OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’enfance de l’art en dataviz http://owni.fr/2012/10/25/enfance-art-dataviz/ http://owni.fr/2012/10/25/enfance-art-dataviz/#comments Thu, 25 Oct 2012 15:20:34 +0000 Julien Joly http://owni.fr/?p=123958

Neuf heures. Une douzaine d’enfants déferle sur le stand du collectif Open Data de Rennes. Des tables bricolées à partir de palettes, style DIY, à l’occasion du festival Viva-Cités.

Notre mission : sensibiliser des écoliers à l’art de récolter les données et de les mettre en forme de différentes façons : diagramme circulaire, colonnes… Dans ma tête, ce n’est pas gagné d’avance. Comment intéresser des enfants à un concept aussi abstrait (et, accessoirement, paraître aussi cools que le stand d’à-côté, dédié aux imprimantes 3D et aux robots) ?

Pour essayer de capter l’attention des chérubins, on avait pris quelques précautions :

1. Dédramatiser

L’Open Data, c’est utile et rigolo. Voilà le message que doit faire passer Benoît, un membre du collectif promu M. Loyal pour l’occasion :

C’est quoi, des données ? Eh bien, c’est un peu comme dans une recette de cuisine. On va prendre de la farine, des œufs, et ça va faire un gâteau. Chacun de ces ingrédients est une donnée : on sait ce que c’est et combien il y en a. Les données, c’est important pour un pays par exemple. Comme savoir combien il y a de garçons et de filles, quel âge ils ont…

Quant à l’Open Data, c’est des données qu’on peut réutiliser. Vous savez ce que ça veut dire, “open”?

Un enfant : On dirait une marque de voiture !

Bon, au moins, ils écoutent sagement.

2. Diviser pour mieux datavizer

On installe les élèves par petits groupes de trois ou quatre. Chacun est accompagné par un membre du collectif qui les guide dans leur “exercice”. C’est aussi plus facile à gérer, d’autant que, parfois, les feutres ont tendance à se transformer en missiles lancés dans le pull du voisin.

Eh oui : pendant une heure, nous n’allons utiliser ni ordinateur, ni logiciel d’infographie : uniquement du papier des feutres… et des LEGO !

Chaque enfant commence par récolter et manipuler des informations. Mais pas n’importe quelles informations : des informations sur lui-même.

Nous leur avons distribué des grandes feuilles A3 avec des pictos et des cases à remplir : “Es-tu une fille ou un garçon ? Colorie la pastille correspondante avec la bonne couleur. Combien de télés il y a chez toi ? Combien d’animaux possèdes-tu ? De quelle espèce ?”

3. La dataviz sans ordinateur, c’est possible

Les enfants colorient le nombre de cases correspondant et reçoivent l’équivalent en briques de LEGO, qui seront par la suite récoltées dans chaque groupe puis assemblées pour faire des diagrammes en colonnes. Plus fort que la réalité augmentée.

L’atelier ne se déroule pas trop mal compte tenu du fait que les enfants ne connaissent pas les pourcentages et les fractions… alors, quand on leur demande de remplir un diagramme représentant la répartition des sexes dans leur petit groupe, on leur dit d’imaginer que c’est une tarte aux pommes.

Une fois le coloriage terminé, je leur indique les feuilles du groupe voisin :

Regarde, dans leur “tarte aux pommes”, il y a plus de vert que de orange… pourquoi, à ton avis ?

C’est parce qu’il y a plus de filles que chez nous !

C’est dans la poche. Les diagrammes de Venn, par contre, ont un peu de mal à passer… Même si, à notre grande surprise, certains enfants ont compris leur fonctionnement instinctivement.

4. Prévoir de la place pour les cas particuliers

Au final, nous aussi on apprend des choses. Par exemple, les cases “famille” ne sont pas assez nombreuses pour certains qui vivent à sept ou huit sous le même toit. Idem pour le nombre de télés : certains ont presque un écran dans chaque pièce !

A la fin de l’atelier, on récolte les briques de LEGO de tous les petits groupes et on les assemble par thèmes. Ainsi, les enfants peuvent comparer leurs données personnelles à celles de toute la classe. Ils se rendent compte que le petit bout d’information qui les concerne fait partie d’un ensemble, qu’on peut quantifier et comparer.

Par exemple, la “tour de LEGO” verte est plus grande que l’orange. Ca veut dire que les filles sont plus nombreuses. Certains garçons s”offusquent : “Oh non, c’est pas vrai ?” Eh oui, les gars, c’est aussi ça, la dataviz : briser les idées reçues et voir le monde (bon, en l’occurrence, la salle de classe) avec un oeil nouveau.

Alors, mission réussie ? Certes, en une matinée, nous n’avons pas formé une petite brigade de datajournalistes juniors. Il reste aux enfants à apprendre à manipuler des concepts essentiels comme les fractions, la géométrie… ce sera pour plus tard. D’ici là, l’Education nationale aura peut-être inscrit une épreuve de #dataviz au bac, qui sait ?

En attendant, ces écoliers ont prouvé que la collecte et la visualisation de données pouvaient être étudiées à l’école. De façon ludique. Et, pourquoi pas, associées à d’autres matières comme les maths ou la géo.

Alors que l’atelier se termine, un petit garçon me demande s’il peut emporter un souvenir.

Bien sûr, tu peux garder la feuille !

Bof, moi, je voulais les LEGO !


À lire aussi How GM is saving cash using Legos as a data viz tool.
Photos via Open Data Rennes/VivaCités par Christophe Simonato.
Mise à jour 26 octobre : un problème technique nous a fait initialement attribuer cet article à Sabine Blanc et non à son véritable auteur Julien Joly. Voici qui est réparé.

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Ce samedi, les enfants ont cours de hacking http://owni.fr/2012/10/12/ce-samedi-les-enfants-ont-cours-de-hacking-hackidemia-ecole/ http://owni.fr/2012/10/12/ce-samedi-les-enfants-ont-cours-de-hacking-hackidemia-ecole/#comments Fri, 12 Oct 2012 13:24:55 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=122104

Après une première édition à Paris en juin, HacKIDemia a bougé à Bucarest en Roumanie en septembre.

À l’HacKIDemia, on n’apprend pas aux enfants à cracker le code de l’ordinateur de leurs géniteurs, non, on leur enseigne les sciences et la technologie par la pratique, en vertu du learning by doing cher aux hackers, ces bidouilleurs créatifs. Ce samedi, dans le cadre de l’Open World Forum (OWF), la deuxième édition française, co-organisée avec La Cantine/Silicon Sentier, proposera plusieurs ateliers pour mettre les menottes dans le cambouis, et aussi les grandes mimines des parents : conception de jeux vidéo, introduction à l’électronique avec le processeur Arduino et de la soudure, robot, graffiti, etc.

Ne vous fiez pas au côté fric de l’OWF, vitrine annuelle de l’Open Source en France qui se tient du côté des Champs-Élysées. Comme se réjouit Clément, membre du hackerspace francilien l’Electrolab qui prête son concours, le but n’est pas de rester entre-soi :

Dès le départ, Stefania vise une diffusion très large, pas uniquement pour nos petites têtes bobo, elle s’organise avec des contributeurs d’un peu partout. À force de passer sa vie dans des avions, elle a des contacts très variés.

La Stefania-voyageuse en question, c’est une jeune pile (open source) déroulant dans un français impeccable son parcours qui l’a menée de sa Roumanie natale à voyager sur tout le globe pour son projet HacKIDemia, après un passage par la Singularity University de Google aux États-Unis.

Le premier HacKIDemia à Paris en juin dernier, avec des élèves de l'internat d'excellence à Marly-le-Roy (78).

Hacker la pédagogie

Hacker la pédagogie

Les médias sociaux font l'objet de fréquents blocages dans les établissements scolaires. Pourtant, en eux-mêmes, ils ne ...

Maman professeur, père ingénieur en électronique, cette mince petite brune prolixe a synthétisé dans son projet les ADN parentaux. Après un master en ingénierie pédagogique et un passage par Erasmus qui l’a rendu polyglotte — 7 langues en tout ! —, elle a atterri chez Google à Dublin pour plancher sur les algorithmes.

Plus que les opérations, elle se passionne pour l’éducation et initie des projets au sein de l’entreprise en Irlande, pour les adultes. Pas vraiment sur la même longueur d’onde que le géant de Moutain View, elle démissionne et, avec ses économies, part faire du volontariat au Cambodge, initier ce qui deviendra HacKIDemia. Avec une ligne claire :

Tu n’aides pas forcément les gens en leur donnant de l’argent. Le Cambodge est le pays avec le plus grand nombre d’ONG, ça handicape ce peuple  à un point pas possible. Je leur ai dit “je ne vais pas vous donner de l’argent, mais vous apprendre pour vous aider à vous en sortir par vous-même”.

Et un modèle, les hackerspaces, ces espaces physiques où les hackers se rencontrent, échangent, mutualisent :

Je veux faire des hackerspaces pour les enfants ! Il y a une innovation qui passe, invisible, mais qui a beaucoup d’impact, alors s’ils échangent avec les enfants…

Une bêta “magique”

Le numéro zéro d’Hackidemia est allumé en juin dernier, avec l’aide François Taddéi, du Centre de Recherche Interdisciplinaire, figure incontournable en France sur la réflexion pédagogique. Dans un lieu emblématique : l’internat d’excellence de Marly-le-Roy, une de ces structures destinées aux élèves défavorisées à fort potentiel. Une bêta qui tient toutes ses promesses. Stefania se souvient :

Les jeunes ne savaient pas trop à quoi s’attendre, ce sont des ados, l’âge où on les perd, ils sont venus en se demandant ce qu’ils allaient faire. À la fin c’était assez magique, on ne pouvait plus les faire partir : “j’ai fait un robot, j’ai fait un robot, il y avait une sorte de lumière dans leurs yeux.”

Benoit Parsy, qui fait des ateliers LEGO Mindstorm (des robots LEGO pour apprendre à coder, ndlr), est venu avec sa fille, elle a 6-7 ans et elle est très forte en programmation, ils ont accepté qu’elle leur apprenne et ils ont fait à leur tour.

Cela été très important pour nous : l’événement a été monté sans budget, nous avons juste contacté les gens qui travaillent avec des jeunes sur Paris, on a pu mesurer la motivation.

"J'ai fait un robot, j'ai fait un robot !"

La jeune femme enchaine avec un saut décisif par Google, non pas l’entreprise mais sa controversée Singularity University, en tant que education teaching fellow. L’institution vouée aux technologies, et non au transhumanisme comme on le croit à tort, se révèle surtout être une belle opportunité pour développer son projet, entre conférences et discussions interminables le soir.

De ce séjour, HacKIDemia en est ressorti avec un staff de trois personnes en plus pour faire des petits partout dans le monde, sur le mode du lab mobile.

