hacking, culture de masse

La donne a changé: le hacking n’est plus l’affaire de seuls bidouilleurs de génie. L’arrivée de plusieurs industries de l’entertainment sur le numérique, et de nouvelles barrières sur les contenus mis en ligne, implique que tout le monde est aujourd’hui concerné par le piratage numérique. Comme des Mr Jourdain qui s’ignorent, nombre d’internautes ont déjà été confrontés, de près ou de loin, au piratage numérique, en le pratiquant (qui n’a jamais téléchargé illégalement de films, de musique ou de logiciels ?), ou y étant confrontés (fishing).

De culture underground, le hacking frôle la culture de masse, avec une certaine représentation cinématographique, entre MatrixTronMillenium et Lisbeth Salander, geekette neo-punk qui parvient à rassembler des données personnelles en ligne en un tournemain..

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et bien sûr The social network, qui a fait de la vie du fondateur de Facebook un bioptic. Qui a même sa version parodique, consacrée à… Twitter. En bonus, un petit aperçu du trailer de “The twitt network” ;).

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Car Facebook, après tout, est un lointain dérivé de la culture du hacking, né d’une association de piraterie + industrie numérique: son fondateur l’avait créé en bidouillant un réseau local affichant les plus jolies filles de son campus… Mais pas sûr que Mark Zuckerberg ait retenu ces deux principes de la culture des hackers :

  • Ne jouez pas avec les données des autres.
  • Favorisez l’accès à l’information publique, protégez le droit à l’information privée.

Article intitalement publié par le blog miscellanees.net

Crédit Photo FlickR CC : CenzTelomi / Bixentro

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Napster, le pirate piraté http://owni.fr/2011/01/20/napster-le-pirate-pirate/ http://owni.fr/2011/01/20/napster-le-pirate-pirate/#comments Thu, 20 Jan 2011 16:46:03 +0000 Ellis Jones - Vice http://owni.fr/?p=42876 Napster 1.0 était un des meilleurs trucs qui soit arrivé à Internet. Ce n’était pas qu’un site de partage de fichiers sur lequel des préados allaient piquer des morceaux de Snoop Dogg. Ça ressemblait plus à un énorme souk où n’importe qui pouvait trouver n’importe quel genre de musique jamais créée. Dans les mois qui suivirent son lancement à l’été 1999, des millions d’utilisateurs autour du monde téléchargeaient des joyaux qu’on ne pouvait pas trouver ailleurs. Même les ethnomusicologues tapaient l’adresse du site pour trouver des enregistrements jusque-là disparus. Pour les fans et les chercheurs, Napster était le seul portail à proposer les sorties de labels légendaires comme Folkways et Melodiya. Et non seulement c’était accessible, mais en plus c’était super rapide.

Évidemment, les mecs des maisons de disques et les stars de la musique se chiaient dessus. Pour eux, Napster était le diable incarné parce qu’il leur faisait potentiellement perdre du fric. Ils ont utilisé cette peur et ont finalement été le catalyseur de la chute de Napster. Mais avant cette disparition, quelques individus et artistes partageaient un avis ambivalent sur la chose : certes, Napster encourageait le piratage, mais ça leur donnait l’occasion de s’asseoir et de débattre de l’avenir de l’industrie musicale, des nouvelles technologies et de la façon dont notre génération les appréhendait. Dix ans plus tard, bien après la tempête, on a retrouvé certains de ses instigateurs – John Fix, le responsable des fameux «œufs de coucou» sur Napster, et Tyler Stewart, le batteur des, hum, Barenaked Ladies.

Il y a dix ans, ton frère Michael et toi avez pondu les « œufs de coucou » – des téléchargements piégés – dans Napster. Il s’agissait de morceaux détournés auxquels vous donniez des titres de morceaux connus, et les gens les téléchargeaient sans le savoir. Vous êtes devenus un peu connus, CNN et le New York Times vous ont interviewés. Mais aucun de vous deux n’était artiste ou ne travaillait dans l’industrie musicale. Qu’est-ce qui vous a pris de saboter Napster ?

John Fix : Quand Napster est sorti, je l’ai téléchargé direct, mais mon frère était moins enthousiaste. Il était marié à une meuf, Stephanie, qui essayait de vivre de sa musique. Napster les emmerdait parce que les artistes n’étaient plus rétribués à travers la distribution de leurs chansons. Elle nous faisait : «Hé, je me lance enfin et l’industrie musicale s’effondre ?»

Tu partageais ces sentiments ? Le fait que Napster n’était pas qu’un simple site de partage de musique mais du piratage à une échelle mondiale ?

Bah… J’étais partagé. Pour moi, oui, il fallait trouver un moyen de rétribuer les artistes, mais la technologie progressait tellement vite à l’époque que j’ai vite compris qu’il allait falloir s’adapter. Un de mes problèmes avec Napster c’est qu’on pouvait trouver huit versions différentes d’un morceau et la qualité variait du tout au tout – certaines versions ne correspondaient même pas au bon morceau !

Les gens téléchargeaient tellement de fichiers d’un coup qu’ils ne prenaient même pas le temps de les écouter. Alors je me suis dit que ça pouvait être un bon moyen de refiler les morceaux que faisait Stephanie : en prenant une de ses chansons et en la renommant avec un titre qui pourrait avoir du succès sur Napster, genre « American Skin (41 Shots) » de Springsteen.

Mais sur votre site, vous disiez que vous faisiez de l’hacktivisme. Est-ce qu’il y avait pas une sorte de jubilation dans le fait de hacker un programme hyper répandu ?

C’est clair. J’étais allé au MIT pendant deux ans, alors je connaissais un peu. Et pour le hacking – dès lors qu’il s’agissait d’une blague débile et pas de piquer des cartes bleues – c’était super simple. Il ­suffisait de prendre une chanson, de la renommer comme tu voulais et c’est comme ça qu’elle apparaissait sur Napster.

Alors c’était quoi votre but ?

On n’avait rien de précis en tête. Je dirais qu’avant tout, ce qui me plaisait c’était le côté hacking, parce que c’était fun. Je crois que les motivations de Michael étaient beaucoup plus vastes. D’un côté, il voulait mettre fin à Napster, et de l’autre, il voulait promouvoir la musique de sa femme. Alors on est arrivés à un point où un tas de gens ont commencé à nous dire : «En fait vous vous en foutez de ­hacker Napster, ce qui vous intéresse c’est de faire la promo de Stephanie.» C’est là qu’on a commencé à prendre des morceaux connus en mettant du bruit au milieu, un son de coucou en boucle par exemple. Ça a tout changé. C’est à ce moment-là que le New York Times nous a contactés pour une interview. Avec tout ce qui se passait, on a compris qu’on avait besoin d’un site pour nous expliquer.

Votre site, il semble sortir tout droit de Matrix.

C’était un habillage par défaut et comme il avait l’air binaire, on l’a gardé.

Vous receviez des mails de haters ?

Bien sûr. On avait des mails de mecs qui étaient furieux et d’autres qui trouvaient ça amusant.

Vous précisez bien sur votre site que vous ne faisiez pas ça pour aider l’industrie musicale.

On essayait de trouver un moyen de filer de l’argent aux artistes, et les maisons de disques étaient ceux qui se goinfraient sur toute la marge.

Quelques années après nos histoires, un certain nombre de boîtes ont récupéré notre idée, en ont fait un modèle commercialisable et ont proposé leurs services aux maisons de disques. Ça nous a un peu fait tiquer.

Donc en créant ces œufs de coucou, vous avez involontairement aidé les maisons de disques. Ironie du sort, diront certains.

Eh ouais. Mais polluer les fichiers, ça ne fait que stimuler les hackers pour qu’ils créent de meilleurs programmes de partage. Mais aussi, en mettant autant d’argent dans la création de faux fichiers, les maisons de disques gaspillaient leur fric.

Vous en pensez quoi a posteriori ?

À l’époque on ne faisait que rajouter un peu de bruit dans le mix, et à un moment, on a lâché l’affaire. Mais je pourrais recommencer et cette fois je le ferais mieux. Je n’essayais pas tant de couler Napster que pointer du doigt ses défauts. En implantant ces œufs de coucou, j’espérais que les gens comprendraient que de temps en temps, bah, c’est pas mal de faire un tour dans les milliers de fichiers de ton disque dur. Et je pense que c’est le hacker en moi qui veut agir quand il réalise que l’utilisateur lambda ne comprend pas les conséquences de ce qu’il fait. Secundo, je pensais que faire ça permettrait aux gens d’en parler et de se demander : «Hé, mais l’artiste dans tout ça ?»

Jamais je ne comprendrais que quelqu’un se fasse arrêter ou même traîner devant la justice pour du partage de fichiers, mais j’ai toujours pensé qu’avec la création de Napster, on avait ouvert une boîte avariée.

La technologie allait si vite que je me suis dit que faire un peu de sabotage là-dedans ralentirait les choses, pousserait les gens à s’arrêter pour trouver une solution. Mais en fait ce n’était pas si difficile à réparer. Et maintenant, pour la première et dernière fois, Vice parle à un membre des Barenaked Ladies, qui ont l’air assez cool finalement.

Aux alentours de l’an 2000, ton groupe a sorti une série de téléchargements genre Trojan. Au lieu de choper ce qu’ils pensaient être votre dernier single en date, les gens téléchargeaient une pub pour Maroon, votre album à venir. Pourquoi ?