Brésil, Niger, Mexique, Australie, Malaisie

Et depuis, ça n’arrête pas. Après Paris, les allumages s’enchaînent : installation d’un fab lab permanent à Sao Paulo au Brésil, à Lagos au Nigeria dans le cadre de Maker Faire Africa, une grande foire au DIY, puis Mexique, Australie et Malaisie en début d’année prochaine. Ils sont souvent sollicités par des structures publiques qui payent le voyage, par exemple au Brésil une école. La communauté visée, enfants mais aussi parents et professeurs, ne payent pas. Des entreprises de l’écosystème croissant du DIY apportent aussi des fonds, conscient de l’intérêt et de l’enjeu.

L’écosystème de demain

Aux côtés de fablab@school, fab lab truck, School Factory ou encore Maker Camp, Hackidemia fait en effet partie de ces projets qui entendent réinventer l’école pour mieux l’adapter au contexte actuel, marqués par de multiples crises : économique et écologique bien sûr mais aussi perte de sens, sentiment de dépossession lié à la disparition des savoir-faire. Ces structures sont aussi autant de terreaux pour que la bidouille d’un week-end deviennent le projet d’une vie et contribuent ainsi à régénérer le système en perdition. Stefania s’emballe :

Le retour à la production locale est un moyen de sortir de la crise, de rendre aux gens la liberté de s’entraider, il faut des hubs d’innovation qui vont s’agrandir et former un écosystème. Il faudrait revenir au système des guildes d’artisans.

Dès le plus jeune âge, il faut donc penser en mode “projet”, comme le souligne Jérôme Saint-Clair, du Graffiti Research Lab, un groupe consacré au renouveau de l’art urbain présent ce samedi :

Il est essentiel d’associer, non pas plus de pratique “téléguidée”, mais davantage de découverte et d’expérimentation afin de permettre aux enfants de chercher des solutions à des problématiques qui leur sont propres (par eux-mêmes ou à l’aide d’un prof ou mentor), de collaborer en partageant leurs connaissances et de développer des projets pensés par eux et pour eux, mariant plusieurs disciplines.

Dans cette nécessité de renouveler l’école, les acteurs extérieurs, agiles, du type HacKIDemia, sont peut-être les mieux à même de faire bouger les choses, comme l’analyse Clément :

Bien, sûr, on n’est pas près de poser un hackerspace/makerspace/fab lab dans chaque établissement scolaire, et il est à peu près aussi vital de proposer ce genre d’activités dans un cadre totalement hors du scolaire aussi pour une autre raison un peu dingue : pour plein de monde, l’école est une corvée… à laquelle tu n’as pas forcément envie d’associer ton action, pour ne pas te griller auprès du public visé.

Reste un enjeu de taille : éviter de finir comme Montessori, douillet nid à progéniture élitiste, mais envahir l’école en douceur.


HacKIDemia, dans le cadre de KIDEXPERIMENT à l’Open World Forum ce samedi, de 11 h 30 à 17 heures, gratuit, inscription recommandée.
Photos CC Flickr [by-nc-nd] PhOtOnQuAnTiQuE

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Interro surprise sur vos portables http://owni.fr/2012/02/14/education-interro-surprise-sur-vos-portables/ http://owni.fr/2012/02/14/education-interro-surprise-sur-vos-portables/#comments Tue, 14 Feb 2012 17:44:41 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=97830

L’école se “technologise”. Les TIC (technologies de l’Information et de la Communication) sont partout, leurs avancées abondamment relayées dans les médias –et abondamment commentées par les internautes.
Or les commentaires, souvent négatifs, des lecteurs (et parfois même des éducateurs) dénotent une vaste incompréhension des enjeux éducatifs des nouvelles technologies.

Le problème réside sans doute et avant tout dans le terme “TIC”, un collectif  proche de l’Inventaire à la Prévert :

Ordinateur  ou Tableau Blanc Interactif (TBI) ? TBI ou tablette numérique ? Ordinateur ou téléphone portable ?

Ainsi énoncés pêle-mêle, la spécificité pédagogique de chacun de ces outils technologiques est occultée. C’est pourtant là que se joue leur pertinence éducative.
Si, comme l’a dit Marshall Mcluhan, “le médium est le message“, quels messages pédagogiques véhicule le choix d’un médium plutôt que d’un autre ?

Individuel ou centralisé ?

Ce qui sépare le tableau blanc interactif des autres outils (ordinateur, tablette ou téléphone), c’est l’individualisation.

Une pédagogie qui s’appuie sur le Tableau Blanc Interactif tend à être centrée sur la tâche : cela convient à la résolution (plus ou moins standard) d’exercices, à l’enseignement frontal (l’enseignant expose une connaissance, un concept, face à la classe). La pédagogie mise en œuvre via le TBI reste une pédagogie “classique”.  Le médium change, le message reste le même.
Par contraste, les autres technologies, de par leur caractère individuel, mettent l’accent sur une pédagogie centrée sur l’élève : il ou elle crée, recherche, et au besoin synthétise ; expose ; diffuse ; partage.

Sédentaire ou nomade ?

A l’opposé de la technologie sédentaire du type TBI ou ordinateur fixe (et à plus forte raison “la salle d’ordinateurs”), les appareils nomades tels les tablettes numériques, MP3, appareils photo digitaux et autres, permettent d’expérimenter dans le monde extérieur et d’ancrer les apprentissages scolaires dans d’autres lieux que celui de la classe. Un exemple pris parmi d’autres : dans le projet Les arbres de mon parc, les élèves se sont servis de GPS et d’appareils numériques synchronisés entre eux pour créer et annoter une carte Google de leur parc ; ils y décrivent la flore de façon détaillée.

Cet exercice était à l’origine un travail de français ; ainsi traité avec les outils numériques, il devient un projet qui induit la maîtrise de plusieurs technologies mobiles et applications. La littératie médiatique s’incarne.

Matériel scolaire ou  appareils numériques personnels ?

C’est une des tendances majeures qui se dessinent  pour 2012 : BYOD (Bring Your Own Devices), ou AVAN (Apportez Vos Appareils Numériques,  traduction opportune et positive de Jean-Marie Gilliot ) tire parti de tous les appareils numériques des élèves en mettant à profit leur apport éducatif dans la classe. Les avantages sont divers, depuis le coût zéro pour l’école jusqu’à la familiarité de l’apprenant/e avec cette technologie ; la prise en main de l’appareil est instantanée : pas besoin d’apprendre à utiliser son MP3, son téléphone portable, sa tablette numérique… Par contre, l’utiliser dans le cadre de la classe permettra à l’apprenant(e) de découvrir de nouvelles façons d’acquérir des connaissances via des appareils numériques déjà en sa possession.

Les enseignants qui franchissent le pas et vont de l’AVAN(t) contribuent à recadrer le débat des appareils personnels à l’école : plutôt que de les combattre parce qu’ils (perturbent le cours / pourraient être la source d’intimidation entre élèves / permettent de filmer le prof à son insu / etc.), ils font confiance  à l’élève et valorisent un outil que celui-ci aime – dans un contexte éducatif.

Certes les différences de moyens entre élèves se feront sentir, mais plutôt que de tirer un trait sur cette immense ressource par souci égalitaire, soucions-nous d’équité et voyons comment aider les plus démunis à s’équiper –comme cela se fait pour les livres et fournitures scolaires.

Au delà du hardware : le software

Tout comme le choix d’une technologie, celui d’une application vient avec sa dimension idéologique. Quel type d’apprentissage l’enseignant souhaite-il mettre en œuvre dans sa classe ?

Il existe de plus en plus de matériel didactique fait sur-mesure pour les écoles. Cours en ligne , tutoriels, jeux sérieux, ces applications répondent à des contenus scolaires précis.

Il existe également  de nombreux logiciels, applications, ou sites non spécifiques à l’éducation, mais qui peuvent être mis à profit par l’école. Par exemple, le très populaire jeu Minecraft (sorte de Légos virtuels) est à présent exploité en milieu scolaire, au point que deux enseignants en ont créé une version (“mod”) éducative. En mode créatif, ce monde virtuel est également exploité comme laboratoire d’expérimentation de physique ou électriques (réalisation de circuits avec le “red stone”). Le jeu Sims ou le monde virtuel Second Life sont aussi activement exploités par certains éducateurs.

Là encore, l’énorme avantage pour l’école est, comme pour la posture AVAN, que le coût financier de l’exploitation de ces environnements est quasi nul ; et que les jeunes connaissent vraisemblablement ces jeux, ce qui facilitera et accélèrera leur prise en main dans un contexte éducatif. Il est à noter que certains jeux sérieux exploitent intelligemment cela en répliquant les environnements de jeux connus pour habiller du contenu scolaire ; témoin ce Baroque Baroque Revolution qui vous fait découvrir la musique baroque selon le modèle de Guitar Hero, et vous la fait même  danser à la manière de Dance Dance Revolution.

Quid des médias sociaux ?

En plus des jeux, l’enseignant dispose  de l’immense panoplie des médias sociaux et plateformes 2.0 telles Twitter, Facebook, Google Docs et Maps, Diigo, Pearltree, …-pour peu que les se(r)vices techniques de son école lui en permettent l’accès.

Car scolairement comme médiatiquement parlant, nous sommes là en terrain miné : le fait d’utiliser les médias sociaux en classe est immanquablement sujet à controverse ; pensée indigente pour les 140 caractères de Twitter, démagogie pour Facebook, et bien sûr risque immanent de contenus et comportements inappropriés en ligne -les poncifs ne manquent pas. Pourtant chaque média social mériterait qu’on s’y arrête -et c’est ce que font les enseignants innovants :  ils/elles considèrent les spécificités de l’environnement qu’il met à la disposition des apprenant(e)s, et sélectionne celui (ou ceux) qui leur permet de servir au mieux les concepts à transmettre.

Tous les médias sociaux ont un point commun, qui est également  leur immense avantage par rapport à des contenus spécifiquement scolaires : ils permettent à l’apprenant de construire son réseau personnel d’apprentissage -et, ce faisant, sa présence en ligne- le tout dans un environnement qui dépasse les limites de la classe ou de l’école.

Il faut du temps pour bâtir un réseau. Il faut du temps pour accumuler du capital social -monnaie d’échange du réseau- et maîtriser les interactions qui génèrent ce capital : elles sont fondées sur le don (d’informations, de liens, d’idées, …) et la réciprocité. Gagner des “followers” sur Twitter, des amis sur Facebook, des lecteurs sur son blog, des contributeurs sur son Wiki préféré, est un processus qui nécessite à la fois du temps et des compétences sociales.

Pourquoi bâtir ce réseau  ?

Parce que c’est sur cette voie que s’engagent de plus en plus de professionnels. Mais aussi parce que le capital social permet aux élèves issus des milieux socioéconomiques défavorisés de surmonter les difficultés inhérentes à leur origine [PDF]. Une école qui permet à des jeunes de tous horizons de développer leur capital social est une école de la mobilité sociale.

Sous couvercle lisse d’un acronyme commun, les TIC représentent des réalités pédagogiques bien différentes. Choisir quel outil correspond le mieux, à la fois au contenu qu’on veut transmettre, et à sa philosophie éducative personnelle, est le principal défi pour l’enseignant/e, un défi parfois écrasant. Ceci est sans doute une des causes de la crise actuelle du métier d’enseignant.  C’est également ce qui en fait un métier passionnant car en pleine réinvention : tirer profit de la diversité des outils technologiques pour questionner et guider ses pratiques pédagogiques est  la meilleure façon de faire naître l’école de demain.


Photos tirées de l’album Schools de Ubiquity_zh (CC-by-nc) via Flickr

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L’Hadopi s’introduit dans les lieux publics d’accès à Internet http://owni.fr/2011/06/15/l%e2%80%99hadopi-sintroduit-dans-les-lieux-publics-d%e2%80%99acces-a-internet/ http://owni.fr/2011/06/15/l%e2%80%99hadopi-sintroduit-dans-les-lieux-publics-d%e2%80%99acces-a-internet/#comments Wed, 15 Jun 2011 06:30:06 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=67895 Cela fait un moment maintenant que j’essaie d’alerter sur les risques qu’Hadopi fait courir pour l’accès public à Internet, dans les bibliothèques, mais aussi dans les universités, les espaces publics numériques, les hôpitaux, les parcs, les aéroports, les administrations, les associations, et toutes les personnes morales en général.

Or le lancement aujourd’hui de la campagne de communication de l’Hadopi autour de son Label PUR [sic] me donne le sentiment que les craintes que je nourrissais à ce sujet sont avérées.

On peut lire en effet sur le blog de l’Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF) que l’Hadopi entend s’appuyer sur les collectivités locales pour relayer sa campagne, et notamment sur les espaces publics numériques (EPN), ainsi que les écoles :

Pour relayer ses messages, l’Hadopi souhaite mobiliser les collectivités territoriales qui via les espaces publics numériques et les écoles peuvent contribuer à influer sur les comportements des internautes. L’autorité met donc à disposition des supports d’information (dépliants, plaquettes) et des modules pédagogiques pour expliquer de manière pédagogique et ludique, l’importance du respect du droit d’auteur.

L’Hadopi a déjà montré de quoi elle était capable en matière de « pédagogie » du droit d’auteur. On se souvient encore du film d’animation Super Crapule Vs Super Hadopi, diffusé sur France 5, qui entendait initier d’une manière risible et caricaturale nos chères têtes blondes à la question du respect de la propriété intellectuelle sur Internet.

Il y a tout lieu de penser que les supports et modules pédagogiques fournis par l’Hadopi aux collectivités locales seront de cet acabit. Or ces supports visent ni plus ni moins à instrumentaliser des lieux publics d’apprentissage du rapport à l’internet pour diffuser une propagande, marquée par une vision complètement déséquilibrée de la propriété intellectuelle.

Quelle pédagogie sur le droit d’auteur ?

La propriété intellectuelle est en effet avant tout un système d’équilibre, même si on a hélas tendance à perdre de vue cet aspect en France. Il y a certes d’un côté les droits moraux et patrimoniaux dont bénéficient les auteurs et leurs ayants droit, mais il existe aussi des mécanismes qui viennent contrebalancer, au nom de l’intérêt général et de certaines libertés fondamentales, le monopole exclusif des titulaires de droits : les exceptions et limitations au droit d’auteur, des licences légales ou encore le domaine public.

Si l’on doit conduire une politique de pédagogie sur le droit d’auteur dans les lieux publics, peut-on concevoir que l’on enseigne uniquement « le respect du droit d’auteur« , et que l’on laisse dans l’ombre les mécanismes d’équilibre qui jouent un rôle si important pour la respiration du système ? Peut-on concevoir également que l’on enseigne pas l’existence des licences libres, alors qu’elles apportent une contribution essentielle à la régulation pacifique des usages en ligne ? Que l’on passe sous silence la question des biens communs ? Est-ce cela l’information literacy que nous voulons donner à nos usagers ?

Voilà pourquoi je pense qu’il faut exiger de l’Hadopi la transmission du contenu de ces supports avant diffusion, vérifier leur teneur et exiger le cas échéant que l’on informe sur la propriété intellectuelle de manière équilibrée, en présentant à la même hauteur que le droit d’auteur les droits et libertés fondamentales qui le contrebalancent, exactement comme l’a fait le Conseil Constitutionnel dans sa décision consacrant l’accès à Internet comme une liberté publique.

Cette volonté de s’appuyer sur le système éducatif et les espaces publics pour diffuser une vision déformée du droit d’auteur rappelle de funestes précédents.  En 2006 au Canada, une vaste campagne de (dés)information avait été organisée autour du personnage risible de Captain Copyright, soulevant de vives réactions de protestation. Face à la mobilisation de la société civile (enseignants, bibliothécaires), ce projet a cependant fini par être abandonné, preuve qu’on peut faire reculer ce genre d’initiatives.

Il faut également se souvenir que le projet d’accord ACTA a comporté un moment des obligations de ce genre à la charge des États signataires, en matière d’organisation de campagnes publiques de sensibilisation au droit d’auteur. Or aux Etats-Unis, cet aspect du traité a déclenché l’opposition des associations de bibliothécaires, et notamment celle de la Library Copyright Alliance (LCA) :

Le projet d’accord comporte les premiers éléments de nouvelles exigences en matière de sensibilisation et de coordination entre les autorités chargées de l’application des règles de la propriété intellectuelle, ainsi que de nouvelles exigences qui vont créer tant au niveau central que des collectivités locales de nouvelles responsabilités en matière d’application des lois dans les Etats qui auront accepté l’accord. Celles-ci comportent la mise en place de campagnes publiques de sensibilisation. Dans sa déclaration commune, la LCA aborde la question de la sensibilisation des consommateurs en recommandant la mise en place de campagnes éducatives sur la propriété intellectuelle qui présente une vision juste et équilibrée à la fois tant des droits exclusifs que des limitations et exceptions (…)

Les bibliothèques, prochaine cible de l’Hadopi ?

L’Hadopi semble pour l’instant vouloir s’appuyer au niveau des collectivités locales sur les espaces publics numériques (EPN) et sur les écoles. Mais le risque est grand qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin et tente d’associer les bibliothèques publiques,  lieux importants pour l’accès à internet, à sa campagne de communication. D’ailleurs, il existe des EPN en France qui sont localisés dans des bibliothèques ou qui travaillent en collaboration avec celles-ci.

Il me semble qu’il est du devoir des professionnels de l’information que sont les bibliothécaires et les animateurs d’EPN de rester extrêmement vigilants face à ce qui se prépare, pour éviter d’être embrigadés au service d’une cause qui nierait certains aspects essentiels de leurs missions. J’espère aussi que les enseignants en milieu scolaires sauront se mobiliser contre cette dérive. De l’enseignement des aspects positifs de la colonisation à la défense de l’internet « civilisé », il y a à mon sens un lien évident !

Mais il y a beaucoup plus grave dans cette manœuvre de l’Hadopi  – et sans doute dangereux à moyen terme – pour la liberté d’accès public à Internet.

J’avais écrit au mois de Janvier un billet (Hadopi = Big Browser en Bibliothèque !) avertissant sur la manière dont le mécanisme de riposte graduée peut impacter directement les personnes morales.

Dans le dernier numéro du BBF (Bulletin des Bibliothèques de France), nous avons eu confirmation de la part de deux représentants de la CNIL que les bibliothèques  (et tous les espaces publics d’accès à Internet) peuvent bien voir leur responsabilité engagée du fait des agissements de leurs usagers.

La loi Hadopi I engage également la responsabilité des titulaires des abonnements internet – en l’occurrence les bibliothèques – en cas de téléchargement illicite d’œuvres protégées à partir du réseau mis à la disposition du public, uniquement si cet accès n’a pas été sécurisé.

Certes, comme le rappelle Julien L.  dans ce billet sur Numerama, le risque principal pour les espaces publics n’est pas à proprement parler la coupure d’accès à Internet, car le juge dispose d’une marge de manœuvre pour tenir compte du cas particulier des collectivités.

La sécurité labellisée Hadopi

Mais il y a un risque, beaucoup plus insidieux, du côté des mesures de sécurisation que l’Hadopi va finir par proposer aux collectivités pour sécuriser leurs connexions Internet. Pour échapper au délit de « négligence caractérisée » - pivot juridique de la riposte graduée – il faut être en mesure de prouver que l’on a bien mis en œuvre des moyens suffisants pour prévenir les infractions. Or l’Hadopi s’apprête à labelliser à cette fin des logiciels de sécurisation, qui auront pour effet de restreindre l’accès à Internet à partir de système de listes noires et de listes blanches, aboutissant dans les faits à une forme de filtrage , et obligeant les fournisseurs de connexions publiques à se transformer en « grands frères » de leurs usagers.

Certes, nul n’est obligé par la loi de recourir à ces moyens de sécurisation, mais la pression sera forte, notamment auprès des élus, pour faire en sorte d’éviter de voir la responsabilité de leur collectivité engagée à cause des connexions publiques mises à disposition des usagers.

Et c’est là que la campagne de communication de la Hadopi peut faire beaucoup de mal : en préparant le terrain, avec un discours déséquilibré et caricatural en direction des élus locaux, pour favoriser l’adoption de ces logiciels bridant l’internet public et portant atteinte de manière détournée à la liberté d’accès à l’information.

A vos plumes, à vos claviers, à vos téléphones !

Les élus seront sensibles aux protestations qui leur seront adressées et il n’est pas trop tard pour arrêter cette menace !

PS : Numerama vient de mettre la main sur les spots télévisés de l’Hadopi pour la promotion du label PUR. Le niveau est affligeant et cela renforce mes craintes concernant les supports à destination des EPN… Voyez plutôt :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Initialement publié sur le blog ::S.I.Lex:: sous le titre, L’Hadopi met un pied dans les lieux publics d’accès à Internet !

Illustrations et photos :

Hadopi ; Super Crapule vs Super Hadopi, capture d’écran ; Captain Copyright. Source : Wikimédia Commons

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Fiche pratique: utiliser un réseau social en classe http://owni.fr/2011/05/08/fiche-pratique-utiliser-un-reseau-social-en-classe/ http://owni.fr/2011/05/08/fiche-pratique-utiliser-un-reseau-social-en-classe/#comments Sun, 08 May 2011 08:34:51 +0000 Laurence Juin http://owni.fr/?p=61238

Vous voulez introduire les réseaux sociaux du Net dans votre pédagogie ? Voici quelques conseils et pistes de réflexion avant de se lancer : conseils que je donne de par mes deux ans d’expérience et de recul avec l’usage de Twitter en classe. Je prends donc en exemple dans cette fiche pratique le réseau social Twitter mais c’est adaptable à d’autres comme Facebook. Conseils qui n’impliquent que moi !
Avant de commencer, je recommande de l’utiliser personnellement pour bien le maîtriser. Comprendre la « philosophie » du réseau choisi, les codes de communication, les règles induites permet un meilleur usage en classe.