Tyler Stewart : En 2000 on avait signé avec une major, Reprise Records, et c’était leur idée. À l’époque on n’y connaissait pas grand-chose en partage peer-to-peer. Et franchement, on savait pas que ça allait être l’avenir de l’industrie musicale. Apparemment, les boîtes de disques non plus, et elles se sont fait choper au vol. À l’époque, en 2000 et fin des années 1990, c’était l’apogée de l’industrie musicale. Et on était en plein dedans. Après avoir fait des tournées pendant dix ans, on commençait à grossir. On a fini par y arriver, atteindre le ­million d’albums au moment où Napster a débarqué. Apparemment, le label a vu ça comme une menace.

Comme beaucoup d’artistes. Évidemment, Lars Ulrich de Metallica s’est fait le plus remarquer avec sa croisade contre Napster. Dr. Dre et d’autres ont suivi. Mais vous, vous n’essayiez pas nécessairement d’anéantir Napster ?

Non. Je crois qu’ils étaient furieux parce qu’ils n’avaient pas compris tous les enjeux. Les artistes ont plus de recul aujourd’hui, ils ont compris que les maisons de disques se battaient pour savoir qui vendrait le dernier CD. Elles se foutaient des artistes. Maintenant le CD est un format obsolète. Comment les majors ont fait pour ne pas le voir venir ? Ils doivent trouver un moyen de tirer de l’argent du peer-to-peer.

iTunes est un bon exemple de la manière dont ils ont géré la situation. Donc quand Reprise vous a proposé l’idée de faire des Trojan, ils vous ont donné l’opportunité de le faire vous-mêmes ?

Oui, on voulait que ce soit un gag. C’était une manière de rappeler gentiment «Hé ! C’est illégal !» sans avoir à passer par le tribunal, avec la tonne de paperasse que ça entraîne, comme l’a fait Lars.
Quand Napster a démarré, la plupart des utilisateurs ne réalisaient pas que c’était du vol. Les collectionneurs et les amoureux de la musique ouvraient Napster et d’un coup toute la musique devenait disponible de chez toi.
Plus besoin d’aller dans une boutique où un vendeur hautain te prend de haut. Tu y étais. Je crois que la beauté et la facilité d’accès d’un truc comme Napster, c’était ça la révélation.

T’avais peur de te mettre les fans à dos ? Est-ce que c’est pour ça que le groupe a approché la chose de manière aussi badine ?

On était un peu sceptiques à l’idée de le faire, alors le faire de ­manière humoristique c’était une manière de se rassurer. Si tu étais fan des Barenaked Ladies, surtout à cette époque, tu pouvais t’attendre à quelque chose d’humoristique, d’un peu décalé. Nos fans réagissaient plutôt bien à ce genre de trucs en fait. Tes fans achèteront tes trucs de toute manière, ou ils les trouveront d’une façon ou d’une autre. Je ne pense pas qu’on les ait pris à revers.

Rétrospectivement, vous auriez fait les choses différemment ?

Non. Pour nous, ça faisait partie de la machine promotionnelle. C’est comme jouer gratos dans une radio ou faire des interviews. Je pense qu’on n’avait pas conscience que ça faisait partie d’un gros tournant sociologique dans la manière dont les gens voient le business ou écoutent de la musique. Aujourd’hui, l’industrie du disque est moribonde et j’en ai vraiment rien à foutre. Les gens achèteront de la musique s’ils sont passionnés. Ils dépenseront de l’argent. Faut juste trouver un moyen de continuer à intéresser tes fans. Et je pense que faciliter l’accès comme ça a été le cas avec Napster, c’est un moyen d’y parvenir. La vérité, c’est que les labels se voilaient la face.

Ils flippaient trop pour l’accepter.

Bah, c’était eux qui avaient le plus à perdre. Et ils ont perdu. Je pense qu’on peut dire que la guerre est finie. Un des trucs bien c’est que ceux qui restent dans le business – le cœur de l’équipe d’un label et les jeunes qui sont passionnés – sont ceux qui ont des idées. Le business doit être plein de penseurs d’avant-garde, des genres de mecs qui bossent dans des boutiques et qui arrivent à survivre avec plein d’idées innovantes et de nouvelles approches parce que les méthodes de papa sont has been. Pendant des années, les artistes ont souffert de se faire mettre par les labels.

Alors Napster, c’est un peu le «nique-toi» de cette génération à ­l’industrie musicale.

Que les artistes l’aient compris ou pas à l’époque, ça a été un truc bénéfique. Je comprends que certains l’aient perçu comme une ­menace. Mais, au final, ça a détruit l’intégralité d’un système qui avait exploité la majorité des artistes. Faut le voir comme ça. Il faut trouver de nouvelles manières de faire, et il y aura de nouvelles manières de faire. C’est comme ça que je le vois. Et les mecs qui ont lancé Napster, et les geeks qui ont inventé le peer-to-peer, ce sont eux le futur. C’est à nous de trouver, en tant qu’artistes, de nouvelles façons de l’utiliser à notre avantage sans chercher à le détruire.

Article initialement publié sur Viceland et repris sur OwniMusic

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Crédits photo: Flickr CC johntrainor, pasa47, bixentro, slick_monkey

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Quand Napster se faisait hacker http://owni.fr/2011/01/04/quand-napster-se-faisait-hacker/ http://owni.fr/2011/01/04/quand-napster-se-faisait-hacker/#comments Tue, 04 Jan 2011 15:21:36 +0000 Ellis Jones - Vice http://owni.fr/?p=29258 John Fix et Taylor Stewart, deux personnages qui ont fait parler d’eux lors de la période Napster ont été interviewés par Ellis Jones. L’un et l’autre se sont fait connaître pour des utilisations différentes du service. Cette plateforme est mise en ligne en 1999 et “à l’époque”, cela a fait un drôle d’effet. Nous avons le plaisir de  reproduire ces témoignages initialement publié dans le magazine Vice.

Napster 1.0 était un des meilleurs trucs qui soit arrivé à Internet. Ce n’était pas qu’un site de partage de fichiers sur lequel des préados allaient piquer des morceaux de Snoop Dogg. Ça ressemblait plus à un énorme souk où n’importe qui pouvait trouver n’importe quel genre de musique jamais créée. Dans les mois qui suivirent son lancement à l’été 1999, des millions d’utilisateurs autour du monde téléchargeaient des joyaux qu’on ne pouvait pas trouver ailleurs. Même les ethnomusicologues tapaient l’adresse du site pour trouver des enregistrements jusque-là disparus. Pour les fans et les chercheurs, Napster était le seul portail à proposer les sorties de labels légendaires comme Folkways et Melodiya. Et non seulement c’était accessible, mais en plus c’était super rapide.

Évidemment, les mecs des maisons de disques et les stars de la musique se chiaient dessus. Pour eux, Napster était le diable incarné parce qu’il leur faisait potentiellement perdre du fric. Ils ont utilisé cette peur et ont finalement été le catalyseur de la chute de Napster. Mais avant cette disparition, quelques individus et artistes partageaient un avis ambivalent sur la chose : certes, Napster encourageait le piratage, mais ça leur donnait l’occasion de s’asseoir et de débattre de l’avenir de l’industrie musicale, des nouvelles technologies et de la façon dont notre génération les appréhendait. Dix ans plus tard, bien après la tempête, on a retrouvé certains de ses instigateurs – John Fix, le responsable des fameux «œufs de coucou » sur Napster, et Tyler Stewart, le batteur des, hum, Barenaked Ladies.

Il y a dix ans, ton frère Michael et toi avez pondu les « œufs de coucou » – des téléchargements piégés – dans Napster. Il s’agissait de morceaux détournés auxquels vous donniez des titres de morceaux connus, et les gens les téléchargeaient sans le savoir. Vous êtes devenus un peu connus, CNN et le New York Times vous ont interviewés. Mais aucun de vous deux n’était artiste ou ne travaillait dans l’industrie musicale. Qu’est-ce qui vous a pris de saboter Napster ?

John Fix : Quand Napster est sorti, je l’ai téléchargé direct, mais mon frère était moins enthousiaste. Il était marié à une meuf, Stephanie, qui essayait de vivre de sa musique. Napster les emmerdait parce que les artistes n’étaient plus rétribués à travers la distribution de leurs chansons. Elle nous faisait : « Hé, je me lance enfin et l’industrie musicale s’effondre ? »

Tu partageais ces sentiments ? Le fait que Napster n’était pas qu’un simple site de partage de musique mais du piratage à une échelle mondiale ?

Bah… J’étais partagé. Pour moi, oui, il fallait trouver un moyen de rétribuer les artistes, mais la technologie progressait tellement vite à l’époque que j’ai vite compris qu’il allait falloir s’adapter. Un de mes problèmes avec Napster c’est qu’on pouvait trouver huit versions différentes d’un morceau et la qualité variait du tout au tout – certaines versions ne correspondaient même pas au bon morceau !

Les gens téléchargeaient tellement de fichiers d’un coup qu’ils ne prenaient même pas le temps de les écouter. Alors je me suis dit que ça pouvait être un bon moyen de refiler les morceaux que faisait Stephanie : en prenant une de ses chansons et en la renommant avec un titre qui pourrait avoir du succès sur Napster, genre « American Skin (41 Shots) » de Springsteen.

Mais sur votre site, vous disiez que vous faisiez de l’hacktivisme. Est-ce qu’il y avait pas une sorte de jubilation dans le fait de hacker un programme hyper répandu ?

C’est clair. J’étais allé au MIT pendant deux ans, alors je connaissais un peu. Et pour le hacking – dès lors qu’il s’agissait d’une blague débile et pas de piquer des cartes bleues – c’était super simple. Il ­suffisait de prendre une chanson, de la renommer comme tu voulais et c’est comme ça qu’elle apparaissait sur Napster.

Alors c’était quoi votre but ?

On n’avait rien de précis en tête. Je dirais qu’avant tout, ce qui me plaisait c’était le côté hacking, parce que c’était fun. Je crois que les motivations de Michael étaient beaucoup plus vastes. D’un côté, il voulait mettre fin à Napster, et de l’autre, il voulait promouvoir la musique de sa femme. Alors on est arrivés à un point où un tas de gens ont commencé à nous dire : « En fait vous vous en foutez de ­hacker Napster, ce qui vous intéresse c’est de faire la promo de Stephanie. » C’est là qu’on a commencé à prendre des morceaux connus en mettant du bruit au milieu, un son de coucou en boucle par exemple. Ça a tout changé. C’est à ce moment-là que le New York Times nous a contactés pour une interview. Avec tout ce qui se passait, on a compris qu’on avait besoin d’un site pour nous expliquer.

Votre site, il semble sortir tout droit de Matrix.

C’était un habillage par défaut et comme il avait l’air binaire, on l’a gardé.

Vous receviez des mails de haters ?

Bien sûr. On avait des mails de mecs qui étaient furieux et d’autres qui trouvaient ça amusant.

Vous précisez bien sur votre site que vous ne faisiez pas ça pour aider l’industrie musicale.

On essayait de trouver un moyen de filer de l’argent aux artistes, et les maisons de disques étaient ceux qui se goinfraient sur toute la marge.

Quelques années après nos histoires, un certain nombre de boîtes ont récupéré notre idée, en ont fait un modèle commercialisable et ont proposé leurs services aux maisons de disques. Ça nous a un peu fait tiquer.

Donc en créant ces œufs de coucou, vous avez involontairement aidé les maisons de disques. Ironie du sort, diront certains.

Eh ouais. Mais polluer les fichiers, ça ne fait que stimuler les hackers pour qu’ils créent de meilleurs programmes de partage. Mais aussi, en mettant autant d’argent dans la création de faux fichiers, les maisons de disques gaspillaient leur fric.

Vous en pensez quoi a posteriori ?

À l’époque on ne faisait que rajouter un peu de bruit dans le mix, et à un moment, on a lâché l’affaire. Mais je pourrais recommencer et cette fois je le ferais mieux. Je n’essayais pas tant de couler Napster que pointer du doigt ses défauts. En implantant ces œufs de coucou, j’espérais que les gens comprendraient que de temps en temps, bah, c’est pas mal de faire un tour dans les milliers de fichiers de ton disque dur. Et je pense que c’est le hacker en moi qui veut agir quand il réalise que l’utilisateur lambda ne comprend pas les conséquences de ce qu’il fait. Secundo, je pensais que faire ça permettrait aux gens d’en parler et de se demander : « Hé, mais l’artiste dans tout ça ? »

Jamais je ne comprendrais que quelqu’un se fasse arrêter ou même traîner devant la justice pour du partage de fichiers, mais j’ai toujours pensé qu’avec la création de Napster, on avait ouvert une boîte avariée.

La technologie allait si vite que je me suis dit que faire un peu de sabotage là-dedans ralentirait les choses, pousserait les gens à s’arrêter pour trouver une solution. Mais en fait ce n’était pas si difficile à réparer. Et maintenant, pour la première et dernière fois, Vice parle à un membre des Barenaked Ladies, qui ont l’air assez cool finalement.

Aux alentours de l’an 2000, ton groupe a sorti une série de téléchargements genre Trojan. Au lieu de choper ce qu’ils pensaient être votre dernier single en date, les gens téléchargeaient une pub pour Maroon, votre album à venir. Pourquoi ?

Tyler Stewart : En 2000 on avait signé avec une major, Reprise Records, et c’était leur idée. À l’époque on n’y connaissait pas grand-chose en partage peer-to-peer. Et franchement, on savait pas que ça allait être l’avenir de l’industrie musicale. Apparemment, les boîtes de disques non plus, et elles se sont fait choper au vol. À l’époque, en 2000 et fin des années 1990, c’était l’apogée de l’industrie musicale. Et on était en plein dedans. Après avoir fait des tournées pendant dix ans, on commençait à grossir. On a fini par y arriver, atteindre le ­million d’albums au moment où Napster a débarqué. Apparemment, le label a vu ça comme une menace.

Comme beaucoup d’artistes. Évidemment, Lars Ulrich de Metallica s’est fait le plus remarquer avec sa croisade contre Napster. Dr. Dre et d’autres ont suivi. Mais vous, vous n’essayiez pas nécessairement d’anéantir Napster ?

Non. Je crois qu’ils étaient furieux parce qu’ils n’avaient pas compris tous les enjeux. Les artistes ont plus de recul aujourd’hui, ils ont compris que les maisons de disques se battaient pour savoir qui vendrait le dernier CD. Elles se foutaient des artistes. Maintenant le CD est un format obsolète. Comment les majors ont fait pour ne pas le voir venir ? Ils doivent trouver un moyen de tirer de l’argent du peer-to-peer.

iTunes est un bon exemple de la manière dont ils ont géré la situation. Donc quand Reprise vous a proposé l’idée de faire des Trojan, ils vous ont donné l’opportunité de le faire vous-mêmes ?

Oui, on voulait que ce soit un gag. C’était une manière de rappeler gentiment « Hé ! C’est illégal ! » sans avoir à passer par le tribunal, avec la tonne de paperasse que ça entraîne, comme l’a fait Lars.

Quand Napster a démarré, la plupart des utilisateurs ne réalisaient pas que c’était du vol. Les collectionneurs et les amoureux de la musique ouvraient Napster et d’un coup toute la musique devenait disponible de chez toi.

Plus besoin d’aller dans une boutique où un vendeur hautain te prend de haut. Tu y étais. Je crois que la beauté et la facilité d’accès d’un truc comme Napster, c’était ça la révélation.

T’avais peur de te mettre les fans à dos ? Est-ce que c’est pour ça que le groupe a approché la chose de manière aussi badine ?

On était un peu sceptiques à l’idée de le faire, alors le faire de ­manière humoristique c’était une manière de se rassurer. Si tu étais fan des Barenaked Ladies, surtout à cette époque, tu pouvais t’attendre à quelque chose d’humoristique, d’un peu décalé. Nos fans réagissaient plutôt bien à ce genre de trucs en fait. Tes fans achèteront tes trucs de toute manière, ou ils les trouveront d’une façon ou d’une autre. Je ne pense pas qu’on les ait pris à revers.

Rétrospectivement, vous auriez fait les choses différemment ?

Non. Pour nous, ça faisait partie de la machine promotionnelle. C’est comme jouer gratos dans une radio ou faire des interviews. Je pense qu’on n’avait pas conscience que ça faisait partie d’un gros tournant sociologique dans la manière dont les gens voient le business ou écoutent de la musique. Aujourd’hui, l’industrie du disque est moribonde et j’en ai vraiment rien à foutre. Les gens achèteront de la musique s’ils sont passionnés. Ils dépenseront de l’argent. Faut juste trouver un moyen de continuer à intéresser tes fans. Et je pense que faciliter l’accès comme ça a été le cas avec Napster, c’est un moyen d’y parvenir. La vérité, c’est que les labels se voilaient la face.

Ils flippaient trop pour l’accepter.

Bah, c’était eux qui avaient le plus à perdre. Et ils ont perdu. Je pense qu’on peut dire que la guerre est finie. Un des trucs bien c’est que ceux qui restent dans le business – le cœur de l’équipe d’un label et les jeunes qui sont passionnés – sont ceux qui ont des idées. Le business doit être plein de penseurs d’avant-garde, des genres de mecs qui bossent dans des boutiques et qui arrivent à survivre avec plein d’idées innovantes et de nouvelles approches parce que les méthodes de papa sont has been. Pendant des années, les artistes ont souffert de se faire mettre par les labels.

Alors Napster, c’est un peu le « nique-toi » de cette génération à ­l’industrie musicale.

Que les artistes l’aient compris ou pas à l’époque, ça a été un truc bénéfique. Je comprends que certains l’aient perçu comme une ­menace. Mais, au final, ça a détruit l’intégralité d’un système qui avait exploité la majorité des artistes. Faut le voir comme ça. Il faut trouver de nouvelles manières de faire, et il y aura de nouvelles manières de faire. C’est comme ça que je le vois. Et les mecs qui ont lancé Napster, et les geeks qui ont inventé le peer-to-peer, ce sont eux le futur. C’est à nous de trouver, en tant qu’artistes, de nouvelles façons de l’utiliser à notre avantage sans chercher à le détruire.

Article initialement publié sur: viceland

Crédit photos CC flickr: keso; Bethany L King; freefotouk

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Mrs Good – Moonlight http://owni.fr/2010/12/07/mrs-good-moonlight/ http://owni.fr/2010/12/07/mrs-good-moonlight/#comments Tue, 07 Dec 2010 09:30:43 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=28673 Il y a dans la musique de Mrs Good une nostalgie assumée qui lorgne du côté des 60’s-70’s: un travail sur les harmonies vocales dont on a pas l’habitude en France, des moustaches et des chevelures déconcertantes, des mélodies ciselées et des morceaux construits avec l’amour de l’artisan qui aime le travail bien fait.

Car les quatre garçons qui servent Mme Good sont d’abord et avant tout musiciens, et même multi-instrumentistes.  C’est d’ailleurs par ce biais qu’ils se sont rencontrés: en école de musique. Trois d’entre eux (Arthur, Stéphane et Sacha) commencent à composer leurs morceaux à l’ancienne: guitare-voix. Edward (batterie) les rejoint par la suite, histoire de donner du corps à l’ensemble. Chacun compose de temps en temps, les autres apportant leur pierre à l’édifice qui grandit ainsi au fur et à mesure.