Tweeter en classe mais pour quoi faire?

On n’entre pas avec sa classe dans un réseau social comme on entrerait n’importe où. Comme on ne donne pas un livre à lire à ses élèves sans l’avoir lu avant, sans y avoir vu un intérêt pédagogique, sans en avoir défini à l’avance ce qu’il apportera à son enseignement. L’outil devient pédagogique si on lui en donne la fonction. L’utiliser en classe sans cette réflexion peut amener au risque « technologique » et à l’improductivité pédagogique.
Les nombreux témoignages que l’on peut lire sur l’usage de Twitter en classe (répertoriés par Bertrand Formet) nous montrent que les usages peuvent en être très variés : courtes productions écrites en classe, live-tweet de sorties/voyages scolaires, moyen de communication, soutien, interactivité sur le temps personnel de l’élève, ouverture de la classe à un plus large réseau, etc. Ce n’est pas la pédagogie qui s’adapte à Twitter mais bien Twitter qu’on adapte et devient outil pédagogique.

Quand l’utiliser ?

L’usage peut se restreindre uniquement sur le temps de classe proprement dit. Mais il est évident que l’utilisation du web 2.0 décloisonne la classe : l’enseignant entre facilement en communication et en interaction avec ses élèves en dehors des cours. Le réseau social peut alors s’étendre sur le temps personnel de l’enseignant et de l’élève. Il peut aussi permettre des échanges sur le temps de formation de l’élève en entreprise.

Cette extension sur le temps péri-scolaire est à contrôler. L’enseignant n’est pas à disposition communicante de l’élève et réciproquement. Attention à la chronophagie !

Les échanges sur Twitter sont souvent a-synchrones. Le message est posé; le destinataire, du fait de son adhésion au réseau de l’expéditeur, s’engage à lire et à y répondre si besoin. Si l’un de mes élèves me pose une question en plein milieu du week-end, j’y répondrai quand je serai disponible. L’utilisation de clients Twitter comme TweetDeck ou Hootsuite et des balises (# hashtag) permettent la bonne gestion de ces échanges a-synchrones.

Tweeter avec un compte classe ou des comptes élèves ?

Avec la définition des usages pédagogiques souhaités, vient la création du/des comptes Twitter de la classe. Un compte classe ? Un compte par élève ? Un compte élève à n’utiliser qu’en classe ? Un compte élève personnel ? Là encore les « twittclasses » nous montrent des usages variés. Il s’agit d’ organiser les comptes selon les usages qu’on veut en faire et surtout du public élève.

Un compte classe est souvent le plus adapté avec les classes de primaire et de collège. C’est l’enseignant qui gère, qui détient le mot de passe, qui organise la production de tweets. L’élève peut y écrire mais sous l’autorité et les conseils de l’enseignant. Non pour « contrôler ou restreindre l’élève » mais bien pour l’accompagner dans une éducation au web 2.0 cohérente. Faire créer un compte à l’élève c’est lui donner un outil en main qui doit être maîtrisé par l’enseignant.
Au lycée (ou en fin de collège s’il a reçu une vraie éducation numérique) l’élève acquiert un début de maturité, entre autres, numérique, qui lui permet de mieux appréhender les enjeux liés à de telles pratiques.

L’enseignant, pour les collégiens, peut aussi faire créer un compte à chaque élève tout en détenant le mot de passe associé au compte. L’élève est ainsi responsabilisé dans la gestion d’un compte-élève mais l’enseignant pose un cadre préventif.

Un compte Twitter peut aussi être créé par la classe pour un évènement ponctuel : un projet de classe (@haikufille = pour tweeter des haïkus); une sortie, un voyage comme l’ont fait @AmandineTer avec son compte classe @crotenaycycle3 avec ses CM ou @alozach et son compte classe @lespoutniks avec ses collégiens.

La dissociation stricte des comptes personnels de l’enseignant et des élèves des comptes «classe » est nécessaire. L’élève n’a pas à avoir accès aux données, opinions, prises de position privées de l’enseignant. Et réciproquement. Le réseau social tendrait à atténuer ces barrières strictes que la fonction d’enseignant impose. C’est un risque à ne pas prendre. L’enseignant reste enseignant qu’il s’adresse à l’élève en classe ou via un ordinateur:

Ne tweetez pas ce que vous ne diriez pas dans une salle de classe.

Avec quels moyens ?

  • En classe :
    Comme tout usage du numérique en classe, la question fondamentale est celle du matériel disponible dans la salle de classe ! Selon l’usage qu’on en fait, il est nécessaire que ça soit en corrélation avec le matériel. Impossible d’imaginer faire tweeter 30 élèves sur leurs 30 comptes avec 10 postes sur une heure de cours ! Les élèves ont-ils besoin de tous tweeter ? Tous au même moment ? Tous sur leur compte-élève ? Difficile d’avoir 30 postes à disposition dans une salle… et puis difficile de gérer, de lire et d’interagir avec la production de 30 tweeteurs sur une heure de cours ! Le matériel est donc à gérer avec les usages souhaités.

    Des postes en nombre (un pour 2 ou 3 élèves) à disposition régulière dans une salle permet de développer un usage régulier et souple de l’usage d’un réseau social en classe. L’idéal est un équipement mobile et personnalisable par et pour l’élève: tablette, netbook, smartphone. L’élève devient alors mobile physiquement pour tweeter : dans toutes les salles de classe, au CDI, en sortie, en voyage… etc. Un poste enseignant relié à un vidéoprojecteur pour montrer le mur de tweets est un équipement qui est un levier certain à l’usage.

  • Hors temps de classe :
    L’équipement personnel de l’élève est obligatoirement à prendre en compte pour adapter les usages hors temps de classe. Impossible d’exiger des élèves des interactions sur le réseau hors temps de classe si certains n’ont pas un accès personnel à Internet. Les équipements peuvent être très variés : équipements inexistants, familial partagé ou au contraire suréquipement avec un ordinateur personnel et/ou un smartphone. À prendre aussi en compte les élèves internes.

    Ce point est une contrainte réelle qui peut restreindre les pratiques envisagées hors classe. Doter chaque élève de netbook, de tablette ou de smartphone avec connexion Internet permettrait de réduire cette e-exclusion. Mais pour tout ce qui concerne le travail et l’implication hors temps de classe, l’enseignant n’a pas réellement de prise sur le degré d’implication de l’élève. Les élèves ont tous à disposition des manuels scolaires chez eux financés/subventionnés par les collectivités : les ouvrent-ils tous le soir comme l’enseignant leur a demandé de le faire ?

Quelles règles officielles ?

Présenter et soumettre le projet d’usage de réseaux sociaux en classe à ses directions/référents et autorités pédagogiques est nécessaire, utile voire obligatoire quand l’élève est mineur. Ces pratiques sont encore rares et l’association “réseau social-Facebook-dérives-danger” est très courante. À juste titre : les chefs d’établissement ont très souvent à gérer des problèmes liés à Facebook. En présentant un projet pédagogique cohérent, l’adhésion n’en sera que plus facilitée.
Au même titre : présenter le projet aux parents d’élèves est nécessaire.

Comprendre l’outil, démontrer l’intérêt pédagogique permet de faciliter la collaboration et l’adhésion au projet.
Plus qu’un assentiment pédagogique, c’est surtout un garde-fou institutionnel et légal qui est obligatoire : les textes officiels en rapport avec ces nouveaux usages n’existent pas encore. À chaque enseignant de se prémunir au maximum par un usage cohérent et très réglementé :
- établir avec le groupe-classe une charte d’usages du réseau social (adaptée au projet). C’est l’âge où ils découvrent le web 2.0 avec l’usage des réseaux sociaux, des blogs ou des tchats. Utiliser les réseaux sociaux en classe doit être dissocié de leurs pratiques et usages personnels. Exemple ici.
- demander les autorisations de diffusion des prénoms et noms des élèves
- demander une autorisation de diffusion de photos de l’élève (avatar pour le compte, photos lors de sorties…)

Quelle entrée en réseau social pour l’élève?

Avant de lancer le projet pédagogique associé au réseau social, et tout au long de ce même projet, il est nécessaire de mener une vraie éducation au web 2.0 auprès des élèves concernés. Ce n’est pas parce qu’ils utilisent beaucoup les réseaux sociaux (Facebook en tête) qu’ils maîtrisent tous les paramètres liés à ces usages.
Comme l’usage est ici strictement pédagogique, l’usage doit intégrer des apprentissages. Pour les enseignants d’éducation civique, utiliser cet outil c’est l’occasion de mettre en pratique leur enseignement ! Droits et devoirs du citoyen, textes de loi, respect de l’individu etc. Occasion aussi de proposer à l’élève la création d’une identité numérique positive : quel pseudo, quel avatar, quelle biographie ? Quelles informations l’élève veut-il/doit-il diffuser ? etc.
En conclusion, utiliser les réseaux sociaux du Net dans sa pédagogie permet beaucoup de possibilités, les usages sont variés et variables selon les besoins, adaptables à la classe, aux conditions de travail, aux programmes, aux équipes pédagogiques… . Une grande liberté qui ne doit pas faire oublier que ces usages doivent être très réglementés pour une vraie éducation.

Fiche non exhaustive… à compléter…

Billet initialement publié sur Ma onzième année

Image Flickr CC Attribution Photography by Dallas Hanger

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La fabrique de citoyens – Liberté http://owni.fr/2011/04/11/la-fabrique-de-citoyens-liberte/ http://owni.fr/2011/04/11/la-fabrique-de-citoyens-liberte/#comments Mon, 11 Apr 2011 06:20:59 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=47060

« Imaginez que l’on vous bande les yeux et qu’on vous expédie dans un tout autre point du monde. Pour les besoins de la démonstration, imaginons que rien, dans l’apparence ni le langage des gens, ne vous permette de deviner où vous pourriez être.
On vous emmène dans une classe ; on retire le bandeau de vos yeux, et vous observez le déroulement de la leçon.
À partir de cette observation, seriez-vous en mesure de deviner si vous vous trouvez dans un pays démocratique, ou dans un pays totalitaire ? »

Cette réflexion de Joel Westheimer [vidéo, en], professeur à l’Université d’Ottawa, est percutante : elle suggère avec impudeur que les expériences éducatives dans une nation totalitaire ne seraient pas notoirement différentes de celles que nos enfants vivent à l’école de quartier. Cela nous renvoie face-à-face avec une question centrale pour l’orientation à donner à l’éducation :
Quel genre de citoyens voulons-nous former avec nos écoles ?
… question qui doit être immédiatement complétée de son pendant :
Quel genre de citoyens formons-nous avec nos écoles ?
Comment les notions fondatrices de liberté, d’égalité et de fraternité se concrétisent-elles dans l’univers scolaire ?

Liberté

La liberté commence avec la pensée. Être libre, c’est être capable de penser par soi-même, mais également de penser autrement -les situations personnelles, sociales, culturelles ou globales.

Westheimer [pdf, en] a analysé le contenu de programmes scolaires visant à enseigner la citoyenneté démocratique. Il a trouvé que selon leur but, ces programmes se rangent globalement selon trois profils de citoyens qu’ils cherchent à promouvoir :

-    Le citoyen personnellement responsable : il agit de manière responsable envers sa communauté. Il travaille, paie ses impôts, obéit aux lois,  et à l’occasion fait des dons à la banque alimentaire de sa ville. Il pense que « pour régler les problèmes sociaux et améliorer la société, on doit être honnête, responsable, et obéir aux lois. »
-    Le citoyen actif pense que « pour régler les problèmes sociaux et améliorer la société, les citoyens se doivent de participer activement et occuper des positions de leader dans les systèmes établis et les structures communautaires. » Ce type de citoyen s’implique directement, par exemple en faisant du bénévolat à la banque alimentaire de sa ville.
-    Le citoyen activiste : selon lui, « pour régler les problèmes sociaux et améliorer la société, les citoyens doivent remettre en question et changer les systèmes et structures, si ces derniers ne font que reproduire l’injustice sociale ». C’est pour cette raison que dans sa réflexion l’activiste explorera par exemple pourquoi dans notre société certains ne mangent pas à leur faim -et il tentera d’agir pour résoudre les causes premières.
De ces trois modèles de citoyen, seul l’activiste « pense autrement ». Seul ce troisième niveau serait inconcevable dans une dictature (pour reprendre la remarque de Westheimer). Seul ce niveau différencie un pays démocratique d’un pays totalitaire.

La citoyenneté comme contenu d’apprentissage

Où l’école française se situe-t-elle dans ce modèle ? Quel(s) profil(s) promeut-elle ? Les Actes du séminaire national  La citoyenneté par l’éducation [pdf] s’attachent à décrire la façon dont la citoyenneté est enseignée concrètement dans les établissements scolaires ; voici un extrait de ce qu’on peut y lire :

« L’observation nous montre que souvent les principes d’obligation ou d’obéissance, de dépassement de soi, voire de frustration sont prioritairement mis en avant.

En fait, on est plus souvent là dans un apprentissage des structures et méthodes de la démocratie :
- Comment respecter la loi sinon en lui obéissant ?
- Comment développer l’esprit critique au contact de la réalité de la vie de l’établissement, de son contexte à l’aune de la confrontation de ses opinions et de celles des autres ?
- Comment élever à la compréhension de la loi en tant que règle de droit qui dit, interdit, régule et la loi comme obligation que l’on se donne ?

Si cette approche constitue un levier pour la réflexion de l’ensemble des acteurs de
l’établissement, elle est peut être beaucoup trop réductrice et porte en elle certains éléments de contradictions :

- très souvent proposée et animée par la vie scolaire, elle se limite à des propositions, des
échanges de vues qui sont considérés plus comme des espaces de consultation à l ’intérieur desquels la hiérarchie entre élèves, CPE et professeur est (à juste titre) maintenue et les pouvoirs de décisions réservés ;
- le ressenti des élèves, étant d’être quelque peu manipulés, alors qu’ils ont passé une très longue durée à travailler, à réfléchir sur des « actes de démocratie. »

Ce que cet extrait du séminaire montre, c’est que  l’école française a tendance à promouvoir une citoyenneté de « citoyen personnellement responsable » ; certaines initiatives visent parfois le niveau du « citoyen activiste », mais sans aller au bout de ses ambitions puisque les propositions des élèves ne débouchent généralement pas sur des actes.
Or, il y a possible incompatibilité entre ces deux modèles de citoyens, remarque Westheimer [pdf, en] :

« Le fait de se focaliser sur la loyauté et l’obéissance (…) gêne le type de réflexion critique et d’action que beaucoup considèrent comme essentiel dans une société démocratique. » (en, traduction de l’auteur)

Elèves manifestant leur soutien au mouvement 350.org, mobilisé contre le changement climatique.

L’école comme microcosme démocratique ?

J’avais parlé jusque-là spécifiquement de programmes scolaires repérés comme entrant dans le domaine « éducation civique ».  Mais l’extrait du séminaire nous fait mettre le doigt sur le fait que la structure même de l’univers scolaire –sa forme- ne représente pas un parfait microcosme démocratique : le fait que les propositions des élèves soient traitées comme un exercice sans retombées concrètes, la hiérarchie scolaire reprenant ses droits dans le processus de décision, paraît particulièrement anti-pédagogique lorsqu’on essaye d’inculquer que l’engagement activiste permet de faire avancer la démocratie pour le meilleur.

Le rôle des contenus d’apprentissage dans la « fabrication du citoyen »

Les contenus d’apprentissage constituent eux aussi des enjeux qui influent sur la « fabrication du citoyen » : ils privilégient certaines matières, et dans ces matières certaines approches, et certains acteurs.
Dans le remarquable ouvrage collectif  Les valeurs explicites et implicites dans la formation des enseignants, Serge Latouche, économiste français et père de la notion de décroissance économique, note que l’école participe à entretenir « l’orthodoxie économique » : les sciences économiques, telles qu’elles sont enseignées à l’heure actuelle, ne tentent pas de présenter aux élèves des modèles alternatifs à la croissance économique. Ni n’essaient de faire imaginer aux élèves des alternatives possibles au modèle dominant. Ni ne remettent en cause le lien implicite entre la croissance économique d’un pays et le bonheur de ses habitants.
Il existe, dans le choix des contenus, un consensus tacite que l’on ne pense pas toujours à questionner, ne serait-ce que pour s’assurer qu’ils sont toujours bien alignés avec les valeurs que notre société veut transmettre.

Ainsi, que penser, par exemple, de la place des femmes dans les manuels et programmes scolaires ?
Si dans nos cours de musique, nous avons certainement entendu parler de Malher, Mendelsshon ou Schuman, je doute qu’il s’agissait là d’Alma, de Fanny ou de Clara.

Sur la quatrième de couverture de l’ouvrage de Françoise et Claude Lelièvre L’histoire des femmes publiques contée aux enfants [pdf], on peut lire : « Alors que la France est parmi les premières nations de l’Union européenne pour le niveau scolaire des filles et pour le taux d’insertion professionnelle des femmes, elle est parmi les toutes dernières pour l’accès des femmes au pouvoir politique.
Étrange singularité. Françoise et Claude Lelièvre montrent, en analysant les manuels d’histoire de l’enseignement primaire en vigueur tout au long du XXe siècle, que les livres d’histoire de la communale ne sont pas pour rien dans cette curiosité.
Il faut attendre la génération des manuels de 1985 pour que l’on signale que les femmes ont obtenu le droit de vote en 1944, quarante ans après l’événement…(…)
Les femmes sont volontiers montrées dans des attitudes manifestement contraires à ce qui est attendu du pouvoir souverain : peureuses, pleureuses, implorantes, frivoles, facilement gagnées par les émotions ou les passions, excessives (…)
Il est plus que temps que ces stéréotypes disparaissent des manuels scolaires et des représentations dominantes si l’on veut éviter aux élections paritaires des lendemains qui déchantent. »

Vers une pédagogie citoyenne ?

Il est difficile de penser qu’on puisse développer un citoyen engagé en dissociant le fond de la forme. Ceci amène à se poser la question : quel genre de pédagogie est-elle la plus apte à transmettre les valeurs citoyennes ? Dès le premier coup d’œil, le  cours magistral ne frappe pas comme étant la meilleure « traduction pédagogique » de la démocratie.

« Certaines recherches se sont penchées sur les bénéfices cognitifs résultant directement d’interactions entre pairs. Elles ont permis de remarquer que ces interactions génèrent un processus appelé conflit socio-cognitif qui conduit l’apprenant à réorganiser ses conceptions antérieures et à intégrer de nouveaux éléments apportés par la situation.

Le conflit socio-cognitif résulte de la confrontation de représentations sur un sujet provenant de différents individus en interaction. Diverses études ont mis en avant que cette réorganisation des représentations pouvait provenir de deux types de déséquilibre : l’interindividuel, lorsqu’il y a opposition entre deux sujets ; l’intra-individuel, quant un sujet remet en question ses propres représentations. »

Christian Reynaud, de l’IUFM de Montpellier, développe plus avant la notion et parle de « débat » socio-cognitif : il identifie les conditions permettant aux apprenants de travailler ensemble, et d’apprendre de leur différences tout en les respectant. Le débat est étayé par trois règles :

« Chacun a de bonnes raisons de penser ce qu’il pense. » – impliquant que les opinions des autres sont cohérentes pour leur auteur.

« Ces arguments méritent d’être exposés à l’assistance. » – ce qui permet à la fois de donner une voix  à toutes les opinions, et en les exprimant, de les expliquer.

« Une personne ayant un avis différent est incité à reformulé au préalable les arguments auxquels il s’oppose, afin de vérifier qu’il les a bien compris. »

Un tel dispositif didactique, qui introduit directement dans son fonctionnement l’explicitation des valeurs, et les associe à un dialogue constructif respectueux, constitue un promoteur direct du développement de valeurs citoyennes ; « une citoyenneté moins basée sur le principe d’égalité que de tous que sur la reconnaissance d’un droit à la différence. »

De plus, ce type de débat s’accommoderait fort bien de contenus d’apprentissages du type de ce que suggère Serge Latouche : présenter le modèle économique dominant  en regard d’alternatives possibles constituerait les fondements d’un « débat socio-cognitif institutionnalisé » et permettrait, au-delà du débat d’idées,  d’imprimer fermement chez l’apprenant la notion qu’il n’existe pas de pensée unique.

Image Flickr AttributionNoncommercialShare Alike JaHoVil et 350.org

Retrouvez le deuxième et le troisième volet de cette réflexion.

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Promouvoir le logiciel libre dès la maternelle http://owni.fr/2011/01/20/promouvoir-le-logiciel-libre-des-la-maternelle/ http://owni.fr/2011/01/20/promouvoir-le-logiciel-libre-des-la-maternelle/#comments Thu, 20 Jan 2011 12:30:29 +0000 Simon Descarpentries (Framablog) http://owni.fr/?p=43139 Il y a quelques temps nous recevions une question fort pertinente via le formulaire de contact du Framablog. Une question du genre de celles dont on n’improvise pas la réponse dans la foulée, et il arrive alors que les réponses se fassent attendre un moment. Toutefois, les réponses une fois construites peuvent valoir le coup d’être partagées… [1]

Le plus facile, en matière de réponses, est de demander à ceux qui savent. Et les forums sont là pour ça. Mais pour aider dans le processus, la piqûre de rappel est un instrument qui se révèle efficace, et ainsi, le jeune père d’élève dont émanait la question, croisé samedi dernier au cours de l’une des nombreuses manifestations d’opposition à la LOPPSI qui animèrent le pays, en usa avec talent…

Pour la petite histoire, c’est un candidat aux élections de parents d’élèves de son école qui posa la question et c’est entre autre à un élu que s’adresse cette réponse, avec toutes nos félicitations et nos encouragements.