La bande de quatre garçons construit depuis un an et demi son univers avec soin, en architectes patients. C’est une histoire qui commence par des soirées avec des guitares qui traînent et continue là où on les a rencontré: un studio au Centre Barbara Fleury Goutte-d’Or.

Pas d’objectifs précis ni de plan de carrière: priorité à la musique, et advienne que pourra. Pour l’instant, “on y pense mais on sait pas encore. Tant que les propositions sont pas là c’est difficile de savoir si tu dis oui ou non. On envisage l’autoproduction, les choses comme ça. Visiblement, beaucoup de gens, fonctionnent de façon un peu hybride: ils ont leur structure et un distributeur extérieur. Nous on sait pas trop”.

Pourtant, ils ont déjà une BO de film “La lisère” (qui sort bientôt) à leur actif, expérience qui leur a permis de travailler dans une dynamique différente de celle dont ils ont l’habitude. “Le plan de rêve, celui dont on te dit qu’il arrivera jamais…”

Internet, “il faut faire avec”

Sur les sujets sur lesquels on peut être un peu monomaniaques par chez nous (Internet, l’industrie tout ça) les membres de Mrs Good n’ont pas d’avis tranché. Si on évoque le cas Arctic Monkeys et les possibilités offertes par Facebook ou MySpace, Encore une fois, c’est une douce nostalgie qui s’exprime chez ses amoureux de musique.

Si ils ont fait leur culture musicale avec Napster, ils considèrent que “à l’époque, même le temps du téléchargement faisait que quand l’album arrivait, il y avait quand même une petite valeur. Tu avais un petit pincement au cœur quand avec ton modem pérave tu voyais arriver le Black Album de Metallica. Aujourd’hui, tu télécharges une discographie complète en 40 minutes. Alors effectivement, c’est un outil génial: mon petit frère et ses potes ont une culture musicale gigantesque pour des gens de 16 ans”.

Le constat est ensuite fait que les maisons de disques ne développent plus les artistes. Internet est un “passage obligé”, mais il y a parfois comme un sentiment de dépossession :

Quand tu as vécu le processus de l’enregistrement de l’autre côté, tu vois la valeur que ça a, même un 4 titres. C’est vrai que tu y mets du temps, de l’argent aussi. Alors c’est paradoxal parce que nous on consomme, on va télécharger, mais quand c’est à notre tour de livrer notre musique, d’un coup, c’est plus compliqué. Et même artistiquement, il y a une vulgarisation de l’écoute.

Pourtant, quand j’évoque Hadopi, la réponse est claire: “C’est beaucoup trop tard. C’est fait maintenant, il faut faire avec: on va pas presser que des vinyles et les vendre dans des boutiques avec des chemises de bûcherons”.

Au moment de sortir un 4 titres, ils assument être “au moment où on essaye de perdre le moins d’argent possible avec notre musique”. Difficile, puisque l’exigence dont ils font preuve les pousse à enregistrer dans de bonnes conditions, en évitant le plus possible le home studio.

Après avoir évoqué Crosby Still Nash & Young, les Beatles, Gush ou encore Metallica, on sent que les inspirations du quatuor sont ancrées dans le temps: “Je dis pas que dans les années 1970 on aurait joué à Woodstock”.  Peut-être, si, et c’est même ça qui fait de MrsGood un groupe hors du temps, des trends et autres modes passagères…

Mon intime conviction, c’est que l’essentiel, c’est la musique. C’est tout.

Mrs Good organise sa Release Party au Bus Palladium (Paris) le 17 décembre

Mrs Good sur le web :

http://mrs-good.com

www.myspace.com/mrsgoodparis

Crédits photo : Raphael Desveaux

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An open letter to record companies even if they didn’t ask for anything http://owni.fr/2010/03/06/an-open-letter-to-record-companies-even-if-they-didnt-ask-for-anything/ http://owni.fr/2010/03/06/an-open-letter-to-record-companies-even-if-they-didnt-ask-for-anything/#comments Sat, 06 Mar 2010 15:38:14 +0000 Virginie Berger http://owni.fr/?p=9533 4191077911_2fc0e1e0cb

Virginie Berger (@virberg) former marketing director of Myspace, is analyzing the reasons why record companies failed to embrace the digital era. But she doesn’t only criticize and gives some pragmatical advices to her pairs. This open letter has already been published in French, on Virginie’s blog “Don’t believe the hype”. The author adapted the text and Owni translated it in order to share it worldwide.

An open letter to record companies even if they didn’t ask for anything or chronicle of a death foretold

It was ten years ago, in France. I had a job interview with the CEO af a record company. The job I was applying for was head of the interactive marketing (yes, at that time, marketing was interactive). When we brought up the Napster issue, I told him that Napster should be use as a promotion(al) tool and that artists could get closer to their fans thanks to (by using/through?) it. I was young and naive. What haven’t I said ! I wasn’t that far from the “Vade retro satanas!”. Despite the  fact that I totally screwed up my job interview, my interlocutor told me that “we don’t care about the audience”, that “only the protection of copyrights matters” and that “the CD is and will be the one and only music format”. And that was it.

Ten years after, nothing changed here... When I talk to the same people (yes, those people who told us that they killed piracy by closing Naspter ten years ago are still running the business), we still have the same conversations…

Between “I don’t see what mistakes we did since 10 years” and “You know Virginie, online marketing is useless to promote music” (those two quotes are true and were said by the CEO of a record company in 2009). We are not yet in the post-Napster era…

I don’t want to sound like an industry veteran, but it’s been a while that I’m hanging around in the music business. In 1997, I was finishing my business studies in the US and was discovering MP3.com. I was on Napster in 2000. Then I worked for television channels in the radio broadcast industry and online, always with a position that has to do with music. I was always in touch with the record industry.

For ten years I’ve been observing (and participating to) all the attempts to save music : the Napster to Go, online media players launched by major labels (highly secured, with no common catalogues and no interoperability), 360 deals, Comes with Music, Starbucks Music, MySpace, Spotify…

None of these attempts appeared to be the future of music. And Spotify won’t be. I remember talking about it with the head of strategy of a record company. He told me that he wanted to work exlusively with Spotify because that was, according to him “the future of music”. I answered “for you, the futur is free listening based on advertisement revenue?”

We can only be sure of one thing: that Spotify isn’t alone the future of music. Maybe because there is no future of music. And how can we even think that a single private company can save a whole industry… Anyway, there is not future for the current music industry. Not in the way it is currently evolving. And by the way, what is the music industry ? Hundreds of doers divided in different sectors, functions, styles…

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What killed the music industry ? Arrogance. The arrogance of believeving that one does not need to understand, or to change…

I want to tell all my friends in record companies that they need to understand right know that we are no more in the business of selling CD’s. We are in the business of creating value around music. Once you understand this change, I assure you that the rest will come much more easily.

You spent millions of euros in inadequate strategies or lobbying and your practices are now outdated. Not to mention the waste of time. It is now time for you to care about what is happening. And to fit in. It’s not how it should have been, or how you want it to be or even how it should be… It’s just this : to adapt or to die.

Allow me to share some thoughts that are going through my head for a long time now. I’m not aiming at teaching you lessons. It’s neither my role, nor my job. It is only reflections, carefully tought through by somebody who is absolutely piqued at the way things are evolving.

Know your environment

I’m extremely surprised by the space given to digital in record companies in France. We have project managers and digital project managers. Promotion and online promotions. Sales and digital sales. It is as if digital was a minor media which has to be treated differently and most of all kept away from the teams… It is surprising. Digital is a component of mix marketing, and a way to distribute. It has to be integrated, from strategic reflection to operational. There is no such thing as TV project managers or radio project managers, so why digital project managers ? Digit is transverse by nature and serve as a support for creating sales. It stars a promotion and support sales. So integrate it, for real…

Get your teams ready

The NY Times recently asked its teams to seriously embrace digital or to leave… Do the same. How can you really comprehend and assimilate the market if you don’t understand, if you don’t try to anticipate its evolutions, if you don’t integrate theories and case studies. When I speak about Connect with Fans and Reason to Buy, fans segmentation, freemium, access to music, datamining, Bandcamp or TopSpin, people look at me in a weird way. That is to say that these different well known, recognized and tested concepts,on which modern music marketing is based, are unexplored by the very people who have to implement them.  Most of the time, I’m told about NRJ playlist (first french music radio) and ways to get your artist broadcasted in Le Grand Journal (a french tv show). That is the marketing strategy of record companies in France. Without any prior strategic reflection.

It is true that the example hast to be set at the top. And when people at the top are proud of understanding nothing to digital, of not using it, of spitting on Facebook and Twitter (this is a metaphore), of saying that “anyway, we don’t need it, it’s useless”, the situation is very problematic.

Assume what you are : mongers

You sell music, you earn money with music, you then are mongers. It’s not pejorative, it’s just reality. It is sales and marketing. We set up a value to a product and we sell it. I will not enter in the artistic sphere : it has a magical and handcrafted aspect. But then, when you decide to sell an artist, sell him truly and take no chances. It’s not because we work in the music business, because we’re cool and wear sneakers and are familiar with cheek-kiss that this business is not serious.

For example, work on your marketing like it is marketing, and not only promotion. Work on your marketing like Microsoft, Apple or Unilever.