La question se présentait de la manière suivante :

Bonjour
Je vais me présenter aux élections de parents d’élève pour ma fille de 3 ans, en maternelle des petits. J’ai souvent lu des articles très intéressants sur le libre à l’école dans le Framablog et je suis moi même pirate et libriste. Je me demande si vous pourriez me conseiller sur, au niveau maternelle des petits, quels sont les actions que je pourrais tenter et sensibilisations que je pourrais entreprendre au niveau de l’école et de la municipalité, depuis ce poste de représentant des parents d’élèves. […]

La réponse que nous avons à lui fournir, dans la droite lignée de la catégorie Éducation de ce blog, émane d’un directeur d’école et animateur TICE. Il l’a découpée en quatre volets que voici.

Des difficultés

À l’école, l’informatique pour les élèves ce sont les TICE (Technologie de l’Information et de la Communication à l’École) parfois appelées TUIC (« U » pour « usuelle »).

Eh bien les TICE, le matériel informatique, ne sont plus mentionnés pour le cycle maternel dans les programmes 2008 de l’Éducation Nationale. Pas interdits, mais pas mentionnés : même pas comme exemple de support d’écrit.

Le niveau de maîtrise de l’outil informatique est très inégal parmi les enseignant(e)s de maternelle.

La dotation en matériel, pour les écoles maternelles et élémentaires, est du ressort de la municipalité. Les écoles maternelles sont souvent les parents pauvres en matière d’équipement informatique : souvent un poste pour la direction d’école… et c’est tout. Les parents d’élèves peuvent apporter leur concours en trouvant du matériel de récupération.

Des aides

Une remarque préalable : les enseignant(e)s sont responsables de leur pédagogie. On peut les aider, voire les inciter, mais en aucun cas les contraindre à faire utiliser l’outil informatique par les élèves.

Le mode de fonctionnement de la plupart des classes maternelles (en ateliers à certains moments) est favorable à l’utilisation de postes, par petits groupes, parmi d’autres activités. Il est nécessaire que le matériel soit fiable, et que les logiciels soient adaptés pour permettre rapidement une autonomie des élèves à cet atelier.

Dans de nombreuses circonscriptions, il existe un animateur TICE : un enseignant partiellement détaché. Parmi ces missions, il doit apporter son concours aux enseignants désirant mettre en œuvre une pédagogie utilisant les TICE. Il serait judicieux de se rapprocher de lui.

Il existe des packs logiciels (regroupant système d’exploitation et logiciels ludo-éducatifs) très bien conçus, et utilisables dès la maternelle à l’école ou à la maison. Ils se présentent sous forme de live-CD (on fait démarrer la machine sur le lecteur de cédérom) et on est assuré que les données contenues sur le disque dur ne risquent rien. Pratique pour l’ordinateur familial. On peut aussi les copier sur une clé USB, et la rendre amorçable [2]. On peut enfin les copier sur le disque dur à la place du système d’exploitation déjà existant (intéressant dans le cas d’une vieille machine un peu à bout de souffle).

Des réalisations très intéressantes

Il existe aussi la version monoposte d’AbulEdu (notice Framasoft), l’excellent FramaDVD École (page projet) et enfin de très nombreuses applications pédagogiques libres fonctionnant sous Windows.

Une remarque pour finir

Il me semble très maladroit de se présenter comme «  pirate et libriste ». Ça ne peut que renforcer la confusion dans l’esprit de certains, qui assimilent les deux termes. Ça ne peut que rendre plus difficile votre démarche d’aide aux équipes enseignantes.

Soyons clairs : le piratage à l’école… on n’en veut pas.

Pour des raisons éthiques : nous avons une mission d’éducation civique et morale. Tricher, voler, utiliser des logiciels piratés est en contradiction totale avec une démarche éducative.

Item 2.3 du Brevet Informatique et Internet (B2i)
Si je souhaite récupérer un document, je vérifie que j’ai le droit de l’utiliser et à quelles conditions.

Pour des raisons militantes : on sait bien que les pirates de logiciels font le jeu des maisons d’édition en renforçant la présence de leurs produits, en les rendant plus utilisés, donc plus désirables.

Soyons fiers des logiciels libres !

Article initialement publié sur Framablog.com

Crédits photo Flickr CC : Stéfan / _O2_ / harry.f

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Majorité échange débat contrarié contre pédagogie de la réforme http://owni.fr/2010/10/18/majorite-echange-debat-contrarie-contre-pedagogie-de-la-reforme/ http://owni.fr/2010/10/18/majorite-echange-debat-contrarie-contre-pedagogie-de-la-reforme/#comments Mon, 18 Oct 2010 18:08:45 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=32059 Depuis quelques jours, le gouvernement est face à un dilemme : résolu à ne pas modifier sa réforme des retraites, il se trouve incapable de changer les Français. Malgré mille stratégies de communication pour faire passer la pilule (qu’elles aient vanté la « justice sociale » ou le caractère « indispensable » de la réforme), l’opinion rechigne à accepter la réforme et la majorité se trouve incapable d’empêcher les manifestations d’être reconduites d’une semaine sur l’autre. Pour sauver la face, Frédéric Lefebvre (lobbyiste de formation) a donc dégainé un refrain un peu usé du sarkozysme : le besoin de « pédagogie » de la réforme.

Idée 1 : si vous êtes contre la réforme des retraites, c’est que vous ne l’avez pas comprise !

Derrière le mot « pédagogie », deux notions assez peu glorieuses se cachent : d’une part, une infantilisation de l’opinion publique, suivant l’idée que « ils s’opposent à cette réforme car ils ne l’ont pas compris ». Dès le lendemain de la manifestation du 7 septembre, François Fillon avait été envoyé pour « faire de la pédagogie ». Le 23 septembre, au soir de la seconde grande manifestation, c’était au tour du président du Sénat, Gérard Larcher, hôte du deuxième vote parlementaire sur la réforme des retraites, de plaider pour la pédagogie. Et, au cas où certains journalistes auraient eu l’idée saugrenue de critiquer le gouvernement, Nicolas Sarkozy lui-même s’était collé à « faire de la pédagogie » en juin dernier auprès des médias.

Idée 2 : noyer le débat sous un déluge de nouveaux mots

Passée cette idée selon laquelle il faut vraiment être abruti ou mal informé pour ne pas adhérer aux réformes proposées par le gouvernement, une méthode est là comme deuxième sous entendu de ce mot pédagogie : le « wording ». Début 2008, l’UMP avait édité un fascicule relié intitulé : « abécédaire des 9 premiers mois d’action de Nicolas Sarkozy (de François Fillon et du gouvernement ».

Malheureusement retiré du nouveau site de l’UMP (mais toujours disponible sur Marianne2), ce petit bijou de langue de bois compilait des dizaines de sujets-clés assortis d’argumentaires-types, étiquetés « à retenir » (voir ci-dessus) à destination des militants de droite pressés par leurs amis de gauche de justifier telle ou telle réforme. Soit la méthode exacte de communication du gouvernement qui, à chaque évènement politique majeur (à commencer par les élections) déploie tous ses éléments pour couvrir le champ médiatique d’arguments standardisés. Ce à quoi nous allons avoir droit sur la réforme des retraites : une poignée de formules calibrées répétée à l’infinie par les ministres et les membres de la majorité.

Or, ce matraquage n’est là que pour se substituer à la discussion que demandent les syndicats et au débat qu’exige le Parti socialiste. La « pédagogie » de Frédéric Lefebvre n’est qu’une énième tentative de noyer à grands mots les réfutations et critiques de l’opposition, sans rien changer à la lettre de la loi. Une démarche d’autant plus paradoxale que, à entendre François Fillon, la loi sera votée dès mercredi. A moins que le gouvernement ne soit pas si sûr de son fait et veule finalement plus se bercer lui-même que d’endormir les manifestants.

Photo FlickR CC Lucas Maystre et extrait de l’Abécédaire des 9 premiers mois d’action de Nicolas Sarkozy (de François Fillon et du gouvernement.

Retrouvez le dossier intégral d’OWNI sur les mobilisations de ces dernier jours

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Filtrage du Net: l’école a pris l’option autruche http://owni.fr/2010/10/07/filtrage-du-net-lecole-a-pris-loption-autruche/ http://owni.fr/2010/10/07/filtrage-du-net-lecole-a-pris-loption-autruche/#comments Thu, 07 Oct 2010 12:03:18 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=19557 Introduit dans la loi de 2005, le socle commun de connaissances et de compétences voulu par l’Éducation nationale

“constitue l’ensemble des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour réussir sa scolarité, sa vie d’individu et de futur citoyen.”

Y figure “la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication : chaque élève apprend à faire un usage responsable des technologies de l’information et de la communication (TIC). L’acquisition du Brevet informatique et Internet (B2i) est nécessaire à l’obtention, en fin de troisième, du Diplôme national du brevet (D.N.B.).”

Et c’est là que le bât blesse : la politique de filtrage mise en place dans les académies et établissements ne semble pas aller dans ce sens. Si l’Éducation nationale stipule à juste titre que “le développement de l’usage de l’internet [...] doit s’accompagner des mesures de formation et de contrôle permettant d’assurer la sécurité des citoyens et notamment des mineurs”, il est courant que le filtrage dépasse le simple respect de la loi. Quant à la formation…

La politique de l’autruche serait plutôt la tendance, à des degrés variables selon les académies voire les établissements.

Plusieurs niveaux de gestion

Comment marche le filtrage? Il n’y pas de politique nationale mais une gestion sur trois niveaux. Premier étage, les black lists de l’Université Toulouse 1 Capitole. Elles servent de référence en attendant une hypothétique liste nationale annoncée mais toujours pas mise en place. Pour le moment, c’est vers celle de Toulouse qu’elle dirige de fait.

Aux manettes, Fabrice Prigent, responsable service système. Il est à l’origine de cette liste, la première du genre en France : “Avant que je ne la commence, on trouvait des listes anglo-saxonne, explique-t-il. L’éducation nationale s’est rendue compte que les gens utilisaient la mienne, le ministère m’a contacté pour qu’elle soit liste de référence.”

Visiblement habitué à des remarques suspicieuses sur le terme “black list”, Fabrice souligne qu’il s’agit plutôt d’une “catégorisation” et qu’il exécute ce qu’on lui demande, point barre.

Exemple:

la catégorie blog est une demande du ministère, car certains étaient inquiets. C’est une catégorie compliquée, on va trouver de tout, je l’ai rempli avec les grands blogs

Quelle est la pertinence d’un tel classement, qui plus est lorsque la peur motive la décision?  N’y aurait pas en arrière-plan un a priori défavorable envers le blog ? Du coup, c’est un fourre-tout hétéroclite qui va de Skyblog à blogs.nouvelobs.com en passant par… Facebook. On y trouve même des sites nominatifs, comme bribri-au-coeur-dange (sic). S’agit-il de la production d’une adolescente qui a eu le malheur de se connecter de son établissement ? Mystère…

Fabrice Prigent indique également:

C’est vrai que c’est un filtre Internet, il a surtout pour fonction de bloquer.