Marketing is not evil, it is not dirty, it doesn’t mingle with the artistic side but it helps you to sell it. Isn’t it the goal of it all ?

To sum up : define and know your consumers, set up some objectives, plan out your offer to fulfil those objectives, integrate the fans in the sales cycle, collect and monitor data and results and then improve. Marketing, I told you !

Invest in R&D : focus on technology

Understand that mobility and data are the future. Think about new advertising patterns. Develop applications, don’t be afraid of embedding Facebook connect everywhere or even Google connect. Don’t follow EMI, use the embed players (60% of Youtube traffic). Use the SoundCloud player: it grants you access to top quality analytics. Let your consumers do some of your marketing.

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Data is the new gold

You have to understand that you can make money around musical content, not necessarily just on music. Set up innovative business models based on monitoring behavioral data and personnalised brand content. Check what TopSpin is doing. Their use and monitoring of data is really impressing but especially concrete. And sales follow !

Understand that the future of music is mobility, discovery and social

That’s it : share the music licence fees instant of simply selling copies. Invent knew revenue streams and systems that involve all the network : from operators to online distributors.

Again, think about access to music and freemium

You want to do free streaming? Then think about a way to convince users to pay. You have to give them a reason to buy.

How? By  putting back the artist at the center of it all. Offer high def versions, merchandising, specific premiums, gigs, digital compilations, specific playlists.

There is a huge opportunity in discovering new talents : seaze it ! Look at what Bandcamp do, they start to take the lead in this field. Integrate bloggers.

For most of people, record companies are evil

They can take the shape of Pascal Nègre (CEO Universal Music France), Pascal Obispo, Popstars or Zazie. Pirates believe that what they are doing is for the common good. They pirate an industry that don’t hesitate to display big salaries, to throw disposable music to our faces or to compare pirates with nazis. Artistic considerations are not taken into account. For most of them, the industry they are pirating an industry that made the most of it for a long time by making money exploiting the consumers. For the general public, you are responsible for everyting.

So stop making your consumers angry and engage with them. Now ! Engage the conversation, create a blog, be transparent. Transperency = confidence. For users and for artists. Your biggest problem is not piracy but darkness. Engagement creates attention which creates monetization.

Aside from engagement, the key to success is differentiation. We now have the tools that allow us to create customized business models for each artist, label, audience, service. The unique business model is gone. So why don’t you do it ?

Technology isn’t magic, it won’t solve a business problem. Think about the digital environment as a lego.

Compete against free, precisely because what you offer isn’t free. For most people, it is free to copy a CD, to upload music to a USB key.  But the connection with the artist, the experience around music and value-added formats like videos, unplugged recordings, merchandising, unreleased tracks, lyrics, pictures, concerts -context, to say it briefly- isn’t free.

We have to stop being obsessed with making money out of every copy, instead of providing global access to music with a context that will give reasons to buy.

Adapt yourself : avoid asking huge and unadapted guaranteed minimums, stop refusing to grant access to catalogues with no particular reason (without the absolute control of the market), stop tracking down your consumers, being tough-minded on prices, refusing all technological standards, setting up copyright policies beyond understanding, destroying private life protection… Nobody will follow you. Unless it is your strategy.

Don’t be tempted by secured format. If few years ago you didn’t try to impose DRM, you wouldn’t have created the Itunes monster.

And give some space to other talents : innovation often comes from outside.

To sum up, don’t wait to be saved, save yourself !

> Translated by Guillaume Ledit, for Owni

> Illustrations by chiarashine, by PACMan3000, par Beverly & Pack

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Rêve de Geek, théorie du complot ou réalité : choisir tu devras http://owni.fr/2010/03/02/reve-de-geek-theorie-du-complot-ou-realite-choisir-tu-devras/ http://owni.fr/2010/03/02/reve-de-geek-theorie-du-complot-ou-realite-choisir-tu-devras/#comments Tue, 02 Mar 2010 17:10:22 +0000 Emgenius http://owni.fr/?p=9307

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Subtilement, comme un frémissement de la force seulement perceptible de Maître Yoda, la République de France et son corollaire planétaire, basculent vers un empire numérique d’Après. J’ai commencé à m’en rendre compte à l’époque du vote d’Hadopi, au nom de la sacro-sainte liberté des ayants droit à sauver leur business malmené par le téléchargement. J’attends donc que la rébellion guidée par ce jeune puceau brushingué pilote de X-wing vienne foutre le bordel. Mais j’ai un doute.

Palpe A Tignes

Ça a commencé par une petite loi, répercutée en Suède ou au Royaume-Uni, qui n’a pas ému grand monde. Après tout, que les gamins se remettent à consommer légalement la daube packagée par Pascalou et ses amis n’est pas un sujet de prime importance dans un monde soumis au diktat des crises économiques et écologiques. Sauf que. Sauf que personne ne s’est réellement indigné, dans l’opposition ni l’opinion publique qu’une industrie culturelle s’interdise, et fasse interdire le mouvement vers le renouveau et rende pirate toute réflexion autour d’une alter-consommation.

Un peu comme si la filière charbon au milieu du xxe siècle s’était mise à imposer un produit salissant et économiquement non neutre contre la technologie électrique, mélangeant un discours réel de danger nucléaire et de faux arguments concernant la difficulté à produire ensuite des calorifères efficaces. Obligeant le monde entier à se salir les doigts, descendre à la cave avec le seau à charbon pour nourrir le poêle alors que tout un chacun pourrait produire son énergie éolienne. Ceci au prétexte que les constructeurs d’éoliennes ne se préoccuperaient que très peu des artistes et de leur possibilité de se nourrir. Il faut bien manger qu’ils disent. Moi je réponds que d’habitude, quand on va produire une Renault en Turquie ou qu’on ferme une aciérie de Lorraine, on s’en occupe assez peu de la perte d’emploi et de la galette de riz qu’on mange.

Ainsi, une industrie a réussi a faire légiférer contre le plaisir de la population, sur des principes liés à la consommation de fichiers numériques ou de rondelle irisée. Que nombre de groupes contemporains se soient créés en accédant au vivier Napster, que plein de gens puissent avoir accès à une forme de culture musicale ou cinématographique, que les mêmes industries culturelles Warner, Sony… vivent déjà en partie des reports financiers de la population du disque et du DVD vers l’informatique, les concerts devenus hors de prix ou les jeux pour consoles nouvelle génération… Tout cela importe peu.

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Plutôt que de réfléchir à un autre business possible (les revenus numériques d’Universal ont progressé en 2009… qui en a parlé ?), plutôt que de promouvoir une autre forme d’économie mélangeant stream, concert et merchandising (cf. ma réflexion ici), ils ont préféré refermer la porte du pied comme pour éviter le courant d’air.

Ça a commencé comme ça, dans ma réflexion de Padawan. Une législation liberticide a interdit la remise en question. La crainte de licenciement, l’image de l’artiste sonnant à la porte de Mécène pour quémander son panier d’artiste a eu raison de la réflexion globale, innovante, différenciée.

Et puis vint l’empereur Dark Sidious

Puis il y eut les pédophiles, les jeux vidéos violents et les petits n’enfants qui risquent de tomber sur les bites de Chatroulette, les vilains mafiosos aussi qui polluent la planète et droguent les fils de bonne famille… Loin de moi l’idée de cautionner pédophilie ou mafia. Loin de moi l’idée de tenir un discours tout rose quant à internet. Mais de la crainte naquit le vote de Loppsi.

Je n’ai pas envie que ma progéniture se fasse alpaguer par un pédophile sur MSN. Je n’ai pas envie qu’un guignol squatte ma page Facebook ou se mette à vendre du Viagra via mon blog (il l’a déjà fait le bougre). Pourtant je m’insurge contre le relatif manque d’implication de la population contre Loppsi. Ces mêmes gens qui s’insurgent contre les teubs sur Chatroulette et qui n’ont aucun scrupule à laisser des bouts de chou de moins de trois ans à de parfaits inconnus ou presque, appelés nounous agréées. Ces mêmes gens qui regardent nos chaînes nationales et ne détournent pas les chastes yeux du JT où pleuvent les cadavres, ou des teasers de CSI plein de macchabées. Ces mêmes gens qui oublient que l’usurpation d’identité est déjà un délit pénal, que la pédophilie est déjà condamnée et qu’on peut aussi élever sa progéniture, à partir d’un certain âge, une fois qu’on a décidé ensemble de désactiver le logiciel de contrôle parental. Prendre le temps d’apprendre ce qu’est une e-réputation et quels sont les mécanismes des connards cachés derrière le web.

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Ils ont voté Loppsi dans une indifférence quasi généralisée. Parce que Facebook c’est le mal et ça s’attaque à tes données privées. Parce que Google stocke tes données personnelles pour t’envoyer des pubs ciblées. Mais ils se moquent pas mal de savoir qu’il faudrait un « pas grand-chose » pour que les infos de la carte vitale soient reliées à un assureur ou qu’on utilise Navigo et puce de GSM pour savoir précisément où on se trouve. Pour un but largement moins coton que me fourguer des publicités liées aux services mobiles. Ils ont oublié que Facebook ne se nourrit que de ce qu’on lui donne et que c’est avant tout d’éducation aux nouveaux médias et à l’identité numérique dont les ados ont besoin, plutôt que d’interdiction au sens rétro du terme.

Parce qu’une loi et une interdiction c’est un écrit à double tranchant. Parce que si tu donnes une loi à un homme ,il sera protégé un jour, si tu l’éduques, il sera protégé toute sa vie…

Pendant ce temps, de l’autre côté des Alpes, Berlusconi usant des mêmes types d’armes a décidé de faire taire les webtv qui gênent un peu trop le discours lissé à grand frais de communication télévisuelle. Ils ont voté Loppsi et il n’y a plus qu’à espérer que jamais un gars comme Pétain (notez je ne dis pas Hitler pour ne pas atteindre le point Godwin) ne revienne en France et ne décide de valoriser le travail, la famille, la patrie ; quitte à éradiquer au nom de la morale, les activistes du web qui oseraient nuire à l’ordre public en instillant des idées perverties dans les jeunes cerveaux.

« #Merilest fou » es-tu en train de penser. Oui sans doute un peu. Heureusement que la France ne se met pas à repenser des discours d’identité nationale ou que l’Hexagone ne se mette pas à fustiger une partie de la population pour des notions de religion ou de port de casquette de travers… hein. Heureusement dites. Ok « #merjesuisfou » quand même.

L’Empire galactique marque le retour du règne Sith sur la galaxie, après celui de la démocratie sous la protection du Conseil Jedi. L’Empire est une formidable machine de guerre, associant un grand nombre de vaisseaux et une technologie importante. De nombreuses découvertes sont faites. Cependant, il y a quand même un point noir sur le plan social ; l’Empire galactique a régressé par rapport à la République. En effet, c’est un empire xénophobe, qui privilégie les humains aux autres espèces de l’Univers. Les infractions à la loi sont rapidement suivies d’exécutions ou de sanctions très importantes. Son armée est composée de non-clones entraînés dans des mondes comme Carida.

Une paix impériale, voire royale

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Ils ont voté Loppsi. Puis on a annoncé l’iPad. Un gros iPhone en somme. Apple a annoncé l’iPad et les médias se sont engouffrés dans la brèche. Parce que quand même c’est hype un Steve Jobs. C’est un truc végétarien qui fourmille de bonnes idées, même après être revenu de chirurgie. Ils n’ont pas tout à fait tort les journalistes. Mais surtout ils se remettent à rêver. Enfin pas forcément le pigiste chargé de l’analyse technique de l’engin, non non. Son chef, et le chef de son chef. Et l’actionnaire qui investit depuis des années des ronds dans un truc qu’il a du mal à rentabiliser. Et son collègue du gouvernement qui subventionne chaque année un truc qui dit parfois du mal et ne rapporte pas toujours.

Apple a annoncé l’iPad et la presse s’est mise à rêver pour elle-même des modèles économiques de l’App Store. On pourra revendre des pages web comme on vendait jadis des journaux. On va pouvoir faire de l’Internet payant, ajouter de la valeur à nos rédactions, à tous ces fainéants qui composent nos rédactions. On va les appeler journalistes globaux. On les payera au papier et ce papier on le poussera sur tous les médias payants. One fits for all. Qu’importe si l’info qu’on relaie est strictement la même que celle du voisin branché lui aussi sur l’AFP, qu’importe si, de fait ,de journal d’opinion on est surtout devenu une entreprise avec un comptable et des comptes de résultats, des familles et des bouches à nourrir. L’App Store appliqué à la presse serait la panacée. Le Graal. Comme les copains des maisons de disques, on n’aura pas à se poser la question de notre valeur ajoutée, de notre mode de fonctionnement, de notre utilité ou du rôle de notre métier dans un monde qui va généralement plus vite que notre structure à l’ancienne. L’information va redevenir payante, youpiiiii les gens seront prêts à acheter le bousin et nous à repartir comme en 40 euh non, comme en 45. Restera juste à fustiger un peu ces cons de blogueurs et prédire leur mort annoncée. Ils l’ont déjà fait ? naaaaaaaaan ;-)

Depuis une semaine, Orange prétend qu’il y a Internet et Internet par Orange. Et tout le monde s’en fout. L’App Store a ouvert la voie. Défriché les réticences. Ben oui puisqu’il y a services mobiles et App Store. Puisqu’il y a Internet et Internet sur iPad, pourquoi n’y aurait-il pas aussi Internet et Internet par Orange. De l’Internet enrichi, selon la publicité de l’opérateur. De l’Internet qui donne envie de venir chez nous. Quoi Internet c’est neutre ? Ben non regarde, Apple a décidé qu’il n’y aurait pas de fille nue dans son internet propriétaire, et il n’y a pas de fille nue dans l’Internet par Apple. Oui quoi oui ok y’a le navigateur sur l’iPhone. Vous avez déjà fait le test ? Qui va encore sur le navigateur quand il a les applications idoines validées par Steve Jobs. Et puis quel navigateur d’abord ? Le navigateur Internet ou le navigateur Internet par Orange d’après Loppsi et filtré Hadopi.

Oiseau de mauvais augure, m’entends-je répondre. Placer Pétain dans une chronique est de mauvais goût. Tu sais bien que la France ne sera jamais une dictature. Regarde le tollé quand Le Pen est arrivé au second tour. Oui. Vous n’avez pas tort.

Ou l’économie réelle remplace la “théorie du complot” dont je sais que vous allez me taxer. Allez avouez.

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Le pire, c’est que ce que je crains le plus n’est pas un putsch dictatorial à la Palpatine, façon grand complot stellaire. C’est un putsch de démocratie économique. Quand nous serons bien mûrs. Quand nous aurons ré-appris à acheter le dernier Michel Sardou, à payer pour un DVD de film blockbuster, voire à repayer pour la catch up d’un film qui est déjà passé à la télévision… La dictature économique risque d’envoyer toute réflexion, toute réelle liberté d’expression, toute remise en question des modèle au rang des oubliettes de l’histoire contemporaine.

Quand Overblog ou OVH se sera mangé ses X procès pour mauvais contrôle des contenus publiés, vont-ils continuer à fournir un accès de base à tarif tout démocratique ? Quand on aura mis en cause le FAI pour le fichier illégal ou irrévérencieux passé par son réseau, quand la controverse ne sera plus possible donc plus génératrice de pages vues publicitaires ; leur modèle économique sera-t-il encore viable ? Sera-t-il économiquement intéressant de proposer des modèles démocratiques ou gratuits et publicitaires ?

Quand la France aura connu ces premiers procès retentissant liés au téléchargement illégal, les maisons de disques continueront-elles à nourrir Spotify et Deezer (qu’elles sucent au sang en ce moment en attendant des jours meilleurs) ? Quand il faudra payer pour lire Slate, Libé, Le Figaro ou Le Post, quand émettre un commentaire sur Rue89 sera payant est-ce qu’on aura encore un large panel de commentateurs représentés, un large choix de lecture d’opinion ou faudra-t-il se résoudre à l’économie et à la pensée d’une seule source? Quand il faudra systématiquement payer pour obtenir un contenu musical, voir un film ou une série américaine qui, à part les maffias et les marchands de disque dur, pourront encore enrichir leurs connaissances, développer leur créativité au vu de la diversité.

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Quand il faudra additionner le coût de la VOD au jeu Playstation, quand ce coût viendra s’ajouter aux frais de stockage de photos sur le web, et à l’hébergement web, quand cette facture viendra s’enrichir de celle de l’internet ++ avec Orange et de l’accès au portail 3G++ de Vodafone… qui aura encore accès aux web, qui pourra encore poser une idée divergente, un avis, un concept qui ne soit pas d’abord filtré par l’accès au portefeuille et la possibilité de sortir les biffetons supplémentaires. Certaines entreprises mettront la clé sous la porte. D’autres se repenseront. Sans doute celles moins « mainstream » ou ciblant une niche. Celles capables de se réinventer rapidement (ce que n’ont pas su faire les industries culturelles pour info)

En quoi le net sera-t-il encore neutre, multiple, nourri de mille voix ? En quoi les entreprises de presse, les médias et les industries culturelles seront appelées à innover sous peine de mort poussée par une foule plurielle, consommatrice mais autrement.

Où naîtra la vraie réflexion, la pensée multiple opposée à la pensée unique validée par Loppsi et les gouvernements ? Où se diffuseront les étincelles de génie et les brasiers contestataires. Où sera-t-il possible de trouver le contraire du pire et de se former à ne pas se laisser berner par le pire au contraire ?

Hadopi, Loppsi, Ipad, ACTA, Patriot Act, lois italiennes, Internet et Internet par Orange se sont bousculés dans ma tête cette nuit au milieu d’un rêve de geek. J’ai entrevu l’ère digitale de demain qui ressemble presque à l’image que Korben en a faite. Pire encore, parce que chacun de ces éléments sera venu en loucedé, discrètement, à la faveur d’une faillite économique, d’un procès retentissant, d’une charge contre l’immoralité.

Petit à petit. Pas à pas et de démission publique en impression de ne pas être concerné. Derrière des hurlements de cabri sur telle ou telle trivialité du paysage politique. Tout se met en place pour un appauvrissement de l’offre gratuite, démocratique et le retour des anciennes pratiques économiques remodelées à l’usage du web. Après il ne reste plus que le passage d’un Aigle ou d’un Pétain du XXI e siècle pour que comme ça, gentiment de « rien à foutre » en WTF nous ayons nous-mêmes laissé se créer un nouveau monde policé et moraliste.

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Reste à espérer que ce jour là la France des Lumières que j’ai toujours encensé se réveillera, mue par un commun intérêt (la liberté ? Le pouvoir d’achat ? La fin du capitalisme financier ?) et s’en ira prendre la bastille numérique. Ce jour là je ferai partie du corps brabançon et porterai sur la poitrine ma cocarde planétaire.