Il y a forcément une vérification, “de nombreux plaisantins s’amusant à envoyer n’importe quoi par l’interface de mise à jour.” Tant qu’il y en a pas trop, la vérification rapide suffit mais c’est lui qui prend la décision finale : “Je n’ai personne d’autre.”

Personne d’autre mais outil, , pornperl, qui évalue les contenus listés adult (“les sites adultes allant de l’érotique à la pornographie dure”), qui constituent la liste la plus fournie. Si la note donnée par Pornperl est haute, le site est directement blacklisté, sinon, Fabrice vérifie. “Le doute profite à la protection”, précise-t-il. Il est parfois contacté directement par des gens qui lui signalent une correction.

Quel est le profil de ces contributeurs? “Il ne s’agit pas des professeurs mais de gens comme moi, des responsables informatiques en réseau qui trouvent pertinent d’alimenter la liste. Cet ensemble d’utilisateurs-contributeurs fait que cette liste semble correspondre à la majorité des besoins”, juge-t-il. Il dit apprécier la philosophie du libre “par pragmatisme : c’est mieux de répartir la tâche et les regards.”

Sauf que les regards ne semblent en l’occurrence pas vraiment partagés.

Une salle de classe sous le regard attendri de Tux: une utopie?

Une gestion fine… à condition de s’en occuper

L’enjeu se situe en fait aux niveaux inférieurs : les outils disponibles permettent une gestion fine, poste par poste, par tranche horaire. Outre les listes de Toulouse, il est possible de rajouter au niveau local un blocage par mots-clés, dont on connaît la limite : “sexe” peut tout aussi bien être une requête pleine d’hormones que studieuse, dans le cadre d’un cours de sciences naturelles. Enfin, un site en particulier peut également être intégré dans le système de blocage, au cas par cas.

Il existe plusieurs systèmes. DIR300-ENR est plutôt recommandé dans les écoles primaires et les petits établissements. Dans le secondaire et les universités, deux systèmes officiels sont utilisés. Entre les deux c’est une “guerre” feutrée. D’un côté, on a le SLIS, développé par l’académie de Grenoble. Premier pare-feu scolaire conçu dans un but pédagogique, il existe depuis 1998. “C’est un outil développé de la base, en lien avec les pédagogues”, avance Philippe Paget, responsable SLIS à Grenoble.

En face, le système EOLE AMON, poussé par le ministère et développé par des “techos”, à partir de 2000. Des techos accusés de développer un outil à visée administrative, rigide, aux fonctions insuffisantes, qui ne serait pas adapté aux besoins pédagogiques. Un point de vue que réfute bien entendu le camps adverse. Cédric Frayssinet, enseignant, s’occupe des réseaux informatique dans les collèges et lycées de l’académie de Lyon. Il estime que “les différences tendent à se réduire. SLIS est peut-être plus fin, mais plus complexe aussi. Il n’y a pas de grosses différences.”

Une judiciarisation qui favorise le principe de précaution

Si l’école pose des objectifs en matière d’Internet, il existe en face des lois. De jure, la pornographie est interdite au moins de 18 ans, on ne peut proférer des propos racistes, faire l’apologie du nazisme… Certaines CGU posent des restrictions à l’usage:  Facebook est interdit au moins de 13 ans, ce qui en interdit de jure l’usage par des 6ème et des 5ème…

En cas de pépin, la responsabilité en revient au chef d’établissement et éventuellement au professeur. Dans un contexte de judiciarisation -certains parents ont le procès facile-, “on devient parano , analyse Aka, professeur de mathématiques et membre de Framasoft, le filtrage est l’exemple d’une dérive liée au principe de précaution poussée à l’extrême.” Si on lui demande ce qu’il ferait s’il était chef d’établissement, il répond : “le filtrage, pour avoir la paix”. Mais comme professeur, c’est l’ouverture qu’il préfère sans barguigner. Il cite l’exemple d’un de ces anciens établissements dont les élèves avaient créés un groupe “je hais tel professeur”. Les faits n’avaient pas eu lieu dans l’établissement, n’empêche, c’est Facebook dans son entier qui a été banni.

Il souligne aussi le rôle des médias mainstream dans la crainte liée à l’Internet, toujours prompts à monter en épingle des faits divers anecdotiques. Un peu de bon sens, comme le demande Jean-Marc Manach :

lit-on, dans le même temps, [...] “violée à cause d’un bistrot”, “licencié à cause de Facebook” ?

“Le respect de la loi est d’abord le même que le FAI -obligation de conserver les traces pendant un an et de les fournir sur requête-, complète Bruno Devauchelle, formateur chercheur au CEPEC (Centre d’Études Pédagogiques pour l’Expérimentation et le Conseil) de Lyon, spécialiste des TICE. C’est aussi ce qui concerne l’accès des jeunes aux contenus, mais là les choses sont beaucoup plus floues sur la loi. Là encore filtrage est trop restrictif (cf sécurité, contrôle, suivi, etc.).”

Luc Bourdot, qui travaille sur AMON, justifie aussi cette prudence a priori : “Il y a une absence de séparation entre vie privée et vie professionnelle (en l’occurrence scolaire, NDLR). On a donné tôt un e-mail aux élèves. Dessus, l’élève mineur peut recevoir des messages à caractère privé si l’outil est ouvert sur l’extérieur, ce qui peut poser problème.”

“Tant que la sécurité est assurée, c’est le principal“, analyse Philippe Paget. Il se souvient d’une journée de formation assurée par un cabinet de consultants d’avocats : ” ‘Bloquez tout vous serez tranquille en cas de problème’, voilà le discours général”. Ce à quoi les développeurs de SLIS répondent  : “trouvez-nous le texte de loi qui corresponde”. Pas facile, en l’absence de jurisprudence consistante… Grenoble, “qui passe pour des non-conformistes” selon Philippe Paget, “bloque a minima”, juste ce qu’il faut pour respecter la loi dans le domaine.

Absence de politique nationale

La situation est clairement variable dans les académies et les établissements. “Dans les académies, cela peut changer d’une semaine à l’autre. C’est décidé par quelqu’un à qui on a confié les clés mais qui souvent n’y connait rien, indique Michel Guillou, adjoint au Conseiller TICE du Recteur de l’Académie de Versailles. Lorsqu’AMON est en place, il est alors beaucoup plus difficile de changer les réglages par défaut. Il s’agit souvent d’un local fermé à clé sous la responsabilité du chef d’établissement. S’il n’est pas sensibilisé à ces enjeux, le réglage est effectué une fois pour toute. Dans 95 % des cas, la liste de Toulouse est prise, sans y toucher. C’est une solution de confort.”

“Le degré de délégation varie, les académies verrouillent plus ou moins, explique Luc Bourdot. Ce n’est pas qu’AMON n’est pas adapté mais qu’on ne laisse pas la main. Le système permet de plus verrouiller au niveau académique, pour des questions d’optimisation. Mais nous, on milite pour la délégation.” Il souligne également que de leur côté, ils ont fait ce travail de formation et ont beaucoup communiqué.

Les professeurs, si l’on en croit les différentes personnes interrogées, ne mettent pas beaucoup le nez sous le capot, pour des raisons diverses. “Je n’ai pas l’impression qu’il soient beaucoup avertis sur le filtrage, qu’ils sachent qu’ils peuvent agir dessus. Beaucoup pensent qu’ils ne peuvent pas”, pense Fabrice Prigent. ‘Je prends, je coche tout et ça va’ se disent-ils, et tant que ça se plaint pas trop, on ne change pas.” Un point de vue confirmé par Michel Guillou : “1% sait qu’il y a des listes, et parmi eux, 1% que les listes peuvent être changées.”

“Les enseignants ne se mêlent pas de cela car ce sont les informaticiens qui, la plupart du temps, imposent leur vue au nom de la ’sécurité’, terme qui englobe filtrage (contenus et virus) contrôle (surveillance des flux et log) et suivi (surveillance en temps réel de certains flux, parfois sans respect de la loi)”, estime Bruno Devauchelle.

Anne Delineau, coordonnatrice académique CLEMI de Poitiers, nuance : “Les professeurs râlent mais font avec”. Il faut dire qu’ils ont d’autres chats à fouetter. Elle souligne aussi la lourdeur de la procédure dans son académie : “un professeur doit demander au chef d’établissement qui transmet à la DIR (Division Informatique et Réseau)” Nous avons demandé à ce que cela soit allégé mais c’est resté en l’état.”

“Le filtrage la majorité du temps, du moins dans les lycées, c’est les professeurs qui s’occupent de l’informatique qui gèrent, alors c’est plus difficile de faire ça finement, il faut prendre du temps, il faut être à la demande des professeurs, bref, on n’est pas forcément assez disponible pour filtrer finement, détaille Cédric Frayssinet à propos de son académie. Du coup, c’est plutôt un filtrage global par établissement, quand ce n’est pas tous les collèges d’un département entier, ce qui est le cas dans le Rhône : Facebook est interdit, administration et élèves compris. Un Facebook filtré pour des raisons de bande passante.

Car l’intérêt supposé de l’élève et la loi ne sont pas les seuls paramètres pris en compte : l’aspect financier pèse aussi. Certains sites, gourmands en bande passante, peuvent être bloqués pour des raisons d’économie. Les conseils généraux, en charge des collèges, et les régions, en charge des lycées, n’apprécient pas forcément de rallonger la note pour permettre de surfer sur des sites qu’ils ne perçoivent pas forcément comme des outils pédagogiques mais plutôt comme un loisir. Et tant pis pour le professeur d’histoire qui a besoin d’une vidéo sur YouTube pour son cours.

Retour dans l’académie de Lyon. Chaque lycée a son réglage, l’administrateur réseau, qui est aussi un professeur, bloque tel ou tel site à la demande des professeurs. “C’est essentiellement les documentalistes qui s’intéressent au sujet parce que dans les CDI il y a pas mal de postes en accès libre en midi et deux, ou pendant les pauses. Ils sont plus au fait des usages que les profs, qui sont dans les classes et surveillent leurs élèves. Le blocage global est problématique pour l’éducation numérique, rajoute-t-il, conscient des enjeux, comme l’usage des réseaux sociaux par exemple. Parfois des association viennent dans les collèges, ce tout ou rien est gênant.”


Et si on formait ?

Car c’est là la vraie question. Le guide pratique de l’accès à Internet affirme que “toute mise à disposition de documents suppose un choix et donc une sélection dans le fond comme dans la forme vers l’intérêt de l’élève.” Quel est l’intérêt de l’élève ? Le mettre dans une bulle artificielle, sans lui donner les moyens d’apprendre à maîtriser les outils ? Inciter à hacker les outils dans un but pédagogique ? La circulaire du 18 février 2004 réaffirme “le rôle majeur de l’école pour lutter contre la fracture numérique et proposer un accès à ce savoir pour tous nos élèves.” On sait l’importance d’une bonne gestion de l’e-reputation, par exemple. Pour aider les jeunes à maîtriser cette dimension, l’Éducation nationale choisit de blacklister Facebook et Twitter.