Le manque de liberté attise les rébellions, et bien que de nombreux systèmes n’osent pas combattre par peur des représailles de l’Armée impériale, un groupe de rebelles intrépides ose s’opposer à lui. Ils infligent beaucoup de pertes aux impériaux grâce à des techniques de guérilla.

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@Emgenius

Plus+

Toutes mes références historiques sont tirées d’ici

> Toutes les illustrations proviennent de la merveilleuse galerie Flickr Stormtroopers 365 de Stéfan

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Lettre ouverte aux maisons de disques même si elles ont rien demandé http://owni.fr/2010/02/18/lettre-ouverte-aux-maisons-de-disques-meme-si-elles-ont-rien-demande/ http://owni.fr/2010/02/18/lettre-ouverte-aux-maisons-de-disques-meme-si-elles-ont-rien-demande/#comments Thu, 18 Feb 2010 19:07:16 +0000 Virginie Berger http://owni.fr/?p=8526

Il y a presque 10 ans, je passais un entretien avec le Directeur Général d’une maison de disques pour un poste de responsable marketing interactif (oui, à l’époque le marketing était interactif). Lorsque nous avons abordé le sujet Napster, toute jeune et naïve que j’étais, je lui dis qu’il fallait utiliser Napster comme outil de promotion, et que grâce à cet outil, les artistes pourraient beaucoup plus facilement rencontrer, toucher leurs fans…Que n’ai-je  dit !!! Je n’étais pas loin du « Vade retro satanas !» Outre le fait que j’avais complètement planté mon entretien, mon interlocuteur m’a expliqué que « le public on s’en fout », que « seule la défense des droits compte » et que « le CD est et restera le seul et unique format de musique…. » Et puis c’est tout.

10 ans plus tard, rien n’a changé… Lorsque je discute avec ces mêmes interlocuteurs (oui, les personnes qui nous avaient dit avoir tué le piratage en fermant Napster il y a 10 ans sont toujours en place), nous avons toujours les mêmes discussions… Entre le « je ne vois pas quelles erreurs nous avons bien pu faire depuis 10 ans » à « Tu sais Virginie, le marketing online pour la musique ne sert à rien » (ces deux citations, véridiques sont l’œuvre d’un DG de major en 2009), l’après Napster  n’a toujours pas eu lieu….

Je ne veux pas faire ma vétérante, mais cela fait maintenant un bout de temps que je traîne dans la musique. En 1997, je finissais mes études aux Etats Unis et je découvrais MP3.com. En 2000, j’étais sur Napster. J’ai ensuite travaillé dans des groupes de télé, de radio, sur le web avec un poste toujours en relation avec la musique et les maisons de disques. Depuis 10 ans, j’assiste, voire même je participe aux différentes tentatives de « sauvetage » de la musique, comme le  Napster to Go, les plates formes lancées par les majors multi sécurisées, non interopérables avec des catalogues non commun, les deals 360, le Comes with Music, le Starbucks Music, MySpace, Spotify….

Mais aucune de ces tentatives n’a été le futur de la musique. Et Spotify ne le sera pas plus que les autres. Je me souviens en avoir discuté l’été dernier avec un patron de la stratégie d’une maison de disque. Il me disait vouloir travailler en exclu avec Spotify car c’était vraiment « l’avenir de la musique ». « Ah oui, lui ai-je répondu, pour toi l’avenir c’est une écoute gratuite basée sur du revenu pub ? »…

La seule chose dont on peut être certain, c’est que Spotify n’est en aucun cas le futur de la musique. Peut-être parce qu’il n’y a pas de futur dans la musique. En tout cas, il n’y a pas de futur pour l’industrie de la musique actuelle. Pas telle qu’elle évolue actuellement…Et puis, c’est quoi l’industrie de la musique ? Des centaines d’acteurs fragmentés par secteur, par fonction ou par genre…

Qu’est ce qui a tué l’industrie musicale ? L’arrogance. L’arrogance d’être certain que rien ne changera, que ça ne sert à rien de chercher à anticiper le mouvement. L’arrogance de croire que tout se réglera à coup de procès ou de lois. L’arrogance de croire qu’on a pas besoin de chercher à comprendre ou changer…

Mes amis des maisons de disques, il faut comprendre dès maintenant que nous ne sommes plus dans un business de ventes de CD, mais dans un business de création de valeur autour de la musique. Une fois que vous aurez compris ce changement, je vous assure que le reste suivra beaucoup plus facilement…

Vous avez dépensé des millions de $$ en stratégies inadaptées et mal conduites, en lobbying, en pratiques complètement dépassées. Sans compter le temps perdu. Il serait temps que vous vous intéressiez et intégriez vraiment ce qui arrive. Ce n’est plus comment ça devait être, ni comme vous voulez que ça soit, ni comme cela devrait être…C’est juste que c’est comme ça. S’adapter ou mourir.

Permettez-moi donc de vous faire part de quelques petites réflexions qui me trottent dans la tête depuis fort longtemps. Loin de moi l’idée de vous donner des leçons. Ce n’est ni mon rôle, ni mon job. Il s’agit simplement de réflexions, mûrement constatées par quelqu’un de complètement dépitée par le tour que prennent les choses.

Connaissez votre environnement : Je suis extrêmement étonnée par la place donnée au digital dans les maisons de disques. On a les chefs de projets et les chefs de projets digitaux. La promo et la promo web, les ventes et les ventes digitales. Comme si le digital était un support mineur, qui nécessite d’être traité différemment et surtout d’être éloigné de tout autre contact avec les équipes….C’est étonnant. Le digital est un composant du mix marketing, et un moyen de distribution. Il doit donc être intégré, de la réflexion stratégique à l’opérationnel. Il n’y a pas de chefs de projets tv ou de chef de projet radio, alors pourquoi des chefs de projets  digitaux ?  Le digital est par nature transversal, un support de la création aux ventes. Il starte une promo, soutient les ventes. Alors intégrez-le, pour de vrai….

Préparez vos équipes : Le NY Times a demandé récemment à ses équipes de se mettre sérieusement au digital ou de partir…Faites la même chose. Comment pouvez réellement comprendre et assimiler le marché si vous ne le comprenez pas, si vous ne cherchez pas à l’anticiper, à intégrer théories et cases studies. Quand je parle CwF et RtB, de segmentation des fans, de freemium, d’accès à la musique, de datamining, on me regarde très bizarrement. C’est-à-dire que ces différents concepts, qui sont connus, reconnus et testés, fondateurs du music marketing moderne sont inconnus par les premiers qui sont sensés les appliquer. La plupart du temps, on me parle de playlist nrj et de passage au Grand Journal. Voilà la stratégie marketing en maisons de disque…Sans aucune réflexion stratégique en amont…

Alors c’est vrai que l’exemple doit venir d’en haut… Et quand le haut se vante de ne rien comprendre au digital, de ne pas l’utiliser, crache sur Facebook ou Twitter (image bien entendu) et que « que toute façon on en a pas besoin  et que c’est inutile»,  c’est quand même très problématique (exemples entendus maintes en fois encore la semaine dernière…).

Assumez ce que vous êtes : Des marchands de tapis. Vous vendez de la musique, vous gagnez de l’argent sur la musique, vous êtes donc des marchands de tapis. Et ce n’est pas péjoratif, c’est juste la réalité. C’est du commercial. On fixe un prix à un produit et on le vend. Je ne rentrerai pas dans la sphère artistique, ça a un côté un peu magique, artisanal…mais ensuite, quand vous décidez de vendre un artiste, vendez le vraiment, en mettez toutes les chances de votre côté. Ce n’est parce qu’on est dans la musique, qu’on est cool, qu’on porte des baskets et qu’on se fait la bise que le business n’est pas  sérieux…

Par exemple, travaillez vraiment votre marketing comme du marketing, et non comme de la promo. Travaillez le marketing comme on le pratique chez Microsoft, Apple ou Unilever.

Le marketing ce n’est pas sale, ce n’est pas mauvais, il ne s’insère pas dans l’artistique mais il vous aide à le vendre. C’est un peu le but non ?

En résumé :

-          Définissez vos consommateurs par produit

-          Etablissez vos objectifs : qu’est ce que vous voulez faire ?

-          Définissez votre offre pour atteindre ces objectifs : créer des produits qui vous permettent d’atteindre ces objectifs

-          Créez les sites web, contenus, landing pages, etc… : objectif : intégrer les fans dans le cycle de ventes

-          Collectez vos données

-          Mesurez vos performances : d’où vient le consommateur, quels produits achètent ils, etc..

-          Optimisez votre campagne

-          Répéter, améliorer, expérimenter

Investissez dans la R et D : Concentrez-vous sur la technologie, la mobilité, les nouveaux modèles publicitaires et les analytics.

Donc développez des API, intégrez Facebook connect, Google connect, la syndication de contenus aux sites artistes.

Ne suivez pas EMI, décentralisez la distribution via des players embed (60% du traffic de Youtube). Utilisez le player SoundCloud qui vous permet d’avoir accès à des analytics de grande qualité. Permettez à vos consommateurs de faire votre marketing.

Pensez RSS, Feeds, XML, API et pas MTV.

Les datas sont le « new gold » : Comprenez que vous pouvez faire de l’argent autour de la musique, pas forcément que sur la musique. Réfléchissez à des business models basé sur le dataming, les nouvelles générations de pub, le branded content personnalisé, le targeting comportemental

Comprenez que le futur de la musique c’est la mobilité, la découverte et le social et c’est tout : Licencier donc l’accès la musique au lieu de simplement vendre des copies: Inventez de nouveaux systèmes de revenus impliquant des ISP, des opérateurs télécoms, des opérateurs mobiles, des moteurs de recherche. Partagez les revenus

Déployez des applications mobiles partout (Iphone, Android, Symbian, Windows). Que ce soit pour des remixes, des mash-ups des playlist, des applications musiques pour les réseaux sociaux, des radios digitales…

Pensez encore une fois en terme d’accès à la musique et de freemium. Le streaming gratuit ok, mais le taux de conversion au payant doit au moins être à 2 chiffres. Comment ? En proposant pour les versions payantes des versions haute def, des concerts, des webcasts, des produits spéciaux (D2F), des compilations digitales

Intégrez les concepts de mise en avant de nouveaux talents. Intégrez les blogueurs, lancez des radios thématiques « Connectez et développez ». Regardez ce que fait Bandcamp, ils commencent à prendre le lead dans ce domaine.

Pour la plupart des gens, les maisons de disques sont le mal, représentées par Pascal Nègre, Obispo, la starac  ou Zazie. Les pirates ont donc l’impression de faire œuvre de bien public, en piratant une industrie qui n’hésitent pas à afficher un salaire à 6 chiffres par mois (Nègre/Universal), à balancer de la musique jetable (Starac et autres) ou a comparer les pirates à des nazis (Lameignère/Sony). Les considérations artistiques ne rentrent pas en ligne de compte. Pour la plupart, « on pirate une industrie qui en a bien profité pendant des années », ou qui « se fait du fric sur les dos des consommateurs ». Bref, pour le grand public, tout est de votre faute.

Donc arrêtez de faire enrager vos potentiels acheteurs mais engagez les. Maintenant ! Engagez la conversation, créez un blog, soyez transparent. Transparence = confiance. Pour les utilisateurs comme pour les artistes.

Comprenez bien que votre plus gros problème, ce n’est pas le piratage mais l’obscurité. L’engagement crée l’attention qui crée la monétisation.

A côté de l’engagement, la clé du succès est la différenciation… Nous avons maintenant les outils qui nous permettent de créer des business models customisés pour chaque artiste label, public, services…Le business model unique n’existe plus.

Alors pourquoi ne le faites-vous pas ?

La technologie n’est pas magique, elle ne va pas résoudre un problème business. Pensez l’environnement digital comme un lego.

Rentrez en concurrence avec le gratuit, justement parce que ce que vous offrez n’est pas gratuit. Pour la plupart des gens, copier un CD, c’est gratuit, charger sur une clé USB, c’est gratuit, mais la connexion avec l’artiste, l’expérience créée autour de la musique, les valeurs ajoutées comme les vidéos, films, jeux, chats, livres, concerts et merchandising, en bref  le contexte (!!!) – tout cela n’est pas gratuit.

Il faut cesser avec cette obsession de vouloir faire de l’argent avec chaque copie, au lieu de fournir un accès global à la musique, un contexte qui donnera envie d’acheter.

Adaptez-vous : Résistez donc à la tentation de demander des MG monstrueuses et inadaptées, de refuser les accès aux catalogues sans aucune raison (à part celle du contrôle unique du marché), de poursuivre vos consommateurs, d’être inflexible sur les prix, de refuser tout standard technologique, d’être complètement obscur sur vos politiques de licences, de détruire la protection à la vie privée…Car plus personne ne vous suivra. A moins que cela ne soit votre stratégie.

Résistez également à la tentation des formats protégés. Si il y a quelques années vous n’aviez pas imposé les DRM, vous n’auriez pas créé tout seul le monstre Itunes.  Alors autorisez les systèmes open.

Et laisser la place à des talents qui viennent de l’extérieur… Hotmail a changé les emails, des étudiants de stanford ont lancé Google, ou Facebook… L’innovation vient souvent de l’extérieur…

Bref, n’attendez pas qu’on vous sauve, mais prenez vous en mains.

Scott Fitzgerald disait :

“The test of a first-rate intelligence is the ability to hold two opposed ideas in the mind at the same time, and still retain the ability to function”.

Dont acte.

» Article initialement publié sur Digitalmusic.tumblr.com

» Illustration de page d’accueil par PACMan3000 sur Flickr

» Illustration par Beverly & Pack sur Flickr

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http://owni.fr/2010/02/18/lettre-ouverte-aux-maisons-de-disques-meme-si-elles-ont-rien-demande/feed/ 31
Chronologie musique et Internet http://owni.fr/2010/01/05/chronologie-musique-et-internet/ http://owni.fr/2010/01/05/chronologie-musique-et-internet/#comments Tue, 05 Jan 2010 12:54:12 +0000 Babgi (sawndblog) http://owni.fr/?p=6717 A l’occasion de ce changement de décénie, il est intéressant de prendre un instant et de se retourner pour observer ce qu’a été l’histoire de la musique et d’internet au cours des trente dernières année… Cela prend certes un peu de temps de rassembler cette information, mais c’est édifiant …

1980 : invention de la mémoire flash.

1987

Le premier brevet du format MP3 est pris. Plus de soixante brevets auront entouré le célébrissime format musical. les premiers ont déjà expiré, d’autres resteront encore valables jusqu’en 2017 ; ceux de la version pro -bien moins populaires- seront encore en vigueur jusqu’en 2023, voir 2027.

1990

INTERTRUST est crée. Dans un premier temps, cette société commercialise des brevets pour la mise en place de DRM (dispositifs de sécurité sur les CD musicaux). La société fait une introduction en bourse en 1999, puis est rachetée par SONY et PHILIPS. Aujourd’hui encore, INTERTRUST est considérée comme l’une des principales détentrices de brevets liés à la DRM. Elle détient par exemple plusieurs des brevets du format BLU-RAY.

1991

Le MP3 est accepté comme standard de compression/décompression par l’ISO.

1983

sorti du Pentium, premier processeur à pouvoir décoder le mp3 en temps réel, prélude à l’arrivée massive de la musique sur un nouvel appareil : le PC;  L’usage musical en a pourtant été très restreint. D’une part car la plupart des ordinateurs n’étaient pas équipés d’une carte son performante, et d’autre part en raison des contraintes d’espaces mémoires. Premier portable mp3 : le RIO avec 10Mo de mémoire.

1994

Les Rolling Stones sont le premier groupe à diffuser leur musique en live sur internet, en utilisant Real.

1995

création de REALNETWORK, la première start-up dont l’objet consistait (et consiste toujours) à fournir une suite d’outils de compression/décompression permettant l’écoute de musique via internet. REAL a par la suite (en 2001) lancé RHAPSODY, un service de musique en ligne.

1997

Lancement du site mp3.com qui deviendra immédiatement la bête noire de l’industrie musicale.

1999

juin : ouverture de NAPSTER… Qui fermera ses portes sous sa forme initiale (du pear-to-pear pur et dur) en juillet 2001… croulant sous les plaintes de la RIAA (l’équivalent de notre SNEP) et  suite à une injonction du Ninth Circuit Court (l’équivalent de notre Tribunal des Référés) de Washington.

septembre : les licences 3G sont attribués à FranceTelecom Mobile (ORANGE) et à SFR. Dans toute l’Europe, les attributions rapportent plus de 71 milliards d’Euros !

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2000

mars : MUSIWAVE (initialement Musiwap) est fondée.

juillet : SIRIUS est le premier satellite musical jamais lancé. Il diffuse sur le territoire US de la musique en qualité CD, son premier client est HERTZ

septembre :  KAAZa se lance.

2001

mai : VIVENDI rachète Mp3.com pour 372 millions de dollars

octobre : APPLE lance son premier IPOD, initialement de 5Go, en février, est lancé un 10Go. ITUNES, sans e-Commerce, avait été lancé quelques mois auparavant.

2002

NAPSTER dépose le bilan, ils seront finalement repris par Roxio.

2003

septembre : la RIAA poursuit 261 personnes pour violation des droits de distribution (usage en pear-to-pear). L’opinion jusqu’alors indifférent, prend rapidement fait et cause pour les personnes incriminées.

avril : ITUNES se lance en version e-commerce. Deux mois plus tard, un millions de titres sont vendus. en décembre 2003, 50 millions de titres auront été vendus.

août : lancement de LastFM.com

novembre : fusion de SONY et de BMG. MP3.com est revendu à Cnet.com

2004

mai : Itunes version e-commerce se lance en Europe.

Cette année là, les ringtones (sonneries de téléphone) rapportent plus de 3,5 milliards de dollars.

2005

décembre : lancement de Youtube.

2006

janvier : Fondation de Ilike

février : Musiwave est vendue à Openwave pour 141 millions de dollars

juillet :  Microsoft lance Zune. un concurrent de l’Iphone.

octobre : fondation de mxp4

décembre : Youtube racheté par Google pour 1,6 milliard de dollars… glups.

2007

janvier : lancement de l’Iphone

avril : APPLE annonce avoir vendu 100 millions d’Ipod

août TERRA FIRMA rachète EMI…

octobre : Amazon lance son offre de musique en ligne.  Radiohead lance son album “In Rainbows” en “pay-as-you-like” (payez ce que vous voulez).

novembre : fondation de SAWND.

2008
(janvier) Apple annonce qu’elle va progressivement retirer les DRM de sa plateforme Itunes.

2009

juin : la mort de Michael Jackson provoque un afflux de requêtes si important qu’Internet ralenti dans de nombreuses régions du monde, particulièrement au Japon et en Allemagne.

octobre : La RIAA -et en France, le SNEP fait le même constat- annonce que le marché de la musique enregistrée a diminué d’environ 2/3 depuis 2000.

décembre Apple rachète Lala.com

et l’histoire continue …

jackson

»Article initialement publié sur Sawndblog

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