Michel Guillou déplore ainsi l’absence de “réflexion cohérente sur les enjeux de l’éducation aux médias. Celle-ci est encore trop axée sur les outils anciens, radio, télévision, PQR. Les plus sensibilisés sont les documentalistes. Actuellement, c’est une politique de l’autruche, on pense que le travail est fait vis-à-vis des parents parce que les tuyaux sont protégés, mais on ne se pose pas les vraies questions.”

Aka va dans ce sens : “Il n’y a pas de discussion avec les acteurs, dénonce-t-il. Tout se fait en haut, dans une logique top-down.” S’il confirme une absence générale d’intérêt, ce constat est logique selon lui vu ce contexte : “c’est le serpent qui se mord la queue”. Il en appelle du coup à un débat transparent :

ouvrons un espace de discussion sur le filtrage !

La vraie question pour lui, c’est : “Quelles conséquences pour les enfants ?” À l’écouter, on est en droit de penser que les risques d’un filtrage excessif sont peut-être plus forts que ceux liés à une trop grande ouverture des vannes. “Aujourd’hui les gamins sont démunis”, explique-t-il. Pour être nés avec une souris dans les mains, les enfants et les ados d’aujourd’hui n’en sont pas pour autant des digital literacy… La fracture numérique n’est pas qu’une question d’équipement mais aussi d’alphabétisation. Si l’école ne la prend pas en charge cette alphabétisation ? Et si filtrer il faut, car cela peut effectivement être utile dans certains contextes, “expliquer les raisons”, souligne Aka.

La pédagogie, c’est le parent pauvre

résume Philippe Paget. Lui estime que l’académie de Grenoble est bien lotie car les enseignants ont été sensibilisés au filtrage : “Ils savent qu’ils peuvent jouer sur la bride.”

“Il ne faut pas se mettre la tête dans le sac, l’Éducation nationale devrait former dans un environnement sécurisé à l’intérieur de la communauté éducative,” prône lui Luc Bourdot, soulignant qu’ils disposent de tels outils. Mais quid de l’élève une fois qu’il est chez lui devant son ordinateur ?

Anne Delineau pointe aussi le manque de moyens humains : éduquer, cela demande du temps et des hommes formés. Dans le contexte de réduction de postes, pas sûr que ce manque soit comblé…

Cédric Frayssinet indique aussi que le filtrage par identifiant, qui permet de filtrer par profil, qui arrive petit à petit, devrait améliorer la situation. In fine, chaque professeur gérerait le filtrage comme il l’entend dans sa classe. Mais règle-t-il la question de l’éducation…

Contourner le blocage ?

Rajoutons que le blocage d’un site reste toujours relatif. (Re)prenons Facebook le honni : “Je me suis rendu compte que Facebook était beaucoup plus présent que je ne le pensais : des sites y font appel avec du javascript, il était donc quand même visible”, détaille Fabrice Prigent. Ce genre de question posée sur un forum incite aussi à se poser des questions : “bonjour, nos élèves ont trouvé la faille pour accéder à certains sites bloqués par le SLIS, (ex FACEBOOK), il suffit de rajouter un “s” au http. je n’ai pas réussi à bloquer cette faille sur le slis. Je pose donc ma question : comment bloquer un site en https ?”

De quoi nuancer ces propos de Fabrice Prigent : “Contourner, c’est toujours envisageable. C’est le principe de la ceinture de sécurité, elle protège quelqu’un qui va pas chercher à aller trop loin. Je pense que c’est suffisamment compliqué pour que les enfants n’y arrivent pas.” On notera au passage le parallèle avec la prévention routière, sans nuance, est symptomatique d’une politique qui ne fait pas dans la dentelle : entre un blog nazi et Facebook, il y a une échelle de danger… Il existe aussi une chose merveilleuse qui s’appelle l’Internet mobile, c’est une tendance lourde, qui permet, ô merveille, de se connecter à YouPorn des toilettes.

En guise d’éducation, le fameux B2i n’est qu’une coquille vide guère significative, attribué en mode presque automatique puisque sa validation est obligatoire pour avoir le brevet. Du coup, le taureau est pris en main par les cornes au petit bonheur la chance, au hasard de la bonne volonté des professeurs, de leur temps, de leur appétence pour le sujet. Et pendant ce temps, nos voisins allemands vont enseigner la protection de la vie privée dans certains Länder.

Les annonces d’un certain François Fillon en 2004 semblent donc être restées au stade de la bonne parole incantatoire : “Aussi performants que puissent être les dispositifs de filtrage, ils demandent à être accompagnés de mesures de formation, de sensibilisation et de responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernées; une solution efficace dans le domaine de la sécurité ne peut se concevoir sans l’implication des utilisateurs. Les usagers, personnels de l’Éducation nationale et élèves, doivent être infomés des spécificités de l’Internet. Cette sensibilisation et responsabilisation, qui est déjà largement engagée dans les académies, est une étape indispensable à une utilisation citoyenne de l’Internet. Elle demeure une nécessité et le fondement d’une véritable prise de conscience des problèmes éventuels.”

Concluons par une citation amusante au vue de ce panorama, du même François Fillon :

“Je vous remercie d’apporter ainsi à nos élèves les moyens de devenir des citoyens éclairés de la société numérique”

Pour ceux que les détails techniques intéressent, voici les schémas de principe pour l’académie de Lyon.

À lire aussi : Hacker la pédagogie

Crédits photos CC FlickR happy via, Extra Ketchup

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La vidéo en ligne: un accélérateur d’innovation plus puissant que l’imprimerie http://owni.fr/2010/09/16/la-video-en-ligne-un-accelerateur-dinnovation-plus-puissant-que-limprimerie/ http://owni.fr/2010/09/16/la-video-en-ligne-un-accelerateur-dinnovation-plus-puissant-que-limprimerie/#comments Thu, 16 Sep 2010 15:01:21 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=28366 Cliquer ici pour voir la vidéo.

C’est un cercle vertueux qui s’autoalimente : une audience amène la lumière et la motivation qui appellent la foule. La logique des vidéos virales. La logique des TED Talks qui, depuis 2006, livrent en Creative Content des conférences des plus grands innovateurs et penseurs de la planète. Une logique qui, selon Chris Anderson, le créateur de TED.com, pourrait être la nouvelle logique d’une éducation massive, populaire et créative.

La « catalyse de l’innovation par la foule » / « crowd acceleration innovation »

Pour cet ancien journaliste, pas de mystère aux performances vidéos du jeune Anjelo (alias Lil Demon), break dancer de 6 ans : le temps consacré pour arriver à sa maîtrise technique, la diffusion de ses acrobaties et leur succès participent du même principe. Sous la forme d’une grande roue de fête foraine, Anderson énumère les réservoirs qui alimentent ce qu’il nomme « catalyse de l’innovation par la foule » (« crowd accelerated innovation ») : la foule, la lumière et le désir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sans la « lumière », visibilité nécessaire au phénomène, pas de diffusion. Sans le « désir », pas de motivation pour les heures de répétition et d’essais-erreurs nécessaires au perfectionnement. Et sans la « foule », pas de progrès, faute « d’écosystème favorable à l’innovation », où chacun assume vis-à-vis de la création et des autres son rôle de commentateur, créateur, sceptique, enthousiaste ou chasseur de tendances… Trois indicateurs qui, sur Internet, s’alimentent mutuellement : la lumière et le désir donnent accès à la foule de l’audience qui, directement (via les réseaux sociaux) ou indirectement (via les hits, liens entrants ou « vues » sur Youtube) offrent plus de lumière et de désir (de reconnaissance, de partage, etc.).

La nouvelle révolution de la transmission après Gutenberg

Un mécanisme d’amélioration qui ne fonctionne qu’en mode ouvert. « C’est en livrant ce que vous considérez comme votre plus précieux secret que des millions de gens pourront l’améliorer », s’enthousiasme Anderson, prenant exemple sur ses conférences : publiées en Creative commons, les vidéos de TED.com ont donné lieu à 300 millions de visionnages entre juin 2006 et juin 2010, des traductions en 70 langues et plusieurs milliers de vidéos estampillées TEDx, marque d’usage libre dérivée du cycle de conférence initial.

Une révolution qui, pour Anderson, concurrence rien moins que Gutenberg : précédent l’invention de l’imprimerie, colportant au bout du monde les idées et les opinions, toute l’histoire de l’Humanité s’était construite à l’aune de la discussion. La démocratisation de l’accès à Internet, l’explosion récente des limites de la bande passante et du stockage et l’effondrement du prix des caméras transforment le web en vecteur permanent de millions de discussions. Aussi bien dans leur propos que dans leur contenu non verbal : « le ton, les expressions du visage, le contact visuel, la réaction du public… Énumère Anderson. Ce sont des éléments clés de la motivation. Tout ça, sur un écran de quelques pouces de large. »

Faire de la foule de consommateur une université de contributeurs

Et ce vecteur a un potentiel d’application hors du commun, « car il montre plus que des paroles », il met en scène des « compétences ». La plate-forme de vidéos scientifiques Jove a ainsi répondu à un problème typique de la recherche contemporaine : comment répliquer une expérience décrite dans un article de revue scientifique ? « Cela prend parfois plusieurs mois, des milliards de dollars pour y arriver », assure-t-il. Là où une vidéo « montre » une manipulation cellulaire, un processus expérimental en quelques images, une poignée de mouvement et les couleurs et légendes nécessaires.

Une logique qui ouvre pour Chris Anderson un nouveau paradigme d’éducation :

Doit-on rester dans cet harassant schéma pyramidal ? Pourquoi pas un cycle pédagogique auto-entretenu où chacun peut participer ?

Un nouveau mode d’échange qui s’appuierait sur la mutation de chacun du consommateur passif au contributeur: « Qui est le prof ? Vous. »

Avec quelques caméras Flip et une connexion Internet, le bidonville de Kibera, dans la banlieue de Nairobi au Kenya, a pu monter son propre TEDx, exposer ses initiatives de vie locale et échanger l’expérience de ses talents : une école de cinéma, des initiatives pour recycler le contenu d’une décharge voisine, pour relancer la culture sur les terres souillées, monter une télévision… Une démonstration puissante du slogan de TED : « des idées qui valent la peine d’être partagées » (« Ideas worth spreading »).« Cette logique est profitable pour toutes les institutions », assure-t-il.

De sa nouvelle théorie, Anderson tire des enseignements pour sa propre initiative : le site TED.com permettra bientôt de répondre directement, en vidéo, de poster ses propres « TED talk »… Dans le simple but d’élargir la base.

Nous voulons passer d’une logique de une personne à beaucoup d’autres, à une logique du beaucoup à beaucoup. Si nous pouvons faire émerger le meilleur du meilleur d’un pool plus important, alors, la roue tourne.

Une vidéo initialement publiée sur TED.com.

Crédit photo CC Flickr WoodleyWonderWorks.

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